C'est un nouveau détricotage de la culture automobile auquel on assiste. Fini le temps où l'on prenait la route en prenant ses congés, en famille, pour borner sur les routes de France et s'arrêter dans ces stations-services qui les bordaient. Les auberges de diligence d'antan, une culture routière ancestrale, une halte à la fois obligé et ludique, un saut dans l'inconnu sur fond de convivialité spontanée. Une jolie carte postale de papa que notre temps a jauni, craquelé, jusqu'à effacer les contours. Aujourd'hui, c'est GPS, radar, grand ruban et une file indienne aux airs d'abattoir dans un cocon climatisé avec écran DVD. Le progrès quoi !


Alors, ces stations-services indépendantes ? Ces points névralgiques ne sont plus loin d'être définitivement rayés de la carte. En 1975, il y en avait 47 500. En 2012, elles n'étaient plus que 12 300. Et ce n'est pas fini. Avant le 31 décembre 2013, de nouvelles normes environnementales obligeant à revoir le stockage pourrait conduire à la fermeture de 1 600 points de vente incapables de financer un tel changement.


La digue symbolique des 871 stations "ultimes" annoncées par la Fédération nationale de l'artisanat automobile exploserait de fait. Une disparition qui plongerait les automobilistes, les entreprises et les services publics géographiquement concernés dans une dangereuse situation de désertification, selon l'organisme. Toujours selon ce dernier, un quart de la population doit accomplir plus de 5 kilomètres en moyenne pour atteindre une première station alors que dans 38 départements français, l'automobiliste doit rouler entre 15 et 38 minutes pour en trouver une seconde. Au final, environ 300 000 personnes n'ont déjà aucune station-service à moins de 10 minutes en voiture de chez eux, et 3,6 millions de personnes supplémentaires seront dans ce cas si la station la plus proche de leur domicile ferme.


Par ailleurs, la désertification ne menace pas seulement la campagne profonde. Paris va être aussi concerné : si rien n’est fait, d'ici 2020, il n'y aura plus que 39 stations-services contre 137 aujourd'hui autour de la capitale.


Tout en rappelant que l'effectif des stations-services a été été divisé par trois en trente ans, la FNAA demande au gouvernement un plan d'aide de 35 millions d'euros sur 3 ans, dont 9 millions d’euros d'aide pour la mise en conformité des petites stations et éviter leur disparition. Sinon, ce ne sont pas moins de 1 600 pompistes qui risquent de mettre la clé sous la porte faute de financement. Au passage, 60 % du carburant se vend désormais dans les stations de supermarché et d'hypermarché tandis que lesdites stations assurent de plus en plus des missions d'intérêt public, allant de la réparation auto à la vente de gaz en passant par l'épicerie.