Pikes Peak se situe à quelques kilomètres de la ville de Colorado Springs bordée par le désert et les montagnes. La chaleur suffocante qui y règne (40°) est atténuée assez régulièrement par de violents orages arrivant la nuit, comme celui qui a noyé la fan fest de vendredi soir (n'oubliez pas que nous avons 8h de décalage horaire) durant laquelle tous les concurrents exposent leurs voitures au milieu d'une foule dense de personnes à peu près tous aussi différents que les engins qui concourent dans la 2eme plus vieille course des USA. Bikers (dans le Colorado, le port du casque n'est pas obligatoire), hipsters, freaks en costume de super-héros, skaters, balèzes gonflés aux hormones, filles tatouées de haut en bas, mémés aux piercings brillants, homme d'affaire, famille classique, gros, maigres, on rencontre un nombre incroyable de gens différents qui se croisent sans aucune animosité dans une atmosphère qu'on a de plus en plus de mal à trouver chez nous.
C'est extrêmement bruyant, coloré, et toujours souriant. Les Américains sont expansifs et enthousiastes, c'est d'ailleurs précisément ce qui transpire de la course de Pikes Peak. Pour des gars comme Romain Dumas, on imagine que passer de la rigueur toute allemande des équipes d'Endurance pour lesquelles il court à ce joyeux bordel dont on se demande s'il est organisé a dû représenter un sacré contraste la première fois. Pour Sébastien Loeb qui est là depuis quasiment un mois avec un ami à lui et sa femme qui vient de le rejoindre, c'est clairement aussi un moment de détente. Le pilote Peugeot qui est un fanatique de moto a loué une Harley et se balade dans la région dès qu'il peut échapper à ses obligations. Il est clair que les standards de Peugeot Sport et de Loeb sont assez éloignés de ceux de la course et ce sont les seuls à disposer des barrières autour du stand alors que le pilote ne se balade pas dans le parc comme beaucoup d'autres, tels Rhys Millen ou Romain Dumas. Pour bien illustrer l'écart, chez Peugeot, ce sont les seuls à chausser des pneus rainurés pour simplement sortir du parking de terre où est situé le parc et ensuite, arrivés sur le goudron, chausser les pneus pour le run. Pneus Michelin qui sont par ailleurs spécifiques et qui mixent structure et dimensions des futurs pneus d'Endurance 2014 et une gomme ultra-tendre.
Cela contraste d'autant plus que tout le reste de la course est un sympathique bordel où rien n'est figé, surtout pas les horaires prévus ! Vendredi sur la route du pic à 4h du matin, on rencontre un gros bouchon provoqué par le contrôle à l'entrée, un contrôle effectué par une seule personne ! Mais le plus marrant est que dans ce bouchon où personne ne s'énerve, on retrouve les spectateurs, les journalistes mais aussi les concurrents ! Nous assisterons donc à des scènes assez surréalistes comme celle de croiser Loeb en Harley faire un peu de hors piste pour remonter la route ou encore Romain Dumas remontant la même file de voiture mais à pied !
Ensuite, on attaque la montée par la route de la course (bonheur). Il semble possible de se garer où l'on veut, très peu de protection ou même d'interdictions mais personne ne se gare n'importe comment. Les quelques personnes censées guider le flot d'arrivants semblent plus soucieuses de finir leur café et la discussion avec leur collègues et lorsque nous arrivons à destination (devil's playground à quelques miles du sommet), la température n'est plus du tout étouffante mais piquante. Apparemment, 8 / 10° que nous supportons ne sont rien par rapport aux températures des semaines précédentes où il a même neigé. Le lever de soleil est magnifique, les premiers moteurs retentissent à 5h15 et une Camaro d'un autre âge nous barre la route. C'est celle d'un concurrent de l'Unlimited.
Pas de police, n'y de planning strict, les pilotes qui souhaitent effectuer un run se présentent devant un commissaire qui donne le départ en laissant un écart avec le suivant. Parfois la session s'arrête parce qu'on a perdu un concurrent … il paraît que Rhys Millen a même croisé dans un de ses runs un concurrent qui redescendait tout seul ! La Norma de Romain Dumas frotte le sol même pas stabilisé du parking de terre pour rejoindre la route où on découvre des autos improbables : la Ford RS200 de Pat Doran (925 ch quand même) qui est sortie 2 fois durant les essais est rafistolée au scotch et lorsqu'il s'élance, ça tortille dur. Idem pour ce Quad Polaris bricolé qui dandine sévèrement et part en travers ou encore ces bricolages sur base de BMW e30 swappée au V8. Quant à la Camaro de tout à l'heure, elle s'élance dans un burn à chaque fois plus impressionnant. La plus spectaculaire en accélération est évidemment la 208 mais la Mini de Dayraut n'est pas en reste et fait son effet. Si la Norma de Dumas n'a qu'un 4 cylindres sous le capot ça ne l'empêche pas de vriller les oreilles à toute l'assistance à chaque départ mais il est flagrant qu'elle manque de coffre. Rhys Millen est finalement assez sage sur ses départs alors que la discrète Ford RS200 de Remison impressionne par ses mises en vitesse et sa sérénité devant ce déferlement de puissance. Aucune voiture n'est identique, ni dans ses formes ni dans son comportement. C'est rafraichissant.
Sur la partie du dessous entre Glen Cove et Devil's Playground, les autres catégories de concurrents s'entrainent (un simple 4x4 planté en travers de la route sert de délimitation entre les 2 secteurs). C'est l'occasion de découvrir un point de vue magistral et surtout l'arrivée de plusieurs engins surréalistes. Les électriques d'abord dont les sirènes percent les tympans et recouvrent presque le bruit des V8 old school qui équipent pas mal de voitures. La barquette futuriste de Nobuhiro Tajima arrive, suivi d'une camion diesel qui siffle, chuinte et fume comme jamais. Des bricolages sur base d'anciennes tracent de belles parallèles à chaque épingle dans un grondement que les ours du coin doivent apprécier, les Open wheels aux ailerons hypertrophiés marchent très fort, Simon Pagenaud déboule dans son monospace Honda fumant (petite fuite d'huile sur le turbo) et se fait moquer par Bruno Famin, patron de Peugeot Sport qui ira aussi filer un coup de main à Romain Dumas en panne d'alternateur.
Les concurrents qui ne sont pas là pour la première fois discutent entre eux et regardent leur collègues monter avant que le convoi de descente s'égrène vers le point de départ après une attente de 45mn sur le bord de la route. C'est cet assortiment disparate qui fait tout le charme de cette course plus que l'engagement épisodique de constructeurs ou de pilotes de renom. Nous avons des courses de côtes magnifiques en France mais aucune ne se déroule dans cette ambiance à nulle autre pareille. Pikes Peak, c'est une compétition, certes, mais c'est avant tout un rendez-vous annuel de pilotes et bricoleurs locaux avec « leur » monument géologique et sa route magnifique, c'est une épreuve qui nous aura permis de découvrir un cinquième français. Grégoire Blachon est expatrié depuis 5 ans et vend des blocs Subaru diesel (!) dans le pays. Pour se faire connaître, il a équipé une Impreza 22B (2 portes) d'un boxer diesel 2,0l poussé à 200 ch qu'il a conduit lui même jusqu'à Pikes Peak avant de prendre part aux essais. Son objectif, battre un vieux record en diesel autour des 14mn. À voir l'auto évoluer dans un panache de fumée assez peu engageant nous fait dire que ça n'est pas fait.
Enthousiastes, je vous disais
Une vraie 208 en provenance directe du Mexique
mais aussi une vraie 205 GTI US
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