La question de la semaine

« Quand il s'agit de véhicules de société qui sont flashés par des radars automatiques, vous conseillez, Me Tichit, de dénoncer les personnes présumées responsables des infractions. Autrement dit, vous incitez les patrons, à qui sont adressés dans un premier temps les avis de contravention, à désigner les conducteurs présumés. Vous dites que c'est dans l'intérêt des gérants de société comme des salariés. Pourquoi ? »

Caradisiac

 


Un système hautement faillible mais...

La réponse de Maître Tichit : « Tout à fait. Ce qu'il faut d'abord comprendre, c'est que lorsqu'il s'agit de véhicules de société, c'est le représentant légal de ladite société qui reçoit les avis de contravention [pour les PV sans interpellation, soit les PV radars automatiques et stationnement, NDLR], et c'est donc à lui que sont imputés les différentes infractions, en l'occurrence les différents excès de vitesse, et donc les retraits de point(s) correspondants. L'intérêt du gérant de société, c'est donc de désigner le salarié qui a l'habitude normalement d'utiliser le véhicule en question, qui a été pris et flashé, afin d'éviter à terme d'avoir son permis tout simplement annulé.

Caradisiac : Si l'on comprend bien l'intérêt des patrons de dénoncer leurs salariés, on comprend moins en quoi cela peut aussi être profitable à ces derniers... Pouvez-vous nous l'expliquer ?

Me Tichit : Reprenons. Le représentant légal de la société a dénoncé son salarié. De ce côté, je dirais donc que c'est bon pour lui, il échappe à toute responsabilité pénale par rapport à un excès de vitesse, en plus qu'il n'a pas commis... La suite logique, c'est que le salarié désigné reçoive à son tour l'avis de contravention. Mais la particularité, c'est que lorsqu'il reçoit cette contravention, il dispose bien lui-même d'un délai pour le contester. Il peut donc lui-même demander à être entendu par le juge pour expliquer par exemple qu'il a peut-être la garde du véhicule, mais qu'il n'en est pas moins innocent... Qu'il n'a pas commis l'infraction et qu'il ne sait pas qui était le conducteur au moment des faits...

Caradisiac : Oui, parce que l'on sait par ailleurs que les clichés des radars n'identifient généralement personne ! Il est ainsi très simple de nier les faits. Et comme le salarié n'est pas le titulaire de la carte grise, il lui suffit d'affirmer qu'il n'est pas responsable de l'infraction pour échapper à l'ensemble des sanctions (amende + retrait de point(s)), c'est bien cela ?

Me Tichit : Si cela se passe très bien, c'est l'une des failles du système, cela veut dire en effet que le représentant légal de la société, en désignant le salarié, va pouvoir échapper à la perte de point(s), et à l'amende, et du côté du salarié, comme il n'y a pas la preuve formelle que c'était bien lui le conducteur au moment des faits, même s'il reconnait qu'il a normalement la garde du véhicule, mais qu'il affirme qu'il ne sait pas qui conduisait à ce moment-là, il ne pourra qu'être relaxé. Dans un tel cas de figure, il n'y a donc aucune condamnation, et du coup, c'est bien profitable aux deux! »

 


… de longues heures perdues au tribunal

en cas de contestation

Conclusion de Caradisiac : C’est l’une des failles énormes de ce système automatisé. Dans les cas où les patrons envisageraient alors de dénoncer systématiquement leurs salariés qu’ils considèrent comme responsables des faits reprochés - ce qui n’est absolument pas une obligation, rappelons-le ! -, il leur est fortement recommandé de mettre en place une gestion minutieuse de leur parc de véhicules. Avec par exemple la présence d’un journal à bord de chacun d’eux, sur lequel les salariés qui l’utiliseraient auraient l’obligation de mettre leur nom et la date à laquelle ils le prendraient. Quand ce sont toujours les mêmes voitures qui sont associées aux mêmes employés, le gérant de société pourrait carrément prévoir une annexe à leur contrat de travail pour l'indiquer.

Dans le cas où l’administration lui réclamerait quelques garanties sur ces dénonciations, un patron aurait ainsi toute une documentation à présenter pour prouver qu’il respecte ses responsabilités et qu’il gère au mieux son parc de véhicules.

De son côté, le salarié dénoncé pourra, théoriquement, plus facilement s’en sortir, puisque n’ayant pas été arrêté – tout ce qui est décrit ici ne fonctionnant en effet que dans le cadre des radars automatiques, soit sans interpellation des conducteurs fautifs -, il lui suffira simplement d’assurer qu’il n’était pas le conducteur dudit véhicule flashé au moment des faits, quand bien même par exemple ce véhicule lui est généralement attribué... Sans interpellation, et sans cliché permettant sans conteste d’identifier le conducteur, l’administration se retrouve dans une véritable impasse.

Maintenant, même s’il s’agit d’une réelle faille, force est de reconnaître aussi, qu’en procédant ainsi, ce sont de longues heures qui risquent d’être perdues au tribunal avant de réussir ce tour de passe-passe !

 

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