Des accusations sans fondement et irresponsables, selon la Chine
Pékin n'est pas content et le fait savoir. La semaine dernière, une source proche du gouvernement français avait confié que la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur) privilégiait une piste chinoise dans l'enquête sur la livraison de secrets industriels et selon Le Figaro hier, des comptes suisses et du Liechtenstein appartenant à deux des trois accusés auraient reçu de fortes sommes versées par une société chinoise de distribution électrique. Devenue le méchant officiel et facile depuis l'explosion de l'Union Soviétique, la Chine refuse toutefois le rôle de l'espion chez Renault et tape du poing sur la table : Hong Lei, le Ministre des Affaires Étrangères chinois, a protesté vivement : « Ces accusations sont sans fondement et irresponsables. La partie chinoise ne peut les accepter ». L'affaire prenant un tour politique et même si ni Renault, ni la France n'ont confirmé cette piste, les membres du gouvernement français sont rapidement montés au créneau pour venir au secours de l'ami chinois, à commencer par François Baroin, son porte-parole, sur Europe 1 hier : « Il n'y a pas d'accusation officielle de la France et du gouvernement français à l'égard d'aucun pays aujourd'hui. Nous sommes dans le cadre d'une enquête » même s'il s'agit véritablement selon lui « d'une guerre d'intelligence économique ». Interviewée ce matin à ce sujet, Christine Lagarde, la Ministre de l'Économie, a elle-aussi démenti : « Il y a une procédure en cours. Il est hors de question de faire des commentaires sur telle ou telle filière ou tel ou tel pays ».
Les accusés nient tout en bloc
Restant jusqu'ici dans l'ombre du rideau, les trois accusés, reçus hier après-midi au siège social de Renault à Boulogne-Billancourt pour un entretien préalable à un licenciement pour faute lourde, sont sortis de leur réserve et nient tout en bloc. Directeur du programme véhicules électriques et membre du comité de direction, Michel Balthazard considère ces accusations comme « une grave atteinte à ma dignité et à mon intégrité » avant de poursuivre « Renault porte contre moi des accusations très graves que je réfute totalement ». Son objectif est maintenant de laver son honneur : « Je suis prêt à collaborer à toutes les enquêtes qui pourraient être diligentées. Je me considère comme une victime d’une affaire qui me dépasse et sur laquelle j’attends des explications ».
Matthieu Tenenbaum, directeur ajoint du programme véhicule électrique et aussi sur le banc des accusés d'espionnage industriel, a préféré quant à lui laisser son avocat s'exprimer pour lui. Et ce dernier, Thibault de Montbrial, ne décolère pas non plus. « Premièrement, monsieur Tenenbaum est accusé sur la base d’une lettre anonyme. Deuxièmement, cette lettre anonyme indiquerait au conditionnel que monsieur Tenenbaum aurait reçu des pots de vin et aurait commis des actes contraires à l’éthique. Quels pots de vin ? Combien ? Ou ? Comment ? Par qui ? Quels actes contraires à l'éthique ? Il n'a été répondu par la direction de Renault à aucune de ces questions ». Son client, comme Michel Balthazard, est prêt à collaborer avec la Justice en mettant à disposition « sa famille, ses comptes bancaires, ses téléphones, sa voiture afin qu’une fois pour toute il soit lavé des soupçons insupportables qui sont portés à son encontre ».
Enfin, Bertrand Rochette, adjoint de Michel Balthazard, s'est confié sur l'antenne de RTL hier soir : « A ma stupéfaction la plus complète, Renault m'a annoncé ma mise à pied pour des faits que je n'ai jamais commis et qui seraient de la divulgation d'informations contre de l'argent, ce qui m'est totalement étranger ». Il affirme « vivre un vrai cauchemar » et être « totalement démuni » face à cette affaire : « Encore une fois, ce que je vis est au-delà de ce que l'on peut imaginer et c'est insensé » avant de conclure « Je ferai tout ce que je peux, assisté de mes avocats pour me défendre et faire valoir mon innocence ».
De son côté, le constructeur français, qui devait porter plainte lundi puis mardi, devrait finalement le faire aujourd'hui selon un communiqué laconique envoyé à l'AFP : « Renault déposera plainte demain, mercredi 12 janvier. A partir de cette date, les éléments de cette affaire seront donc confiés à la justice ».
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