3 octobre 1971, François Cevert triomphe au Grand Prix des Etats-Unis. 6 octobre 1973, il se tue aux essais sur ce même circuit de Watkins Glen. Le destin ou simplement ce qu’était le quotidien d’un champion de F1 alors s’est cruellement amusé à brouiller les images de gloire et de mort à l’image d’une tragédie classique.


Un double anniversaire à la Janus et un double hommage servi par le magazine Grand Prix qui, sur une quarantaine de pages, recueille les témoignages de ses proches, des témoins ou encore de ses rivaux. Pour l’occasion, un certain Eric Bhat a même repris du service. Pour les plus jeunes, il est celui qui a lancé « Auto Plus » à la fin des années 80, mais pour les plus anciens, il fut le journaliste passionné de course automobile qui livra (déjà) un regard nouveau sur la F1 au travers de sa revue Grand Prix International, revue superbement illustrée par un jeune photographe du nom de Bernard Asset.

Trente ans après, Eric a repris exceptionnellement la plume pour nous faire profiter de ses relations privilégiées avec Jacqueline, la sœur de François et l’épouse de Jean-Pierre Beltoise, son idole et ami. De cette longue complicité surgissent des souvenirs uniques sur la carrière du champion disparu, mais aussi des moments d’intimité, où l’homme François Cevert apparaît avec ses faiblesses, ses doutes, son caractère entier, son ambition, mais aussi son inaltérable joie de vivre et son appétit jamais apaisé pour tous les défis. La clef de voûte de cet hommage, juste et sensible mais sans sensiblerie, s’accompagne d’un témoignage plus inattendu de Jean-Claude Killy, l’autre superstar du sport français de l’époque, amateur de course et copain de François, se rappelant de certaines frasques d’une époque à jamais révolue, où les gens célèbres n’étaient pas encore des « people » aux stupides comportements stéréotypés.


Pour la suite du dossier, Pascal Dro, le rédacteur en chef de la revue, prend le relais et se montre une nouvelle fois à la hauteur de sa réputation de « public relations » en collectant notamment les témoignages de Jackie Stewart, de Niki Lauda, Jody Scheckter, ou Henri Pescarolo. Si le récit du triple Champion du monde écossais ainsi que celui de son épouse Helen restent empreints quarante ans plus tard d’une émotion palpable, les autres se révèlent plus convenus, voire parfois plus confus. Même avec passion, l’histoire ne peut être réécrite a posteriori en inversant les causes et les conséquences de tel ou tel fait survenu bien après les événements. Dommage de réussir l’exploit de réunir une brochette d’anciens champions du monde de F1 et un quadruple vainqueur du Mans sans totalement maîtriser son sujet et oublier ainsi une certaine profondeur dans les questions.


Quoi qu’il soit, ne boudons pas notre plaisir. A travers François Cevert, c’est toute une époque qui revit au son des V12 Matra, des bousculades de la Coupe R8 Gordini, des glissades des Berlinette Alpine, mais aussi d’une proximité à jamais disparue entre le public et les pilotes et le temps d’une insouciance que l’on croyait éternelle.

Et puis, saluons le courage de cette petite publication, qui n’a pas hésité à prendre des risques alors que les grandes maisons de presse et d’édition se sont encore trouvé toutes les excuses du monde pour ne pas relever le défi.