L'initiative du marché des quotas visait à préparer les industriels européens à respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. De fait, les industriels concernés (énergéticiens, cimentiers, sidérurgistes, soit environ 12 000 sites européens) se sont vus distribuer, pour les années 2005, 2006 et 2007, des quantités de quotas à ne pas dépasser, avec la possibilité d'en acheter ou d'en vendre sur le marché selon qu'ils émettaient plus ou moins que prévu. Le but était que le quota devienne une ressource suffisamment rare - et donc chère - pour inciter les industriels à réduire leurs émissions et à investir dans des technologies propres. Aujourd'hui, le prix du quota de dioxyde de carbone (CO2) ne vaut presque plus rien. Il a clôturé à 0,88 euro mercredi 21 février sur le marché Powernext Carbon, l'une des principales plateformes européennes d'échanges de permis d'émission de gaz à effet de serre. Il valait entre 8 et 10 euros début 2005, au lancement du marché européen des quotas (un quota, ou permis, correspondant à une tonne de CO2 émis), et avait même atteint 30 euros au printemps 2006 ! Et il y a peu de chances pour qu'il se redresse d'ici la fin de l'année, selon les spécialistes de ce marché. Certains estiment même qu'il pourrait tendre rapidement vers zéro. Cet effondrement est une grande déception pour les organisations non gouvernementales (ONG) et pour la Commission européenne. Avec un quota à moins d'un euro, ils n'ont aucun intérêt à faire des efforts. Henrik Hasselknippe, un des responsables de la société d'études norvégienne Point Carbon, a déclaré : "Le système a en partie échoué dans la mesure où il n'a pas conduit à autant de réductions d'émissions qu'espéré."
L'effondrement du prix de la tonne de CO2 est lié, selon les experts, aux attributions de quotas beaucoup trop laxistes en 2005. A l'exception des énergéticiens, la plupart des industriels ont reçu plus de permis qu'ils n'ont émis de CO2 cette année-là. Pour 2006 et 2007, les calculs de conformité site par site (vérification des quantités émises par rapport aux quotas alloués) n'ont pas été encore réalisés. Mais nombre d'observateurs s'attendent au même constat, vu que les quotas alloués pour ces années ont été les mêmes qu'en 2005.
La phase "2" du marché du carbone, entre début 2008 et fin 2012, fonctionnera-t-elle mieux, avec un prix du quota suffisamment élevé ? Tout dépendra de la capacité de la Commission européenne à imposer aux Etats des plafonds de quotas plus bas pour leurs industriels respectifs. Jusqu'à présent, elle a fait preuve de détermination. Elle a notamment obligé la France à revoir sa copie : les quelque 1 500 sites français concernés ne pourront pas émettre plus de 132,8 millions de tonnes de CO2 par an au total, entre 2008 et 2012. Le ministère de l'écologie rouvre une consultation à partir d'aujourd'hui afin de déterminer comment répartir ces quotas entre industriels. Les intervenants sur le marché du CO2 semblaient parier, ces derniers temps, sur la fermeté de la Commission. En effet, le prix du contrat à terme pour livraison d'une tonne de CO2 en décembre 2008 restait élevé (environ 18 euros au début 2007). Mais il a perdu près de 30 % en un mois et demi. "Le fait que des sociétés européennes commencent à aller chercher des permis d'émissions de CO2 à l'étranger, puis à les échanger, peut compter", suggère Hasselknippe. Ainsi, un certain nombre d'entreprises européennes ont commencé à utiliser un des principaux mécanismes du protocole de Kyoto, celui "pour un développement propre". Elles ont investi dans des projets réducteurs d'émissions dans des pays en développement, et ont été - ou sont en passe de l'être - créditées d'autant de permis (quotas) que de tonnes d'émissions évitées. Quelque 1 800 projets ont été déposés sur les bureaux des Nations unies, correspondant à 2 milliards de permis.
Source : Le Monde
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