La dette écologique de chaque habitant de la Belgique équivaut à neuf terrains de foot. Cette dette représente aujourd'hui 9 hectares par habitant, soit l'équivalent de 300 fois la superficie du pays. C'est l'enseignement clef de nouveaux chiffres dévoilés par le Global Foot print Network (GFN) à la demande du parti Ecolo. C'est une ONG basée en Californie qui informe sur la dette écologique. Une autre image est employée : "Si tous les humains pompaient les ressources de la planète comme nous le faisons, trois Terres seraient nécessaires pour nous permettre de mener ce train de vie." A la demande d'Ecolo, le Réseau mondial pour l'empreinte écologique a calculé l'évolution sur une quarantaine d'années des "recettes écologiques" et des "dépenses écologiques" pour la Belgique et le Grand-Duché. Les premières ont diminué de 24 %. Pendant ce temps, les secondes sont passées de 3,4 à 5,6 hectares par habitant en raison essentiellement de la consommation d'énergie. Confirmation : les Belges sont gourmands en énergie en tout genre.
Le journaliste belge Christophe Schoune explique : "Jusqu'à présent, les perspectives mondiales établies par le GFN pour le compte du WWF, le World Wide Fund for Nature (Fonds mondial pour la Nature), n'avaient pas détaillé, secteur par secteur, l'évolution des « recettes » (biocapacité) et des "dépenses" (empreinte écologique). C'est chose faite pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg, considérés comme une seule entité statistique par le GFN. Notre capacité biologique s'est réduite de 24 % en quarante ans, passant de 1,6 à 1,2 hectare par habitant. "Davantage de routes, de bâtiments, d'infrastructures ont réduit d'autant le territoire et une partie du patrimoine environnemental, concède Geoffroy De Schutter", chef de projet au WWF. Il ne faut pas s'arrêter sur le détail des chiffres, mais considérer l'écart qui se creuse entre notre biocapacité et la consommation des ressources. Même si ces données datent de 2003, rien ne permet de penser qu'il y a aujourd'hui une diminution de notre dette écologique. En termes de tendance, l'empreinte écologique de la Belgique a enflé dans des proportions dignes du déficit cumulé de nos finances publiques. Alors qu'elle était de 3,4 hectares par habitant en 1960, notre "trace" se chiffre aujourd'hui à 5,6 hectares. C'est net : la consommation vorace des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), incriminée dans le réchauffement climatique, représente la progression la plus importante. Transports, consommation de produits manufacturés à l'étranger, chauffage... les Belges et les Luxembourgeois caracolent au top du classement des émissions de CO2 produites par habitant en Europe. Au bout du compte, l'écart entre nos recettes et nos dépenses environnementales n'a cessé de se creuser. Il y a 40 ans, le déficit était de 2,2 hectares par habitant, note le rapport. Aujourd'hui, il est de 4,3 hectares par habitant." Soit plus de 300 fois la superficie de notre pays. Fatalisme ? L'Allemagne est parvenue tour à tour à réduire son empreinte écologique et à améliorer sa biocapacité propre ces dernières années. "Il faut demeurer prudent avec l'interprétation de ces chiffres", nuance Walter Hecq, professeur en économie de l'environnement, à l'ULB. Dans les calculs, des erreurs méthodologiques peuvent apparaître. De même, les paramètres retenus par le GFN sont parfois réducteurs. On prend en compte la population et le nombre d'hectares pour assurer la satisfaction de besoins de base, c'est-à-dire la capacité écologiquement productive. Mais il n'y a pas que l'homme là-dedans. On ne tient pas compte de l'impact sur les écosystèmes et leur altération parfois irréversible... » Bref, le modèle serait... trop conservateur. Et pour cause, les données utilisées par le GFN, issues des Nations unies, sont parfois incomplètes. On s'étonnera par exemple de voir le couvert forestier légèrement diminuer alors que les tendances générales observées dans les pays du Nord sont à l'augmentation. "Ce travail plus fin sur les chiffres doit se faire au départ de chaque pays", relève Geoffroy De Schutter. "La Suisse a par exemple décidé d'aller plus loin à ce niveau en s'inspirant du modèle de l'empreinte écologique..."
Créer “un vrai gendarme écologique”
Inscrire le développement durable dans la Constitution ? La Chambre devrait se pencher la semaine prochaine sur le texte dit Cornil. Pour les Verts, cette proposition n'engage à rien et doit être renforcée en faisant une référence claire à la lutte contre l'épuisement des ressources à l'instar de ce que la Suisse a inclus dans sa Constitution. Le journaliste belge Christophe Schoune s'est entretenu avec Jean-Marc Nollet, coauteur de cette nouvelle proposition.
Le développement durable prépare sa joyeuse entrée dans la Constitution. Mardi prochain, la Chambre se penchera sur le projet de Jean Cornil (PS) adopté au Sénat en juillet dernier. Révolutionnaire ? Pour le député Ecolo Jean-Marc Nollet, on demeure dans le « slogan ».
Vous lancez un appel aux partis démocratiques afin d'amender ce projet. Pourquoi ?
La philosophie du "texte Cornil" est de travailler le développement durable en complément des autres politiques. Notre projet est d'amener le développement durable au coeur de la conception de toute politique. Alors que le texte adopté au Sénat est symbolique, notre objectif est concret. En précisant qu'il convient de "tendre vers l'équilibre" entre la consommation des ressources et leur remplacement sur une même période, on introduit une notion juridique. Il y aurait un devoir de résultat pour les pouvoirs publics et une possibilité de recours en justice pour les associations.
Pourquoi la majorité accepterait-elle subitement de modifier ce qui fait consensus ?
Le contexte a changé. Le rapport Stern sur le coût du réchauffement, l'origine humaine établie de façon indiscutable par le Giec, le film d'Al Gore ou le pacte écologique de Nicolas Hulot... Beaucoup de choses se sont passées entre l'adoption du texte en juillet et aujourd'hui. Et ces événements justifient que la Belgique ne soit pas en retrait. L'Argentine, le Portugal, la Suisse ou l'Afrique du Sud ont inscrit de manière plus volontariste le développement durable dans leur Constitution. La proposition actuelle est au mieux une déclaration d'intention et au pire un alibi de façade.
Pourquoi s'accrocher à ce point ? La Constitution ne réglera jamais cette question...
Elle rendra les choses possibles. La Cour des comptes a établi en 2006 que la plupart des mesures prévues afin d'assurer la mise en oeuvre du développement durable sont demeurées au stade des intentions. C'est pourquoi il est capital que le prochain gouvernement crée une inspection du développement durable (IDD).
Le gouvernement fédéral vient d'adopter une grille d'évaluation de ses politiques à ce niveau...
Le gouvernement ne doit pas rendre des comptes de cette manière alors que l'IDD serait au développement durable ce que l'Inspection des finances est au budget. Soit, un vrai gendarme écologique. Aucune décision publique ne pourrait plus être prise sans avoir étudié son impact sur la biosphère. On s'est attaqué à la fin des années quatre-vingt à la dette budgétaire, à la fin des années nonante à la dette sociale. Il est urgent de s'attaquer à la dette environnementale. C'est une question de solidarité entre les générations et entre le Nord et le Sud.
Elio Di Rupo, patron du PS, dit qu'il y a trois formes d'écologie : fiscale, idéologique et humaine... Vous êtes de quel côté ?
Pour moi, il y a deux formes d'écologie. Celle des plateaux de télévision et celle de l'action. Il faut sortir des slogans. Guy Verhofstadt a annoncé un Kyoto plus et dans les faits, c'est Kyoto moins puisqu'il tente de négocier avec l'Europe l'augmentation des quotas d'émission de l'industrie."(voir ma news du 27 février à ce sujet)
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