Dans un article précédent, je vous expliquais les quatre facteurs de la crise alimentaire mondiale : la hausse du prix du baril de pétrole (donc des carburants), l’accroissement de la demande des pays émergents (Chine et Inde notamment), les aléas climatiques sur les cultures vivrières et les agrocarburants, prenant la place des cultures nourricières dans les pays en voie de développement. Il semblerait toutefois que les agrocarburants soient le facteur le plus aggravant dans la crise alimentaire.
La nouvelle énergie dite « verte » ne serait pas si écolo que ça : encore encensés il y a quelques mois, les agrocarburants affichent dès à présent ses limites. Au départ, ils représentaient une alternative économique durable : avec la hausse exponentielle du prix du baril, les Etats-Unis et l’Europe ont lancé un vaste programme de développement des agrocarburants, énergie issue des cultures agricoles : les Américains ont multiplié par quatre la production de bioéthanol, et les Européens prévoient l’usage de 10% d’agrocarburants sur la totalité des utilisés pour faire baisser les rejets de gaz à effet de serre.
Deux partis s’affrontent aujourd’hui : les pour et les contre
La politique de production massive d’agrocarburants est jugée « crime contre l’humanité » par Jean Ziegler, le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation : « Quand on lance, aux Etats-Unis, grâce à six milliards de subventions, une politique de biocarburants qui draine 138 millions de tonnes de maïs hors du marché alimentaire, on jette les bases d’un crime contre l’humanité pour sa soif de biocarburant… »
A cela, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva répond : « le vrai crime contre l’humanité, ça serait de rejeter à priori les biocarburants. Rares sont ceux qui mentionnent l’impact négatif de l’augmentation du pétrole sur les coûts de production et s’élèvent contre l’impact nocif des subventions et du protectionnisme dans le secteur agricole. »
Certains se préfèrent encore se donner le temps de la réflexion à la guerre idéologique : le mouvement Cap 21 par exemple préconise un moratoire sur la production d’agrocarburants de « première génération », pour laisser le temps aux à ceux dits de « seconde génération », c’est-à-dire issus de plantes non comestibles (type jatropha) ou de déchets de plantes alimentaires (type éthanol cellulosique, provenant des fanes de betterave, de la paille de maïs…).
Les pays occidentaux commencent à prendre conscience de l’urgence : le Premier Ministre britannique Gordon Brown a demandé une étude sur les conséquences des biocarburants sur les prix alimentaires. Il a pour cela écrit une lettre à son homologue japonais, qui préside actuellement le G8. Rama Yade, la Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme a quant à elle demandé de répondre d’urgence à l’appel du PAM (Programme Alimentaire Mondial), qui réclame 500 millions de dollars.
Pendant que les beaux discours se propagent, la crise alimentaire persiste.
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