Un petit rappel sur l'E85 s'impose avant de faire le tour du monde pour les véhicules Flexfuel en 2006. L'E85 est un carburant issu de l'incorporation directe et majoritaire d'éthanol dans de l'essence sans plomb non modifiée. L'éthanol est mélangé directement avec l'essence. Le taux d'incorporation peut atteindre jusqu'à 85%. La base essence utilisée est du SP95 standard. Le choix de la base essence et du taux d'incorporation est dicté par la nécessité de contrôler la volatilité du carburant. La volatilité (tension de vapeur) est un paramètre important :
- Trop basse -> démarrage à froid impossible
- Trop élevée -> émissions excessives dans l'environnement par temps chaud (évaporation par le canister du réservoir et saturation du filtre). L'incorporation directe d'éthanol à faible teneur nécessite des bases essences spécifiques
- Éthanol très volatil lorsqu'il est fortement dilué
- Nécessite des bases essences à faible volatilité
- Éthanol moins volatil que l'essence lorsqu'il est concentré
- Nécessité de conserver au moins 15% d'essence ou plus pour assurer le démarrage à froid
- Teneur en éthanol variable suivant les conditions climatiques et les saisons (plus basse en hiver).
Les caractéristiques de l'E85 : pourcentage d'incorporation pouvant aller jusqu'à 85% d'où l'alternative réelle aux carburants fossiles (facteur d'indépendance énergétique), l'impact significatif sur les émissions de polluants et de CO2 ; utilisable sans base essence spécifique ; utilisable uniquement par des véhicules spécifiques (flexfuel) ; nécessité d'adapter le réseau de distribution.
L'E85 permet au consommateur de conserver une liberté de choix quant au mode de carburation. Les véhicules flexfuel peuvent fonctionner indifféremment avec de l'E85, avec de l'essence SP95 traditionnelle ou avec un mélange quelconque de ces deux carburants. A chaque plein, l'utilisateur d'un véhicule flexfuel est libre de remplir son réservoir avec de l'E85 ou avec du SP95. L'E85 présente un pouvoir énergétique au litre inférieur de 30% à celui de l'essence et de 36% à celui du gazole, d'où un écart de consommation des véhicules. Essence : 32 389 (Pouvoir calorifique inférieur (PCI) en kJ par litre Carburant) ; Gazole : 35 952 ; Ethanol : 21 283 ; E85 : 22 950.
Les véhicules Flexfuel dans le monde en 2006
Les ventes mondiales en 2006 de véhicules flexfuel sont estimées à plus d'1,5 million de véhicules. Environ 8 millions de véhicules flexfuel sont en circulation.
L'offre des constructeurs est déjà très complète. Au Brésil, pratiquement tous les constructeurs implantés localement proposent des modèles flexfuel : Fiat, Ford, General Motors, PSA, Renault, Volkswagen.
Aux Etats-Unis, 8 constructeurs commercialisent des véhicules flexfuel :
modèle), Mercedes (2 modèles), Mercury (2 modèles), Nissan (1 modèle)
L'éthanol tend à devenir un carburant courant dans les Etats où il est disponible à la vente. Au Brésil, près de 100% des stations proposent déjà de l'éthanol pur comme carburant. Aux Etats-Unis et en Suède, le réseau de distribution de l'E85 s'étend rapidement. La proportion de stations distribuant l'E85 atteint déjà près de 17% en Suède et 5% dans l'Etat américain du Minnesota.
Les capacités mondiales de production d'éthanol sont en forte augmentation. Les deux principaux producteurs, Brésil et Etats-Unis, investissent dans un plan de développement ambitieux. Les stratégies de ces 2 pays diffèrent :
- Etats-Unis : production à partir du maïs, orientée vers la demande intérieure, réserve de progression conséquente (le maïs exporté représente 135% de la production d'éthanol 2005)
- Brésil : production à partir de la canne à sucre, volonté d'accompagner la demande mondiale (exportation de 26 millions d'hl en 2005), plafond de production non défini et sans doute très élevé.
L'outil industriel est en forte expansion. Une centaine de bioraffineries sont actuellement réparties dans les Etats du Middle West. 32 usines supplémentaires et 6 extensions de sites existants devraient porter la capacité de production à 250 millions d'hectolitres par an en 2008, soit 48% de plus qu'actuellement. Les usines les plus modernes ont une capacité annuelle de production supérieure à 3,8 millions d'hectolitres. Les rendements de transformation progressent de façon continue 4,3 hectolitres d'éthanol par tonne de maïs en 2005 contre 3.7 en 1995 (+15% en 10 ans).
En Europe, d'autres grands pays agricoles (Espagne, Pologne) ambitionnent de développer une capacité de production d'éthanol autonome. Leur but est de respecter les objectifs communautaires d'incorporation (5,75% en 2010 en équivalent énergétique) sans recourir à l'importation. La production sera issue majoritairement des céréales :
- Espagne (vers 2009) : céréales (88%), betteraves (6%), alcool vinique (6%)
- Pologne : céréales (82%), betteraves (10%), pommes de terre (4%).
Le développement de l'E85 allègera la facture énergétique et contribuera à réduire la dépendance énergétique. Le poids du pétrole dans la facture énergétique française est prédominant et progresse fortement depuis 10 ans. Les transports représentent plus de 50% de la consommation de produits pétroliers en France. Le développement d'un carburant comme l'E85, issu pour l'essentiel de matières premières renouvelables produites en France, constitue un enjeu majeur en termes d'indépendance énergétique. Les transports routiers sont la principale source de gaz à effet de serre en France (29% des émissions totales). Les transports sont, avec le résidentiel tertiaire, la seule source de gaz à effet de serre à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990. L'augmentation est de 22,7% pour les transports dans leur ensemble, et de 19% environ pour les seuls transports routiers. Les voitures particulières représentent plus de la moitié des émissions de CO2 des transports routiers.
Le potentiel de production en éthanol de la France devrait progresser grâce à l'amélioration des performances agroindustrielles. Les performances agroindustrielles, en litres d'éthanol par hectare, ont progressé en moyenne de 3,8% par an au Brésil sur les 30 dernières années (production à partir de la canne à sucre) et de 2,7% par an aux Etats-Unis sur les 20 dernières années (production à partir du maïs). A moyen terme, un saut technologique est attendu qui permettra d'utiliser la totalité de la plante pour la production de l'éthanol. Actuellement, le processus de fermentation alcoolique utilisé pour la production de l'éthanol n'exploite qu'une partie de la plante : le fructose (pour la betterave) ou l'amidon (pour les céréales). Des travaux sont engagés dans plusieurs pays pour produire de l'éthanol à partir des constituants de la plante actuellement non exploités : cellulose, hémicellulose et lignine. Ces constituants, appelés biomasse lignocellulosique, seront d'abord transformés en sucres par hydrolyse enzymatique, puis en éthanol par fermentation. En France, un programme de recherche est en cours dans ce domaine, sous l'égide de l'agence nationale de la recherche et de l'ADEME. Les premières applications industrielles sont attendues à l'horizon de 5 ans. Les modifications à apporter aux véhicules essence pour leur permettre de fonctionner avec de l'E85 sont parfaitement connues et maîtrisées. Certains matériaux doivent être modifiés pour les rendre résistants à la corrosion :
- Soupapes, joints, etc. Le pilotage électronique du moteur doit être adapté
- Détection du carburant, optimisation de la combustion, etc. Des réglages spécifiques peuvent également être nécessaires pour optimiser les émissions de polluants et
pour améliorer la consommation et la puissance du moteur et tirer parti des spécificités du carburant
- L'E85 présente un indice d'octane plus élevé, de 104 contre 95 pour l'essence SP95. Le surcoût de fabrication reste globalement très limité. Il est estimé inférieur à 200 euros en grande série. Le prix de vente final dépend toutefois aussi de la politique commerciale des constructeurs
- Des véhicules flexfuel aux normes européennes sont déjà en circulation, véhicules commercialisés en France en 2006 : Ford Focus et Focus-C-Max Bioflex, Saab 9-5 Biopower
- Autres véhicules flex-fuel vendus en Europe : Volvo S40 et V50 en Suède et Allemagne.
Le coût de transformation d'une station service pour la rendre apte à distribuer l'E85 peut être estimé entre 20 000 et 40 000 €. Ce coût recouvre notamment :
- Le changement ou le traitement (stratification) des cuves destinées à recevoir l'E85
- La pose d'une tuyauterie adaptée (résistante à la corrosion) entre les cuves et les volucompteurs
- La modification des volucompteurs (remplacement des matériaux de la partie fluidique)
- Les travaux de génie civil.
L'adaptation de la logistique amont (stockage et transport de l'E85) peut être réalisée sans investissement majeur. La France compte 73 dépôts de supercarburants. Une mise à niveau technique est nécessaire pour permettre à ces dépôts d'accueillir de l'éthanol :
- Les dépôts pétroliers relevant des installations classées pour la protection de l'environnement, des procédures spécifiques doivent être respectées
- Ces procédures seront plus ou moins contraignantes selon la configuration du dépôt et le volume du bac
d'éthanol installé. 2 dépôts sont équipés d'installations de stockage de l'éthanol (Rouen et Strasbourg) et d'autres en 2007.
Le coût de l'E85 doit se situer à un niveau nettement inférieur au niveau de l'essence SP95 et se rapprochant du niveau du gazole pour un même nombre de kilomètres parcourus. La compétitivité du carburant E85 a vocation à encore s'améliorer : améliorations prévisibles en terme de prix de l'éthanol consécutives à l'augmentation des volumes et des performances agroindustrielles, évolution haussière à long terme des cours du pétrole, amélioration à attendre sur les performances des moteurs flexfuel. Dans les conditions du marché du pétrole observées en 2006 et en prenant en compte les écarts de consommation entre l'E85, l'essence et le gazole, le niveau de prix nécessaire pour assurer la compétitivité-prix de l'E85 au kilomètre parcouru par rapport aux carburants fossiles est environ de :
- 0,90 €/l TTC par rapport à l'essence SP 95
- 0,70 €/l TTC par rapport au gazole
Aux conditions économiques observées en 2006, un niveau de prix autour de 80 centimes par litre est une base permettant à l'E85, à l'usage, d'être nettement avantageux pour l'automobiliste par rapport à l'essence et de tendre à un prix proche du gazole.
Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Enquête DGTPE.
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