L’environnement, « ça commence à bien faire ». Cette déclaration faite par Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculture au début du mois avait marqué un premier tournant dans la communication du gouvernement sur le thème de l’écologie qui aurait du mettre la puce à l’oreille quant au futur funeste de la taxe carbone. Car après quelques rebondissements, François Fillon a refermé le dossier hier.
Fin juillet 2009, Michel Rocard rendait un rapport d’expertise sur la taxe carbone. Son but était de taxer les énergies fossiles afin de contraindre les consommateurs à en utiliser moins et donc à réduire les émissions de CO2 résultant de leur utilisation. Le produit de la taxe aurait été redistribué ensuite sous forme d'exonérations fiscales. Dans la pratique, pour le particulier, cela revenait à augmenter le prix du carburant d’un peu plus de 4 centimes par litre à partir du 1er janvier 2010. Début septembre 2009, le Président de la République se posait alors comme un fervent défenseur de la taxe carbone dans deux discours successifs dans lesquels deux passages restent en mémoire : « Le deuxième [engagement pour l’écologie], c’était la création de la taxe carbone. Je ne comprends pas comment on peut avoir signé le pacte de Nicolas Hulot au printemps de 2007 et aujourd’hui renier sa parole et ne pas faire ce que l’on a dit que l’on ferait. Je l’ai signé. Je le fais. C’est une question d’honnêteté. Si l’on ne le fait pas, on n’est pas honnête » et « Cette taxe provoque des débats et c'est normal. C'est une grande réforme comme la décolonisation, l'élection du président de la République au suffrage universel, l'abolition de la peine de mort et la légalisation de l'avortement ».
Mais dès sa présentation, elle a fait grincer de nombreuses dents, avant tout parce qu’elle allait générer des inégalités entre ville et campagne, et entre riches et pauvres. Mais là n’était pas le pire. A cause de très nombreuses exonérations dont bénéficiaient les industries les plus polluantes, elle s’avérait de plus totalement inutile, puisqu’au final, 93% des émissions de CO2 n’auraient pas été taxées. Ce sont les raisons pour lesquelles le Conseil Constitutionnel annule le projet seulement quelques jours avant sa mise en place, contraignant le gouvernement à revoir sa copie. La date de mise en place passe alors au 1er juillet 2010 et des consultations sont lancées avec les industries pour les inclure dans le texte final. Mais celles-ci auront le dernier mot : hier, le Premier Ministre François Fillon annonce le report de cette fiscalité écologique à une date ultérieure non précisée, laissant avant tout la responsabilité à la Commission Européenne de développer une telle mesure afin de « ne pas plomber la compétitivité des entreprises françaises ». Plus tard dans la journée, il réaffirmera toutefois la volonté de la France de rester un moteur dans le domaine en demandant à l’Europe « d'accélérer la mise au point d'une proposition en vue d'une harmonisation des dispositifs de fiscalité écologique dans l'Union européenne ».
Les réactions vives n’ont bien sûr pas tardé. Du côté du Medef, on se félicite de cette décision : « nous avons su convaincre » a expliqué Laurence Parisot, sa présidente, dans un communiqué. Pour Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, c’est la douche froide : « Je suis désespérée de ce recul, désespérée que ce soit l'écolo-scepticisme qui l'emporte », a-t-elle déclaré hier soir. Ou plutôt la douche écossaise, puisque sur l’antenne de RTL, elle a ce matin réaffirmé sa confiance envers Nicolas Sarkozy qui a « a toujours été [son] meilleur soutien pour l'écologie ». Du côté du PS, si on affirme que c’est une bonne nouvelle pour les ménages, on ne manque pas de remarquer que « progressivement ce sont les engagements du Grenelle, qui, un à un, se dissolvent », rejoignant ici les Verts qui, s’ils trouvaient la mesure de toutes façons trop tiède, s’inquiètent d’un report sine die d’une fiscalité écologique. Enfin, dans une lettre ouverte adressée à Nicolas Sarkozy, les associations écologiques, telles que WWF, Greenpeace et les Amis de la Terre, rassemblées sous le pavillon d’Action Climat France regrettent que « la médiatisation étant retombée, l'enjeu du changement climatique se situe désormais bien loin des priorités du gouvernement. »
Finalement, doit-on publier officiellement le certificat de décès de la taxe carbone ou respire-t-elle encore ? Selon François Fillon, il revient à l’Europe de mettre en place une fiscalité écologique et la France poussera pour y parvenir. Malheureusement, malgré ces déclarations vertueuses, son instauration au niveau européen n’est absolument pas à l’ordre du jour ne devrait pas l’être avant au moins 2013.
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