La fin d'année approche, le paysage se transforme et nous indique clairement qu'Halloween est terminé et que nous entrons dans l'hiver : les pubs télé débordent de jouets, les feuilles se ramassent à la pelle, les vitrines des magasins s'illuminent, les oies donnent leurs organes, les enfants remplissent leur lettre au Père Noël et les contrôles routiers s'intensifient. Comme le sapin, le gendarme devient tout à coup plus présent au bord des routes et comme d'habitude, les mauvais chiffres de la Toussaint en matière de sécurité routière redonnent de l'allant (et de la voix) aux associations de lutte contre la violence routière qui réclament plus de répression et pointent du doigt les lacunes du système.
Pour le coup, c'est l'immunité dont bénéficient les employés de certaines entreprises face au retrait de point en cas d'infraction qui irrite les chantres de la tolérance zéro.
Les patrons sommés de payer les PV de leurs employés ?
En effet, lorsqu'un radar automatique immortalise une voiture de société, le courrier sous plastique arrive généralement au QG de l'entreprise à laquelle appartient la voiture flashée une dizaine de jours plus tard. Il existe pour quelques-unes de ces sociétés une pratique qui arrange tout le monde, à savoir que l'employé en faute est informé par ses responsables qu'une 'prune' vient d'arriver concernant l'auto qu'il utilisait le jour de l'infraction : si le salarié paie l'amende avec ses propres deniers (ou rembourse ensuite la société), alors, il n'est pas dénoncé et conserve donc tous ses points de permis. La pratique arrange tout le monde puisque le salarié conserve son sésame rose, la société ne paie pas les amendes et ne perd pas ses employés privés de permis, puis enfin, le Trésor Public reçoit sa dîme, ce qui est une des finalités de ce système de répression.
Bien évidemment, cet échappatoire ne plait pas du tout aux associations contre la violence routière qui militent depuis des années pour que cela cesse. Dans une décision du 30 septembre dernier, la Cour de Cassation leur a donné un coup de pouce en faisant un rappel à la loi basé sur l'interprétation stricte de l'article L 121-2 du code pénal : "lorsque le certificat d'immatriculation d'un véhicule verbalisé pour excès de vitesse est établi au nom d'une personne morale, seul le représentant légal de celle-ci peut être redevable pécuniairement de l'amende encourue et en aucun cas la société elle-même".
Où comment encourager la délation à l'intérieur même de la société. Une pratique policière classique pour faire avouer de (vrais) délinquants qui malheureusement tend à se généraliser en dehors des commissariats. Dénoncer l'autre pour ne pas être accusé soi-même.
Pas forcément
Le patron n'est pas forcément toujours le représentant légal dans une entreprise car ce "statut" est généralement refilé comme une patate chaude au dernier sous-directeur arrivé tant les risques d'être attaqué en justice (pour de multiples raisons) sont importants de nos jours. Ce rappel de la Cour de Cassation ne devrait toutefois pas avoir d'incidences notables car dans les petites entreprises où le nombre de salariés est restreint et où le représentant légal est facilement identifiable, il est déjà admis que les commerciaux et autres VRP sont responsables de leurs actes sur la route et donc redevables, en euros et en points, des fautes commises. Là, pas d'échappatoire.
Dans les structures plus étoffées capables de se défendre, rien ne devrait changer comme le confirme Jean-Baptiste Iosca spécialiste du Droit automobile : "La cour n'a fait que rappeler un principe de droit. Point. Il n'y aura aucune conséquence. Les sociétés, via leurs représentants légaux continueront à payer les amendes, soit avec l'argent des frais généraux soit en demandant à leurs salariés de le faire. Ils n'auront pas plus qu'hier à débourser personnellement leur argent. Cette pratique qui permet d'éviter de perdre des points existe, c'est vrai, mais au même titre que d'autres techniques existent pour contourner le système, comme de faire immatriculer sa voiture de sport au nom de sa petite nièce de 6 mois qui, forcément, n'a pas de permis".
Et si on réfléchissait avant de taper ?
Ce qui est le plus regrettable dans tout cela finalement, c'est que le discours ambiant des défenseurs de la "Sécurité Routière" n'est axé que sur la répression, oubliant régulièrement que chaque mois, de nouveaux conducteurs arrivent sur les routes et qu'une augmentation de nombre de morts ou d'accidents devrait être systématiquement rapporté au nombre global d'automobilistes, que les mauvais chiffres de la Toussaint peuvent être expliqués par autre chose qu'un relâchement des automobilistes-bouc émissaires-vache à lait (l'automne, sa luminosité et ses routes grasses, un réseau routier pas forcément entretenu ...etc) . Il y a certes un code de la route, mais alors que paradoxalement on veut à tout prix "responsabiliser" l'automobiliste, lui faire assumer ses fautes, on remarque que l'automaticité de la sanction instaurée depuis quelques années permet aux censeurs de s'économiser un embryon de réflexion sur la réelle gravité des fautes commises et leurs conséquences sociales.
Dans bien des cas, un permis retiré, ce n'est pas toujours une juste punition, ni un meurtrier en puissance mis hors circuit, c'est parfois une sanction dramatiquement injuste et disproportionnée qui mériterait que l'on y réfléchisse à 2 fois avant de la prononcer et d'encourager à sa multiplication.
via tf1news
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