Dans son livre intitulé La privation de monde (éd. Vrin, 2011), Franck Fischbach évoque le film Pananoid Park de Gus van Sant. Voici ce qu’il dit notamment de Alex, personnage central du film, adolescent âgé de 16 ans qui s’adonne à la pratique du skate…


« Mises à part les scènes du lycée (qui constitue, comme on dit, un « monde à part » en ce qu’il n’est pas encore le vrai monde), on ne voit jamais Alex marcher, il ne sait que rouler, glisser, surfer. Entre lui et le monde réel, il y a toujours la médiation des roues ou de quoi que ce soit d’autre qui permette de glisser sur lui, sans jamais réellement le fouler. Il roule à skate, certes, mais pas seulement : il conduit la voiture de sa mère lors de la tragique virée nocturne qui se finit par l’accident du gardien, il roule en train au moment de ce même accident, il roule vers la skatepark dans la voiture de son copain Jared, et enfin – redoublement du roulement et absence complète d’effort : il roule en skate en se faisant tirer par le vélo de sa copine. Alex ne fait que rouler sur la surface des choses, et il se maintient ainsi constamment dans une position de simple spectateur, même lors de son dépucelage où – si je puis dire – il ne pénètre pas davantage la réalité des choses. Il peut bien dire qu’il a « le sentiment qu’il y a quelque chose de beaucoup plus grand que les petits événements de nos vies, qu’il y a plusieurs strates », mais encore faudrait-il, pour que cette déclaration puisse être prise au sérieux, qu’il fasse davantage que seulement rouler à la surface des choses – ce qui lui permettrait de comprendre que l’accident mortel qu’il a provoqué n’est justement pas un « petit événement » ».