Il est vingt-deux… heures alors poursuivons avec ce jour un nouvel extrait.


« C’est pourquoi la production capitaliste, à l’ère de sa modernité tardive, a trouvé qu’il est bien plus avantageux de fonctionner à « l’envie » plutôt qu’au « désir ». S’inspirant des travaux de Harvie Ferguson, Z. Bauman estime pour sa part qu’on serait passé du désir au « souhait », mais le concept d’envie me paraît exprimer ce dont il s’agit bien mieux que celui de souhait : à savoir le passage, dans notre rapport aux objets de consommation, à quelque chose de toujours aussi mobile et inépuisable que le désir, mais de beaucoup moins cher à produire, et de plus rapide et plus immatériel encore. A titre d’exemple, on peut dire que l’objet de consommation typique de l’ère du désir a été l’automobile des années 50 jusqu’aux années 80, tandis que les objets les pus typiques de l’ère de l’envie seraient les gadgets électroniques des années 90 à aujourd’hui : les voitures étaient des objets pour lesquels les constructeurs dépensaient des sommes colossales non pas seulement pour les produire, mais d’abord pour en faire les objets de nos désirs – ce qui est long, fastidieux et surtout incertain. Car il en faut des capitaux et du temps pour réussir à rendre désirable une voiture en forme de boîte appelée « monospace », ou pour rendre désirable un véhicule aussi parfaitement inadapté qu’un 4x4 aux conditions urbaines de la circulation. »


Tempérons cette analyse en soulignant que pour rendre un Renault Espace « désirable » lorsqu’il fut présenté, il suffisait peut-être de faire monter les gens à bord. Et reprenons plus loin cet extrait…


« Le « gain » se mesure aisément au temps de vie des objets : des objets de désir comme les automobiles avaient une durée de vie d’encore une dizaine d’années à la fin des années 90 et, une fois raccourci au maximum le temps consacré à la phase de conception et des essais, il a fallu trouver des stratagèmes, y compris législatifs et fiscaux, pour raccourcir cette durée de vie bien trop longue et pour faire en sorte que les consommateurs aient beaucoup plus vite « le désir » d’une nouvelle automobile. »