La Cour des Comptes avait eu beau conclure que la dépénalisation du stationnement « ne corrigerait pas les défauts du système » actuel de gestion des amendes, dans son rapport annuel de 2010, les différentes inspections générales, chargées d'une mission d'évaluation sur cette question cet été, ont eu beau mettre en garde contre cette évolution, les associations de défense des automobilistes ont eu beau faire du lobbying ces derniers jours, rien n'y a fait. Les Parlementaires, qui sont souvent par ailleurs élus d'une ville, n'en démordent pas : ils souhaitent en finir avec les PV de stationnement !
Les députés ont ainsi de nouveau voté en faveur de la dépénalisation du stationnement, jeudi, en seconde lecture, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Il paraît maintenant quasi assuré que ce projet de loi sera adopté définitivement. Eventuellement même, dès la semaine prochaine, sauf en cas de désaccord entre les députés et les sénateurs, auquel cas l'adoption définitive pourrait être repoussée à janvier. Enfin, si le Conseil constitutionnel devait être saisi, celui-ci aurait un mois pour se prononcer, retardant d'autant l'entrée en vigueur du texte.
Plus cher dans les grandes villes
A partir de la promulgation de la loi, il y aurait alors deux ans pour mettre en place cette réforme. Et terminées les amendes à 17 euros pour tout le monde ! En cas de non-paiement de sa place de parking, le montant de la sanction, baptisée alors « forfait de post-stationnement », pourrait grimper jusqu'à 36 euros à Paris ou encore 20 euros à Lyon. Mais à l'inverse, diront les chantres de cette évolution législative, elle pourrait être aussi moins chère dans les villes de taille moyenne ou les petites, comme au Havre où elle ne dépasserait pas les 12 euros ou comme à Saint-Etienne où la nouvelle « amende » pourrait être de 10 euros.
Concrètement, ce sont les maires qui pourront à l'avenir imposer le montant de ces « forfaits de post-stationnement », en fonction de la taille de leur commune, la rareté des places et leurs différentes contraintes. Et ils pourront même confier la gestion de ces « forfaits de post-stationnement » à un tiers, y compris à une entreprise privée. Plus rien à voir avec la situation actuelle… Pour Daniel Quéro, président de l'association 40 millions d'automobilistes, nul doute : il y a derrière ce mot dépénalisation « la dérive d'un système qui laissera une libre appréciation du tarif applicable à la sanction. Qui pourra empêcher un élu d'appliquer une sanction financière outrageuse pour un dépassement de quelques minutes à l'horodateur ? »
En cas de contestation, que se passerait-il alors ? Le texte conserve beaucoup de zones d'ombre et il n'est pas évident de bien saisir tous les changements à venir. On sait quand même que la responsabilité du paiement du « forfait de post-stationnement » pèsera toujours sur le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule en faute. Que ce dernier pourra s'en exonérer dans le cas où il prouverait l’existence d’un événement de force majeure. Mais attention, précise Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route, « contrairement à ce qu'il se passe aujourd'hui, il n'y aurait plus de caractère suspensif de la sanction. Il faudrait d'abord payer, et c'est seulement à la fin de la procédure éventuellement engagée qu'un remboursement pourrait être décidé. »
Des recettes en moins pour l'Etat et les petites communes
Exit les juridictions de Proximité en charge aujourd'hui de ce contentieux – encore pénal. Une nouvelle juridiction, spécialisée dans ce domaine, devrait être créée. Et c'est devant le tribunal administratif que les procédures pourraient au final converger.
A noter enfin que la réforme ne sera pas sans conséquence sur les finances publiques. La perte de recettes pour l'Etat est ainsi annoncée à près de 92 millions d'euros. Et les petites communes ne devraient pas non plus être épargnées. Selon la mission d’évaluation qui a rendu le rapport de juillet, « les communes (…) de moins de 10 000 habitants subiront une perte de recettes de l’ordre de 10 millions d’euros ».
Au moment où la gestion des amendes de stationnement gagnait en efficacité avec le développement du procès-verbal électronique (PVE), vraisemblablement beaucoup plus rentable que les anciens papillons, la réforme à venir paraît presque à contre-courant. Le gouvernement ira-t-il donc jusqu'au bout, en promulguant la nouvelle loi ? Réponse dans quelques semaines tout au plus.
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