Un mois jour pour jour après la publication de ses bénéfices record, Total a annoncé hier lors d'un comité central d'entreprise le lancement d'un «plan de consolidation» entraînant la suppression de 555 emplois. Un timing désastreux qui a déclenché un véritable tollé dans la presse et la classe politique.

C’est devenu une habitude : toute communication de Total crée la polémique. Ses résultats financiers pour 2008 le 13 février dernier avait déjà fortement alimentée les conversations dans la presse ou dans les milieux politiques. Il est vrai que 13,9 milliards d’euros de bénéfice, représentant un progrès de 14% par rapport à 2007, laissent rêveur et attirent les convoitises, surtout en temps de crise. François Carlier, directeur adjoint des études à UFC-Que Choisir, voulait ainsi créer une "taxe Total", Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, souhaitait qu’une partie soit reversée pour créer des emplois quand Ségolène Royal voulait en redistribuer la totalité. D’autres se réjouissaient quand même, avec en tête Christine Lagarde, ministre de l’Economie et Laurence Parisot, présidente du Medef. Une chose était tout de même sûr : Total n’avait rien à craindre de la crise économique.

C’est donc avec stupeur que le monde a appris hier que le pétrolier allait procéder à près de 600 suppressions d’emplois, 249 postes dans le raffinage d'ici 2013, et 306 dans la pétrochimie avant 2012. Une annonce vivement critiquée par l’ensemble de la presse, chacun y allant de son titre coup de poing : "Le scandale Total" chez LCI, "Total, 14 milliards de profits, 555 emplois détruits" chez Libération, "Total : plus de profits, moins de postes" chez Ouest France, et, probablement le pire, "Total : la gestion sans l’émotion" chez France Info.

La classe politique n’est pas en reste, avec notamment un Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'Emploi, particulièrement remonté, jugeant que cette affaire tout simplement "scandaleuse", quand les syndicats, CGT et CFTC en tête, la trouvent respectivement "inacceptable" et "hallucinante". L’opposition s’est évidemment engouffrée dans la brèche pour dénoncer l’annonce de Total, tout en écornant au passage le Gouvernement et son "double langage […] qui, par la voix du secrétaire d'Etat à l'emploi, feint de s'émouvoir de la casse sociale orchestrée par Total, mais qui n'a pris aucune mesure à l'encontre des entreprises qui licencient alors qu'elles réalisent des profits et versent des dividendes à leurs actionnaires", selon le Parti Socialiste par la voix son premier secrétaire, Martine Aubry.

Face à cette vague de protestations, Total a levé le drapeau de "l’erreur de communication". Ce matin sur RTL, Jean-Jacques Guilbaud, secrétaire national du pétrolier, a confirmé que ce plan de restructuration comprenait "zéro licenciement" : "Les hommes et les femmes concernés, ce sont des hommes et des femmes qui vont partir en retraite normalement, qui vont partir en préretraite choisie ou qui vont avoir de la mobilité à l'intérieur du groupe. Donc il n'y a pas de problème d'emploi, il n'y a pas de problème de licenciement" […] Ce plan est essentiellement un plan d'investissement pour moderniser et pérenniser notre raffinage et notre pétrochimie […] Nous en avons les moyens, nous le faisons, et nous le faisons de manière exemplaire". Au sujet de la polémique éclair suscitée, il a poursuivi : "Des hommes politiques ont commenté des informations incomplètes et n'étaient pas totalement informés".

Malgré les bénéfices record, malgré le nombre d’emploi supérieur à 100 000 qu’elle représente, il reste tout de même une nouvelle fois un incroyable problème de communication venant de la cinquième entreprise mondiale et première française, alors que nous sommes de plus en plein cœur du procès AZF. Comme l’ont dit dans un communiqué les députés PS : "Total ne sait plus quoi faire pour se rendre détestable des Français".