L’automobile française semble mieux se sortir que ses voisins européens de la crise qui frappe le secteur, une tendance dont se félicite le Gouvernement. Pourtant, malgré ces résultats forçant l’optimisme, les annonces de chômage partiel et de licenciements se succèdent. Qu’en est-il donc vraiment ? Alors que des états généraux de l’automobile sont prévus le 20 janvier, Caradisiac a rencontré Michel Ducret, responsable de la filière automobile à la CGT, pour avoir sa version des faits.
Au cœur d’une crise sans précédent dans le secteur, l’Etat semble porter toute son attention sur l’industrie automobile française, qui représente tout de même 10 % de la masse salariale française. Après un premier volet du plan d’aide de 1,5 milliard d’€ annoncé par Nicolas Sarkozy en décembre, Luc Chatel, secrétaire d’Etat à l’Industrie, a annoncé la semaine dernière, au cours d’une visite d’une concession Renault à Argenteuil en compagnie de Patrick Devedjian, Ministre de la Relance, la tenue d’états généraux de l’automobile le 20 janvier afin d’améliorer sa compétitivité et sa performance.
Avec 0,7% de baisse dans les ventes de voitures neuves pour 2008 quand le marché allemand, italien et espagnol perdent respectivement 2, 13 et 28,1% sur la même période, la France s’en sort donc plutôt bien, des résultats que Patrick Devedjian met sur le compte de la prime de 1000€ instaurée début décembre et attribuée à tout acheteur d’un véhicule neuf émettant moins de 160g/km de CO2 s’il met son ancien véhicule de plus de 10 ans à la casse.
Pourtant, après de longues semaines de chômage technique, des journées d’interruption de travail sont encore prévues dans les mois à venir, que ce soit chez Renault ou PSA, sans parler des équipementiers comme Faurecia ou Valeo qui suppriment des emplois à tour de bras. Des nouvelles qui paraissent bien contradictoires avec les chiffres.
Afin d’avoir tous les sons de cloche, Caradisiac a pris contact avec Michel Ducret, responsable de la filière automobile à la CGT.
Caradisiac : Qu’attendez-vous des états généraux de l’automobile du 20 janvier ?
Michel Ducret : Rien, malgré le fait que nous ayons participé aux réunions préalables du 19 décembre. Suite à une baisse de seulement 0,7% pour 2008, on a tendance à nier l’existence d’une crise dans l’auto et on nous accuse de catastrophisme. Tout ceci est dans la continuité de la charte automobile de juillet dernier, qu’ont signé l’Etat, les organisations syndicales sauf la CGT et les constructeurs sur un accompagnement pur et simple d’une restructuration de la filière automobile. On voit par exemple que les états généraux visent une suppression de la taxe professionnelle, or elle correspond dans certaines collectivités locales à pratiquement 40% de leur budget, ce qui va non seulement les pénaliser mais aussi dédouaner une fois de plus les entreprises de leurs responsabilités sociales.
Caradisiac : Comment expliquer des résultats 2008 moins mauvais que prévus mais du chômage partiel et des licenciements en hausse ?
Michel Ducret : En fait, les stratégies mises en place concernent plutôt la rentabilité que de véritables stratégies industrielles. Ce que dit Luc Chatel, c’est du vent : les constructeurs ne sont plus dans la réponse au besoin, mais dans la réponse à la marge. Avec la prime à la casse et les bonus/malus, on a aujourd’hui un besoin énorme de petits véhicules. Mais alors que les chaînes de production de la Renault Clio, qui est construite à Flins, viennent d’être arrêter, celles de la Clio Estate en Turquie tournent à 180% et n’arrivent pas à fournir les clients. Les « sarkozettes » [NDLR : primes à la casse] sont au profit de véhicules qui ne sont même plus faits en France : la Twingo est faite en Slovénie et la Sandero en Roumanie, ce n’est pas le sol industriel français qui en bénéficie.
Caradisiac : Et pour les équipementiers ?
Michel Ducret : Ce sera pareil en février pour les résultats des constructeurs, mais Valeo annonce à une semaine d’intervalle 1 600 suppressions d’emplois en France et du chômage partiel, et une augmentation de 240% de ses bénéfices qui iront directement aux actionnaires. Les petites PME sont étranglées, c’est vrai, mais pas les grandes entreprises, et les 400 millions d’euros annoncés par Sarkozy ne vont pas profiter aux salariés. En ce qui concerne Valeo et Bosch pour 2008, leurs productions ont été bouclées en 10 mois en allongeant la flexibilité et en dégradant donc les conditions de travail, et pour les deux mois qui restent, ils font payer à l’état les heures de chômage partiel, avec en plus les économies de coût de production.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération