Pour une bonne nouvelle, c’est une sacrée bonne nouvelle qui est tombée vendredi dernier. Porsche va commercialiser sa Mission-e. On ne se privera donc pas d’adresser un sifflet d’admiration aux dirigeants de Zuffenhausen qui ont pris cette excellente initiative. Car tout de même, cette auto était la plus belle parmi toutes celles qui se pavanaient au dernier salon de Francfort.
Mais comme on est taquin, on ne peut pas s’empêcher de voir le mal partout. Et de se dire que si la maison Porsche produit une supercar électrique, ce n’est pas seulement pour faire plaisir à la Cop21 en pleine compassion, aux pandas en voie d’extinction et à EELV (le parti des verts) en voie d’implosion. Bien sûr, il y a Tesla, l’électrique haut de gamme à la mode. Il faut absolument empêcher le soldat Elon Musk de proliférer, lui qui grignote des parts de marché chaque année. Sauf que l’an dernier, le californien a vendu 35 000 autos. En 2015, il espère en vendre 55 000. Mais il a revu ses ambitions à la baisse. Et, accessoirement, sa société perd 181 millions de dollars cette année. De son côté l’Allemand vend 190 000 voitures par an et engrange un bénéfice net de 1,19 milliard d’euros. Et encore, ce pactole est réduit de moitié à cause des coûts liés au scandale VW. Le gros Porsche va donc, sans aucun doute, pulvériser le petit Tesla et va investir 1 milliard d’euros dans l’opération pour y parvenir. Tout ça pour ça ? Pour éliminer du marché un concurrent qui ne l’est pas vraiment ?
La mission de la Mission-e ? Laver plus blanc
Alors,peut-être que l’ambition de Porsche est ailleurs. Notamment dans la baisse des émissions de C02 de ses petites sœurs plus polluantes. Et la mission de la Mission-e pourrait bien permettre au constructeur de racheter une conduite écolo à tout le reste de sa gamme. Car en 2021, il va falloir se retrousser les émissions pour ne pas dépasser 95 g du kilomètre. Certes, l’affaire pourrait être repoussée encore. Évidemment, le taux de rejet pourrait être rehaussé encore. Mais quels que soit l’échéance et le chiffre final, elle est proche et il ne risque pas d’atteindre les 179 g qui sortent du pot d’un Porsche Cayenne, l’un des best-sellers de la maison.
Mais Bruxelles est sympa : les 95 g sont une moyenne pour l’ensemble des modèles d’un constructeur. Une moyenne qu’une auto à 0 g fait sacrément chuter. Du coup, la nouvelle auto lave plus blanc les camionnettes au mazout allemand, mais aussi sa 911 (211 g/km). Un milliard pour rester dans la course, ce n’est finalement pas si cher payé. D’autant que l’usine flambant neuve qui engloutit 70 % de cette somme pourra parfaitement servir à l’assemblage d’autres modèles et qu’une partie des solutions techniques de la Mission-e sont piochées dans la banque d’organes du groupe Volkswagen.
La mission de la Mission-e ? La conversion
Bien sûr, on fait du mauvais esprit, limite complotiste. Et plutôt que de secouer le bidon d’essence à moitié vide, on pourrait l’admirer à moitié plein. En prenant le bon côté des petits calculs financiers de Zuffenhausen. En se disant que vendredi dernier, l’automobile a enfin changé de siècle. Que la vraie mission de la Mission, c’est la conversion. Celles des fans de l’automobile. Tous ceux pour qui une auto, ou une moto, c’est avant tout un moteur à explosion. Un truc vieux de plus d’un siècle, qui se reconnaît par un grondement pour finir en sifflement comme un V8 italien, qui schlomp-schlomp comme une Harley, ou qui se complaît dans des notes graves et profondes comme un six en ligne allemand. Pour tous ces fans de décibels, point de charme dans le silence d’une électrique. Mais la future Porsche va peut-être les rallier aux watts. Ils l’étaient déjà, un peu, grâce à Tesla, et risquent de l’être beaucoup plus grâce à Porsche. Car il est plus facile de convaincre avec des mythes existants qu’avec des marques balbutiantes. Des mythes qui parfois se jouent sur un coup de dés. Celui-là démontrera que le 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes est encore plus grisant dans un silence impressionnant. Quant aux générations plus jeunes, qui se foutent des feulements de cylindrées plus ou moins inclinées comme du premier minitel de leurs grands-parents, ils retrouveront peut-être, grâce à cette auto et toutes celles qu’elle ne devrait pas manquer d’engendrer, le goût de la bagnole. Cette vieille ringarde qui ne les fait plus rêver.
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