L’ambiance était pour le moins tendue lundi au Conseil national de la sécurité routière, le CNSR, qui se réunissait pour sa 6ème séance plénière à l'Assemblée nationale. Ordre du jour : réforme du permis de conduire et propositions sur les usagers à risques, mais surtout examen de la recommandation visant à réduire à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur l'ensemble des routes bidirectionnelles du réseau secondaire, aujourd'hui limitées à 90.
Au départ, la commission « Alcool – Stupéfiants – Vitesse » du CNSR, en charge de ce dossier, n'envisageait même pas forcément la mise en place d’une expérimentation avant l’adoption définitive de cette mesure et sa généralisation à tout le réseau. Mais clarification du nouveau ministre de l’Intérieur de passage au CNSR : avant d’être éventuellement généralisée – et pour l’heure, ça ne paraît pas forcément évident ! –, il faudra l’expérimenter… Un peu. « Cette mesure d'abaissement de la vitesse maximale autorisée ne peut être envisagée que de façon expérimentale et sur quelques segments très accidentogènes », a précisé Bernard Cazeneuve. Car « une mesure quelle qu'elle soit ne peut être bien appliquée que si elle est comprise », et « que si elle est perçue (…) comme utile et rationnelle ». De quoi jeter un certain trouble dans l'assemblée...
Il faut dire qu’en théorie, c’est d'abord au CNSR de proposer des idées au gouvernement. Et ce n'est pas au gouvernement de présenter, avant de les entendre, la voie qu'il compte emprunter. Quelques minutes seulement avant cette mise au point, Jean-Robert Lopez, le tout nouveau délégué interministériel à la Sécurité routière, nous avait fait part avec insistance de ce timing à respecter. « Il serait prématuré de faire la moindre annonce (...), avant les discussions et le vote des recommandations des membres du CNSR », nous avait-il déclaré... Mais ça, c'était donc avant ; avant l'intervention de son ministre de tutelle.
Et forcément, le réglage de Bernard Cazeneuve n'a pas fait que des heureux, aux premiers desquels les fervents défenseurs de cette proposition, à l'image de Chantal Perrichon. « Vous n'atteindrez pas l'objectif fixé en 2020 [de passer sous le seuil des 2 000 tués par an, NDLR], si une mesure forte n'est pas prise », l'a mis en garde la présidente de la Ligue contre la violence routière (LCVR). A l'inverse, les associations dites de défense des conducteurs s'en sont bien entendu réjouies. Daniel Quéro, le président de 40 Millions, a ainsi salué « la position du ministre », selon lui, « tempérée ».
Attention, cela ne veut pas dire pour autant que le gouvernement compte relâcher la pression sur la vitesse. Bernard Cazeneuve l'a aussi souligné : pour les grands départs en vacances de l'été, le dispositif sera renforcé. Avec surprise, le ministre "himself" aux côtés des forces de l'ordre sur le bord des routes des vacanciers ! Le parc des nouveaux radars mobiles nouvelle génération (RMNG) sera également étoffé : il y en aura « 150 en service d'ici la fin du mois de juillet », « 50 équipements supplémentaires de ce type » viendront encore s'ajouter avant la fin de 2014 et « nous en implanterons 100 de plus en 2015 ».
Focus : Chasseray (40 Millions d'automobilistes) mis à la porte du CNSR
Les relations étaient à ce point tendues au Conseil national de la Sécurité routière (CNSR) de lundi que Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, s’est carrément fait sortir manu militari de l’Assemblée nationale. Raison invoquée par le député Armand Jung, président du CNSR : « cette personne ne fait ni partie du Conseil, ni de ses invités ».
Réaction de l’intéressé, au micro de Caradisiac, à la sortie de la séance du CNSR :
P.Chasseray : Je suis membre de la Commission "Alcool – Stupéfiants – Vitesse"... Il y a donc de quoi s’interroger. Mais, en même temps aujourd'hui, je préfère retenir le résultat et les propos du ministre de l'Intérieur (…). Si le ministre nous dit déjà qu'il s'oppose à la généralisation des baisses de limitation de vitesse, c'est déjà un premier pas en avant.
Caradisiac : Pour vous, c'est une vraie victoire ?
P.Chasseray :Oui, je pense que si aujourd'hui on ne parle pas de victoire, on n'en parle jamais ! Le ministre était très clair à sa sortie du Conseil national de la Sécurité routière : il n'est pas favorable à la généralisation de la baisse de la limitation de vitesse. Donc c'est clair, net et précis.
Caradisiac : En même temps, difficile de nier que la vitesse n'est pas un facteur déclenchant ou tout du moins aggravant dans les accidents de la route, ne trouvez-vous pas ?
P.Chasseray :S'il faut dire que c'est parce que les véhicules roulent qu'ils ont des accidents, on est tous d'accord. Mais alors dans ce cas-là, la seule mesure que l'on peut mettre en place pour qu'il n'y ait plus d'accident, c'est qu'ils ne roulent plus ! Mais tant qu'on en n'est pas là, cela n'a aucun sens de parler du mot vitesse tout seul. »
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