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Alpine : requiem pour une berlinette

Dans Economie / Politique / Marché

Michel Holtz

Vendredi, les salariés de Dieppe seront fixés sur leur sort et les fans de l’A110 sauront si l’objet de leur dévotion aura droit de perdurer. Mais à l’heure des coupes sombres, il est fort à parier qu’Alpine ne passe à la trappe. Par manque d’image, d’avenir et de rentabilité.

Alpine : requiem pour une berlinette

Il est des réalités économiques très simples à comprendre, même sans avoir décroché le prix Nobel de la discipline. Aujourd’hui, aucun des trois membres de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubsihi ne gagne d’argent. On n’est pas face à un petit découvert à la Caisse d’Épargne, mais pour Mitsubishi, le déficit 2019 s’élève à 220 millions d’euros, 142 millions pour Renault et entre 730 et 830 millions pour Nissan. Sans même évoquer les dettes accumulées, l’addition du premier constructeur mondial, tel que s’en flattait Carlos Ghosn en 2017 s’élève à plus d’un milliard de pertes pour un seul exercice. Et encore : la crise sanitaire et ses conséquences n’ont pas encore été comptabilisées dans cet abysse. C’est dire si les trois jours qui s’annoncent vont être compliqués. Mercredi, Mitsubishi ouvre le bal des restructurations, suivi ce jeudi par Nissan. Et c’est Renault qui clôt le festival vendredi, les trois marques de l’Alliance vont annoncer leurs restructurations. Au programme : une réduction des coûts maximum, le retrait de certains marchés et pour Nissan, l’abandon de Datsun. Comment dans ce cadre, ne pas évoquer la fin pure et simple d’Alpine, dont l’unique usine, celle de Dieppe semble vouée à la fermeture.

L'hypothétique futur SUV Alpine
L'hypothétique futur SUV Alpine

Pourtant, Florent Ferrière dans son article de la semaine passée, se veut optimiste, arguant d’un nouveau directeur pour la petite marque renaissante (Patrick Marinoff, débauché chez AMG), et d’une vague promesse de futur SUV pour la marque. Mais dans une situation aussi catastrophique que celle ou se retrouve l’ex-régie, il est fort à parier que la danseuse Alpine ne fasse les frais des coupes qui seront envisagées cette semaine. Car lorsque le feu gagne la maison, on sauve l’essentiel, à savoir les produits susceptibles de gagner de l’argent. Ce qu’Alpine n’a jamais fait, et risque de ne jamais être capable de faire.

L’Alpine fait l’unanimité

Fin 2017, le petit monde de l’automobile et ses essayeurs est tout feu tout flamme. Voilà très longtemps qu’une voiture n’avait pas créé autour d’elle une telle unanimité. Légère, amusante, joueuse, agile, craquante : tous les adjectifs ont été utilisés pour décrire le véritable plaisir que l’on éprouve au volant de l'A110. Et pour les avoir vérifiés, ils sont tous exacts. Mais le choeur de journalistes français spécialisés ne forme pas un marché capable de faire tourner une chaîne et de fournir un emploi à 300 personnes en Normandie. Le programme Alpine ressemble à s’y méprendre à une danseuse, une auto coup de cœur, décidé par des décideurs guidés par leur seule passion pour la belle auto. Sauf qu’un succès commercial se moque de la passion de quelques-uns. Il s’établit d’abord sur une image de marque échafaudée par tous les autres.

L’Alpine what’s this ?

L’image d’Alpine est celle d’une petite berlinette dont les exploits et la gloire remontent aux années soixante-dix. La berlinette est championne d’Europe, puis championne du monde des rallyes, avant de s’épuiser sans jamais avoir réussi à renouveler son modèle initial : l’A110. Trente ans plus tard, la berlinette renaît, sous le même nom et avec un design rappelant l’ancêtre. Mais qui s’en est souvenu ? La France évidemment, l’Angleterre un peu, et le Japon ou quelques fans ont encore des posters accrochés dans leur garage. Sinon ? Personne. La marque est inconnue au bataillon sur le reste de la planète. "Alpine ? What’s this". Engager une somme coquette (54 700 euros) dans une auto dont on ne sait rien, issue d’un groupe généraliste et pas vraiment sportif ni luxueux est un curieux pari, que peu d’acheteurs vont faire.

Une paire de skis sur le toit et de grosses roues : l'illusion d'un concept SUV
Une paire de skis sur le toit et de grosses roues : l'illusion d'un concept SUV

Résultat : lorsque la nouvelle mouture est lancée, en 2018, les premiers clients se précipitent. Ce sont des fans conquis, qui gardent au fond des yeux les images de la première berlinette dans l’ascension du col du Turini une froide nuit de janvier 1972. Mais cette clientèle rapidement servie ne va pas racheter un autre jouet similaire dans la foulée. Et elle n’est pas suffisamment nombreuse pour permettre à l’usine de Dieppe de tourner pour l'éternité. Celle-ci, après un an et demi à plein régime tourne alors au ralenti. La direction de la marque tente bien de relancer la machine avec une A110 S un peu plus puissante : rien n’y fait. Les ventes ne redécollent pas. Elle tente d’occuper le terrain médiatique en déguisant le petit coupé en SUV par la simple adjonction de grosses roues et d’une paire de skis sur le toit, mais la mayonnaise ne prend plus. Renault laisse même fuiter la possibilité d’un véritable SUV, qui pourrait être basé sur le Mercedes GLA. On est loin du concept de départ, de la légèreté érigée en cahier des charges.

Qui peut dire l’avenir de nos souvenirs ?

Devant ces constats, l’on peut s’attendre ce vendredi à l’annonce d’une fermeture programmée de Dieppe. Évidemment, l’histoire de la renaissance d’Alpine ne s’achèvera pas ce week-end. L’A110 devrait s’éteindre en douceur et la berlinette mourra de sa belle mort dans son lit normand. Mais il est fort à parier qu’elle ne sera pas renouvelée, pas dans son architecture initiale en tout cas. Quant au SUV, s’il voit le jour, qu’il soit thermique, hybride ou électrique, il devra rendre des comptes : à savoir piocher dans le catalogue existant, chez Mercedes ou Renault et s’avérer rentable. On sera donc très loin du rêve de ceux qui ont voulu une auto à deux places, légère et agile et Alpine risque fort, dans quelques années de subir le sort de Gordini qui avait été exhumée pour une malheureuse tentative de déclinaison sportive de la Twingo 2. Mais qui peut dire l’avenir de nos souvenirs ? Qui peut affirmer que la petite sportive française ne renaîtra pas encore une fois ? Les dures lois du marché peuvent en décider, comme elles en avaient décidé, il y a trente ans déjà.

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