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Attentat manqué : La Lincoln Continental à la rescousse du Président Reagan

Dans Rétro / Saga des marques

Louis-cyril Tharaux

Aux Etats-Unis, la tentative d’assassinat contre Trump, candidat à la présidence, a ravivé de sombres souvenirs. Si le pays reste traumatisé par l’assassinat de Kennedy en 1963, il se rappelle également des tirs contre Reagan en 1981. Ce dernier échappa à la mort in extremis, sauvé par ses gardes du corps et sa Lincoln Continental.

Attentat manqué : La Lincoln Continental à la rescousse du Président Reagan

On ignore si, quelques minutes plus tôt, Ronald Reagan, le nouvel homme fort de la Maison Blanche, qui conservait une bonne forme en dépit de ses 70 printemps, avait eu le temps de mâcher des bonbons à la gelée, l’un de ses petits en-cas fétiches qui lui passaient son stress et l’envie de cigarettes.

Toujours est-il que pour le 40e Président des Etats-Unis, représentant du camp Républicain et installé officiellement depuis deux mois dans le bureau ovale, cette journée du 30 mars 1981 allait être l’une des plus marquantes de son mandat, au sens dramatique du terme.

On a tiré sur le Président

Il est 15h30, ce lundi-là. L’agenda de début de semaine n’attend pas. Alors qu’il vient de tenir une allocution devant les membres de la Fédération américaine du Travail, dans les salons de l’hôtel Hilton, à Washington, celui qui s’est fait connaître du public dès les années 40 par ses seconds rôles à Hollywood presse le pas à la façon d’un acteur, scruté de près par une armée de caméras et d’appareils photos.

15h30, ce 30 mars 1981. On vient de tirer sur le nouvel homme fort de la Maison Blanche. Ronald Reagan, blessé par une balle, est exfiltré à l'arrière de sa Lincoln Continental - Crédit Ron Edmonds AP
15h30, ce 30 mars 1981. On vient de tirer sur le nouvel homme fort de la Maison Blanche. Ronald Reagan, blessé par une balle, est exfiltré à l'arrière de sa Lincoln Continental - Crédit Ron Edmonds AP

Une poignée de secondes plus tard, tout va basculer, précisément comme dans un polar ou un film d’action. A peine sorti de l’établissement, d’un pas allant, pour regagner la Lincoln Continental Coupé qui l’attend, saluant de sa main gauche exempte d’arthrite des supporters venus l’acclamer, six coups de feu secs retentissent soudain depuis la foule…

Sur place, devant le 1919 de la Connecticut Avenue, c’est la panique. En dépit du bon boulot de ses gardes du corps, Ronald Reagan se courbe puis s’affaisse, grièvement blessé. Une balle de revolver 22 long rifle est venue se loger dans le poumon gauche du chef d’Etat américain, arrêtant sa percée à la limite du cœur... L’un de ses agents, Jerry Parr, est également blessé, tout comme un policier local et James Brady, le porte-parole de la Maison Blanche.

Les hommes du Secret Service identifient le tireur en un éclair. Il était jusque-là dissimulé derrière les journalistes. Avec l'aide des policiers présents, ils lui sautent dessus et l’immobilisent contre un mur alors qu’il brandissait son arme de nouveau. Au même moment, Ronald Reagan est exfiltré en urgence, poussé par sa garde rapprochée à l’arrière de la Lincoln Continental. Direction l’hôpital universitaire George Washington, situé à 1,5 mile plus au sud.

Alors que la Lincoln Continental s'apprête à partir pour l'hôpital, des policiers et des hommes du Secret Service enjambent les blessés pour maîtriser le tireur contre un mur - Crédit DR
Alors que la Lincoln Continental s'apprête à partir pour l'hôpital, des policiers et des hommes du Secret Service enjambent les blessés pour maîtriser le tireur contre un mur - Crédit DR

"Continental" porte-poisse...

Le véhicule et son escorte quittent les lieux dans la confusion, toutes sirènes hurlantes. La Lincoln Continental, modèle star de la division premium de Ford, fonce à fond de train sur la 23e rue de la capitale. Ce modèle est emblématique du pouvoir américain depuis plusieurs décennies. Emblématique oui, mais pas franchement porte-bonheur…

C’est en effet dans une Lincoln Continental, en variante Cabriolet certes, que le Président John Fitzgerald Kennedy fut abattu à Dallas en novembre 1963. C’est également un exemplaire de ce type qui accompagna le quotidien de Gerald Ford en 1975, lui portant alors sacrément la poisse… Ce dernier, en effet, fut victime de deux tentatives d’assassinat en moins de quinze jours, dont une tentative à San Francisco, alors qu’il circulait à bord de la luxueuse berline.

Et c’est précisément dans cette même limousine, celle qui transporta encore un peu plus tôt (en 1974) Richard Nixon, l’homme du « Watergate », que Reagan se trouve à son tour embarqué sept ans plus tard.

C’est cette Lincoln Continental de 5e génération spécialement aménagée, celle qui avait transporté auparavant ses prédécesseurs Nixon et Ford, entre autres, que Reagan avait choisi pour accompagner son début de mandat – Crédit DR
C’est cette Lincoln Continental de 5e génération spécialement aménagée, celle qui avait transporté auparavant ses prédécesseurs Nixon et Ford, entre autres, que Reagan avait choisi pour accompagner son début de mandat – Crédit DR

Cette cinquième génération de  Continental est bien rodée, spécialement assemblée pour la présidence et sa garde rapprochée. Un blindage hors-pair, depuis la carrosserie jusqu’aux pneus en passant par les vitres et le toit ouvrant. Mais aussi un marche-pieds disposé sur le pare-chocs arrière, de sorte à positionner les gardes du corps lors des cortèges officiels.

C’est un vaisseau roulant hors-normes : plus de 6 mètres de long, et plus de 2 mètres de large. C’est aussi un colosse qui dépasse largement les 4 tonnes sur la balance. Sous le capot, son V8 essence peut paraître désuet pour faire avancer ce titan. Il déploie quelque 214 chevaux, bien loin des 370 chevaux du modèle de série.

Reagan sur ses deux jambes

Au service de la Maison Blanche depuis désormais 8 ans, voilà donc la Continental de retour au premier plan, malgré elle une fois de plus, filant à vive allure vers l’hôpital. Sur l'une des banquettes arrière, séparées du chauffeur par une cloison intérieure, gisent le Président fraîchement élu et l’un de ses bodyguards, Jerry Parr, tous deux sévèrement amochés.

La chemise blanche entachée de sang, Ronald Reagan reste pourtant conscient tout le trajet. Tel le cow-boy fringant et fier qu’il campait dans « Law and Order » en 1953, il va même jusqu’à entrer sur ses deux jambes dans le hall de l’hôpital, lançant avec un trait d’humour au personnel qui l’attend civière en mains : « J’espère que vous êtes tous Républicains ! »

Les médecins prennent pourtant très au sérieux le cas du Président. Il est pris en charge sans délai puis opéré durant près de trois heures. Après quoi il est déclaré hors de danger. Son épouse, Nancy, qui exceptionnellement ne l’avait pas accompagné dans sa sortie officielle du jour, était arrivée à son chevet. 

La Lincoln au musée, le tireur condamné

Après l’extraction de la balle, à sept centimètres de profondeur dans le poumon, Ronald Reagan restera hospitalisé une dizaine de jours avant de reprendre ses fonctions. C’est un certain Georges Bush, son Vice-président, qui assurera entre-temps l’intérim. Reagan reprendra finalement assez vite ses déplacements, s’octroyant deux ans encore, jusqu'en 1983, la compagnie de la Lincoln Continental. Le véhicule rejoindra ensuite pour l’histoire le Musée automobile Henry Ford, à Dearborn, dans le Michigan.

Quant à l’homme qui a voulu assassiner le Président, John Hinckley Jr, un Américain de 25 ans, il resta quasi mutique au fil des interrogatoires. Les effets retrouvés par les enquêteurs chez ses parents et dans une chambre d’hôtel attesteront toutefois bel et bien d’une préméditation. Fan du film « Taxi Driver » et se prenant pour le tireur frénétique Travis Bickle, il aurait commis son geste pour impressionner la comédienne Jodie Foster. La justice le déclarera pénalement irresponsable, le condamnant à 41 ans d’enfermement, dont 30 ans en hôpital psychiatrique. Hinckley Jr a été libéré en 2022 à l’âge de 66 ans. Il serait, depuis, devenu artiste…

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