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Autoroutes : la confirmation de travaux trop chers payés ?

Dans Economie / Politique / Finance

Stéphanie Fontaine

Le Plan de relance autoroutier (PRA), négocié en 2015 entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), et qui prévoit pour 3,27 milliards de travaux en échange d'une prolongation des contrats de concession, aurait déjà coûté 600 millions d'euros de moins que prévu… au profit des SCA et donc à la défaveur de l'État ! C'est ce qui ressort du rapport publié par le régulateur du secteur la semaine dernière.

Autoroutes : la confirmation de travaux trop chers payés ?

Dans son rapport annuel sur les contrats passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) en 2020, rendu public le 8 juillet, l'Autorité de Régulation des Transports (ART) révèle que les investissements négociés avec l'État en 2015 ont en fait coûté près de 600 millions d'euros de moins que prévu aux SCA. C'est donc quelque 600 millions d'euros qui leur ont été compensés en trop, en raison, dixit l’ART, d’« une inflation des prix de la construction bien moindre qu’anticipée ». Et ce n’est peut-être pas terminé !

En effet, ce Plan de relance autoroutier (PRA), signé avec les SCA il y a six ans par les ministres de l'Économie et de l'Écologie de l'époque, soit Emmanuel Macron et Ségolène Royal, et qui prévoit sur le papier 3,27 milliards d'euros de travaux en échange d'une prolongation de 2,5 années en moyenne des contrats de concession, est loin d'être achevé. Il ne devrait l'être qu’en 2027. D'ici-là, il se pourrait donc que le montant de la surcompensation, dû à ces prix de construction moins élevés qu’escomptés, s’amplifie.

Ce n’est pas tout. « L’estimation initiale des opérations d’aménagements environnementaux semble avoir été surévaluée », indique également l’ART dans son rapport. Elle parle ici des parkings de covoiturage, mais aussi des aménagements d’écoponts et écoducs, qui doivent permettre à la faune - soit au-dessus, soit en dessous - de se déplacer de part et d’autre de l’autoroute. « À l’avenir, une vigilance particulière devra être accordée à la contre-expertise » de ce type d’opérations, recommande-t-elle.

Des trop-perçus qui resteront dans la poche des SCA ?

Quant à la principale recommandation pour éviter de nouvelles surcompensations, elle n'est pas plus contraignante. L'ART juge en effet qu'il serait « pertinent d’envisager des clauses de partage de risques concernant l’inflation des prix de la construction » dans de futurs avenants. Mais rien n'est donc proposé pour « compenser » les présentes surcompensations constatées.

Ce n'est pas la première fois que la négociation de 2015 avec les concessionnaires du groupe Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), Eiffage (APRR, Area) et Abertis (Sanef, SAPN) est suspectée d’être défavorable aux intérêts de l'État, et surtout « une bonne affaire » pour ces SCA ! C’est ce qui ressort aussi de l’analyse financière commandée par la dernière Commission d’enquête sur le sujet au Sénat. Plus exactement, Vincent Delahaye, le sénateur centriste rapporteur de ladite Commission, clôturée avec la publication de son rapport en septembre 2020, a toujours revendiqué sa volonté de « suivre le dossier dans le temps ». Aussi est-il à l’origine d’une réactualisation du bilan financier des concessions en avril dernier, avec cette fois une focalisation sur les conséquences du PRA.

Le verdict est sans appel : selon les calculs du banquier Frédéric Fortin, missionné par le sénateur pour réaliser ce nouvel examen, le Plan de relance va générer aux SCA un bonus de plus de 4 milliards d'euros, alors que normalement l’allongement des contrats devait simplement leur permettre de bénéficier d'une « stricte compensation ». Si les nouveaux investissements réclamés sont ainsi estimés à 3,27 milliards d'euros, cette prolongation devait juste leur permettre de récupérer autant. Selon lui, cette surcompensation de 4 milliards s'expliquerait principalement par le taux d’actualisation choisi lors de ces négociations, de l’ordre de 7,7 % alors qu’il aurait été plus juste et réaliste de le fixer à 3,5 %.

Des surcompensations illégales ?

Or, là aussi, le montant de cette faramineuse surcompensation pourrait s'avérer, selon l'évolution de la situation, encore plus important d’ici la fin des contrats prévue entre 2033 et 2036. De toute façon, il y a tout lieu de penser que les dernières révélations de l’ART « aggravent mes calculs », réagit Frédéric Fortin. Si l'ART ne l'évoque à aucun moment dans son dernier rapport, ces trop-perçus encaissés par les SCA pourraient bien être considérés comme des aides d’État, ce qui serait tout à fait illégal.

C'est la thèse avancée par un universitaire, professeur de droit public, Jean-Baptiste Vila, et un juriste, Yann Wels, dans une étude coécrite et publiée à la fin 2020. Selon celle-ci, l'État pourrait même se servir de l'existence de ces surcompensations liées au PRA, et s'appuyer sur d’autres dysfonctionnements, pour négocier « à moindres frais » la rupture anticipée de ces contrats de concession privatisés en 2006. Une option toutefois totalement écartée par le gouvernement.

Lors d'un débat organisé au Sénat le 6 mai dernier, le ministre délégué en charge des Transports Jean-Baptiste Djebbari, l'a rejetée avec force. Pour lui, « ce serait non seulement une gabegie financière - plus de 47 milliards d’euros [le coût estimé pour renationaliser les contrats, NDLR]-, une entrave au droit des contrats et, ce faisant, un affaiblissement de l’État de droit. » L'idée n'est pas non plus reprise par Vincent Delahaye.

Pour lui, ces surcompensations et le surplus des dividendes que les SCA pourraient encaisser par rapport à ce qui était initialement envisagé – soit presque 30 milliards d'euros, selon les prévisions de Frédéric Fortin - devraient surtout donner à l'État « de belles marges de négociation » avec les SCA. Partant de là, il voudrait qu'elles soient ainsi contraintes à accepter de nouveaux investissements, sans compensation cette fois, juste pour effacer le surplus et rééquilibrer le deal… Pourquoi l'accepteraient-elles toutefois, si ce n'est pour éviter une rupture de leurs contrats ? Pour l'heure, surtout, le gouvernement ne donne aucunement l'impression de vouloir les contraindre à quoi que ce soit !

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