Avec le départ de Thierry Breton, la filière auto perd son meilleur atout à Bruxelles
La démission surprise du commissaire français à Bruxelles fait l'affaire de la présidente Ursula von der Leyen, mais pas du tout celle des constructeurs automobile qui avaient trouvé une oreille attentive en la personne de Thierry Breton
Thierry Breton, ex-commissaire européen. Futur ministre de l'économie ? Crédit photo : IP3 Press/MaxPPP
Ce ne pourrait être qu’un énième épisode de la guéguerre franco-allemande qui secoue Bruxelles depuis toujours. Sauf que la démission fracassante de Thierry Breton dans la matinée du 16 septembre est un très mauvais signal pour une autre bataille : celle qui oppose l’industrie auto européenne aux élus européens dans la montée en puissance imposée de la voiture électrique.
Car hier matin, à la surprise générale, sur X (ex-twitter), le commissaire européen chargé du marché intérieur a indiqué qu’il démissionnait, « avec effet immédiat » de son poste à Bruxelles. Pourquoi ? Dans une lettre à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, il s’explique et indique qu’il est la victime d’un deal entre Emmanuel Macron et l’élue allemande.
Au revoir Breton, bonjour Séjourné
Cet accord prévoirait qu’en échange de l’élimination de Breton, avec qui elle est en désaccord depuis des mois, Ursula von der Leyen offrirait un poste élargi à son successeur, français lui aussi, et choisi par le président de la République. Un poste de vice président exécutif de la Commission qui pourrait en fait n’être qu’une fonction honorifique selon les spécialistes de la politique européenne.
À l’Élysée, cet accord a pourtant été acté, puisque dans la foulée de la démission du commissaire sortant, Paris a poussé la candidature de Stéphane Séjourné, ministre des affaires étrangères démissionnaire.
Un autre deal entre Emmanuel Macron et Thierry Breton actant son retour aux finances (un portefeuille qu’il a détenu de 2005 et 2007) dans le prochain gouvernement a-t-il été acté ? On le saura dans quelques jours. Mais ces tractations risquent de faire une victime : la filière automobile européenne, du moins une partie d’entre elle.
C’est que les 15 constructeurs européens réunis au sein de l’ACEA font le siège de Bruxelles pour tenter d’amadouer la commission, comme le Parlement, et tentent d’obtenir un moratoire pour la mise en place du tout électrique en 2035. Ils souhaitent également obtenir un délai de deux ans sur les normes de baisse de C02 prévues l’an prochain. Et pour le moins, le départ de Thierry Breton les met dans l’embarras, surtout en ce qui concerne le tout électrique à venir.
Un pragmatique de l'électrique
Car si l’homme n’était pas hostile aux normes obligeant les constructeurs à abaisser de 15% les émissions de l’ensemble de leur gamme, il n’était pas, pour autant, un farouche défenseur du zéro émission et se disait pragmatique. C’est lui qui, en 2019 avait réussi à imposer une clause de revoyure sur la directive de 2035. Une revoyure qui est toujours prévue en 2026. C’est lui encore qui était parvenu à modérer la norme Euro 7 il y a deux ans. Et c’est lui toujours qui avait créé une commission informelle baptisée « Road35 ». Au sein de ce groupe, qui se réunissait régulièrement, les constructeurs avaient trouvé une oreille attentive et il a reçu, il y a quelques jours encore, les ténors du secteur.
Qu’en sera-t-il de son successeur ? Pas sûr que « Road35 » survive à Thierry Breton. Pas sûr que Stéphane Séjourné soit sur la même longueur d’onde que son prédécesseur sur la voiture électrique. À la tête de la délégation française du groupe centriste Renew à Bruxelles lorsqu’il était député européen, il a voté pour la bascule de 2035. Un choix qu’il défend depuis lors.
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