Avec son e-3008 obèse, Peugeot montre les limites du tout-électrique.
Affichant jusqu’à près de 2,2 tonnes sur la bascule, le nouveau Peugeot e-3008 affiche certes une belle autonomie, mais l’obtient de façon inefficiente. Comme bien d’autres ! Ou quand la réduction des émissions de CO2 entraîne... leur hausse.
« Panne de jus de cerveau chez Renault » avais-je titré en 2022 au sujet du constructeur au losange. Et depuis, celui-ci persévère dans une veine peu fine en proposant un Scenic électrique dont la modularité piteuse fait honte à son ancêtre, sorti en 1996 et bourré d’astuces, lui…
Mais il serait tout à fait injuste de ne pas considérer le cas Peugeot dans la course à non-intelligence. Commençons en signalant que la marque de Sochaux avait, dans un passé très récent, produit d’énormes et louables efforts dans l’allègement de ses modèles. Je pense notamment à la première 208, qui, en 2012, parvenait à perdre près de 200 kg face à la 207 qu’elle remplaçait. Idem pour la 308 de deuxième génération, en 2013, quelque 150 kg moins lourde que sa devancière. Et rebelote avec le second 3008, en 2016, économisant une cinquantaine de kg par rapport au premier. A motorisation équivalente. Réduire le poids des véhicules, c’est la marche à suivre car cela contribue à limiter l’empreinte carbone à la fabrication et à réduire la consommation d’énergie, donc à abaisser les émissions de CO2. Un cercle vertueux.
Mais, depuis, Peugeot a inversé la vapeur, ou plutôt les watts, et cela se manifeste de façon éclatante avec le tout dernier e-3008, électrique. Très certainement pour faire un coup de com, la marque au lion lui annonce une autonomie record de 700 km. J’ai naïvement pensé initialement que c'était grâce à de belles trouvailles destinées à en réduire les besoins énergétiques. Peut-être est-ce le cas, mais deux caractéristiques permettent d’en douter.
L’une, l’énorme capacité de la batterie (98 kWh), l’autre la conséquence de ce fait, le poids colossal : 2 174 kg. Sachant que le SUV au lion ne mesure que 4,54 m de long ! En clair, Peugeot a cédé à une certaine facilité, en multipliant à outrance les cellules lithium-ion. A titre de comparaison, l'ancien 3008, en THP 180 ch, plus véloce que son successeur zéro-émission, ne dépasse pas 1 430 kg. Oui, vous avez bien lu, en ordre de marche, l’e-3008 Long Range pèse 700 kg de plus (au bas mot) que l’ancien 3008 doté du 1,6 l essence suralimenté. Soit + 50 % ! Notons que l'e-3008 à "petite" batterie (73 kWh) pèse déjà 2 114 kg...
Le surpoids monstrueux du dernier-né s’explique notamment par la masse des accumulateurs : 574 kg avec 98 kWh. Mais, sans sa batterie, le SUV sochalien pèse déjà 1 600 kg, soit 170 kg de plus que l’ancien modèle. Cela se justifie par la structure très robuste dans laquelle se fixent les cellules lithiumion, afin de les protéger en cas de choc. Il ne s’agirait pas qu’elles fuient ou prennent feu ! Eh oui, c'est ça aussi, l'électrique...
Si Volkswagen ne fait pas mieux que l'e-3008 avec son ID.4, Renault lui, si, son Scenic e-Tech de 87 kWh s'en tenant à 1 842 kg. Le SUV allemand a au moins l'excuse d'une conception plus ancienne. Mais, hormis ses 11 kWh supplémentaires, comment expliquer que le Peugeot pèse près de 300 kg de plus que son concurrent au losange, tout aussi spacieux ? Néanmoins, il est annoncé à 14 kWh/100 km, une consommation très basse : espérons qu'elle se confirme lors de nos essais.
Surtout que l'e-3008 ne fait pas d'étincelles non plus côté aérodynamique, puisque le Scx du nouveau 3008 (0.75) demeure banal. Or, à partir de 100 km/h, une bonne finesse permet des économies d’énergie substantielles, ce qu’a bien compris Tesla, dont le SUV Model Y (nettement plus léger que le SUV au lion) profite d’un Scx de 0.67. Là encore, on se dit que chez Peugeot, le marketing a pris le pas sur l’écologie, en demandant aux designers de privilégier un look fédérateur.
Nuançons toutefois. Peut-on reprocher à un constructeur, Peugeot en l'occurrence, de chercher un maximum de profit en vendant des voitures ? Absolument pas, c’est même là sa raison d’être. Peut-on lui reprocher de se lancer à fond dans l’électrique, donc de fabriquer des voitures plus lourdes qu'avant ? Encore moins, car c’est ce que veut le législateur dans sa guerre contre le réchauffement climatique. Et c’est là qu’on touche à l’absurde. En forçant une transition énergétique vers l’électrique, en interdisant la vente des véhicules thermiques dès 2035, les autorités agissent de façon anti-écologique.
Car la fabrication des voitures électriques émet bien plus de CO2 que celle des thermiques, donc dans l’immédiat, en l'augmentant, on contribue à accélérer le réchauffement climatique. Ce, dans l’espoir de le limiter une fois que le surcroît de dioxyde de carbone à la construction sera compensé au bout de plusieurs années par une utilisation ne faisant pas directement appel aux énergies fossiles.
Un pari risqué, car cela donne des modèles à la batterie obèse comme l’e-3008 Long Range, dont la fabrication polluante sera très difficile à amortir écologiquement parlant ! En effet, l’Ademe stipule fin 2022 que dans le cas d'une voiture électrique dotée d'une batterie dépassant les 60 kWh, « l'intérêt environnemental n'est pas garanti ». Alors, avec près de 100 kWh… Sans même parler de sa recharge dans des pays où la production d’électricité émet beaucoup de CO2 car elle se fait largement à partir de lignite, au hasard en Allemagne, le plus gros marché européen. De là à penser que Bruxelles nous emmène nous fracasser contre le mur de l'absurde, il n'y a qu'un tour de roue...
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