Bitter, des autos prestigieuses sur base… Opel
Erich Bitter, fondateur de la société qui porte son nom, vient de nous quitter. L’occasion de nous pencher sur les autos qu’il a créées, de belles GT à mécanique Opel, du temps où le constructeur allemand s’aventurait dans le haut de gamme.
Comme bien de jeunes passionnés des années 70-80, j’ai longuement feuilleté les pages « Tour du monde de l’insolite » du numéro annuel Spécial Salon de l’Auto-Journal. Là, je dois avouer avoir eu un coup de foudre pour les productions d’un petit constructeur allemand, Bitter. Pourquoi ? Parce que son coupé SC, par sa ligne équilibrée, élégante et anguleuse me rappelait celle de la Ferrari 400i, une voiture que j’adorais (et adore toujours !). Techniquement, la Bitter ne faisait pas rêver mais évitait toute indigence, avec ses soubassements et sa mécanique d’Opel Senator. En somme, il s’agissait d’une GT très exclusive et fiable à la fois.
Exactement ce qu’Erich Bitter, né en 1933, souhaitait réaliser. Coureur cycliste passé à la compétition automobile dans les années 50, notamment pour Abarth, il s’est mis à importer ces dernières en Allemagne en 1969, puis les Intermeccanica. Celles-ci, produites en Italie, se voulaient très haut de gamme, concurrençant en théorie les Bizzarrini, De Tomaso et autres Iso avec son gros V8 Ford. Mais Bitter a été épouvanté par la piètre qualité de réalisation de ces supercars, tout en trouvant l’idée initiale pertinente.
Simultanément, chez GM, on cherche des solutions pour améliorer l'image de marque d'Opel, qui présente en 1969 le concept, la CD (pour Coupé Diplomat). Adroitement dessiné par George Gallion (auteur de la Manta) sous la férule de Chuck Jordan, il est bien accueilli, et Bob Lutz, enthousiaste directeur commercial d’Opel, demande au carrossier italien Frua d’en extrapoler une version adaptée à la série.
Celui-ci élabore une proposition séduisante en 1970, à partir de la grosse Opel Diplomat. Une berline de luxe frappée du Blitz mais animée par un V8 5,4 l (230 ch tout de même !) proche de celui de la Corvette et bénéficiant d’un essieu arrière De Dion, tout à fait à la page à l'époque. Seulement, Frua n’est pas en mesure de la fabriquer en grandes quantités. Opel ne se voyant pas capable de le faire de façon profitable, on décide de confier l'affaire à un indépendant.
C’est là que Bitter revient en scène, Seulement, s’il prépare de autos et fabrique des accessoires pour la compétition, Bitter n'a rien d’un constructeur. Qu’à cela ne tienne, il conclut un accord avec Baur, et présente le modèle définitif, la Bitter CD en 1973. C’est le succès, les commandes affluent : 176 durant le salon de Francfort. Tout se présente donc idéalement pour Bitter, qui envisage de produire 200 CD par an. Hélas, la crise du pétrole mettra un sérieux coup de frein à ses ambitions : les commandes sont en grande partie annulées.
Néanmoins, ce grand coupé rapide (plus de 200 km/h), bien fabriqué et fiable se vendra à 395 unités quand la production cesse en 1979… Pas si mal ! La CD est remplacée par la SC, basée sur la grande Senator. Elle en reprend logiquement la suspension à quatre roues indépendantes et le 6-en-ligne 3,0 l à injection de 180 ch. La carrosserie ? Elle semble presque calquée sur celle de la Ferrari 400, apparue en 1972 sous l’appellation 365 GT4 2+2. C’est cette robe qui m’a fait flasher ! D’ailleurs, elle n’est plus produite par Baur mais par OCRA, en Italie.
Pour sa SC, Bitter nourrit de grandes ambitions : en 1981, il présente une déclinaison cabriolet ainsi qu’une transmission intégrale, conçue par Ferguson Research (déjà auteur de celle de la Jensen FF). Puis en 1983, Bitter propose une variante boostée à 3,8 l et 210 ch de sa SC, qu’il compte bien vendre aux USA via le réseau Buick. Hélas, les Américains ne tombent pas sous le charme. Qu’à cela ne tienne, Bitter conçoit une SC à quatre portes en 1985, et sa gamme vivotera jusqu’en 1989, année où Opel arrête la Senator.
Au total, le petit constructeur aura écoulé 461 coupés, 22 cabriolets et 5 berlines. Son dynamique patron aura beau proposer des prototypes, comme la Type 3, sur base Opel Omega en 1987, la Tasco en 1991, à mécanique Chrysler et carrosserie Tom Tjaarda (l’auteur de la Fiat 124 Spider), la GT1 sur base Lotus Elise en 1998 voire la CD2 en 2002, dérivant de l’Holden Monaro et la Vero, basée sur l’Holden Statesman en 2007 rien n’y fait. Il n'a pas les moyens de les développer et aucun constructeur ne le soutient.
Bitter survit en fabriquant des prototypes, notamment pour Volkswagen. Jusqu’au bout, l’ancien sportif a soumis des idées à Opel, qui a bien failli produire des variantes chics de ses autos de série portant le blason Bitter.
Une Adam et une Insignia badgées « by Bitter » ont même été présentées. Erich Bitter nous quitte le 11 juillet 2023. Il s’apprêtait à fêter en grande pompe ses 90 ans. Un petit peu d’originalité germanique est partie avec lui.
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