2. Comparatif - Harley Davidson FXDR Vs Ducati Diavel 1260 S : cruel en Diable !
Ils n’ont rien à voir. C’est une évidence. À la bestialité svelte d’un Diavel évoquant la haute couture italienne, s’oppose la présence de la ligne de la HD. Une moto faite d’un métal dans lequel on forge les superhéros… Cap’tain America en costume blanc nacré mat n’aura cependant eu de cesse de faire se retourner les yeux croisés en chemin, quoique le son de son moteur et de son échappement en position latérale droite basse n’y soit pas non plus étranger : il couvre littéralement l'opéra italien. L’Ombre transalpine impressionne moins statiquement, même si elle prend des airs d’avion de chasse et même si son bras oscillant fait de sa roue arrière une petite œuvre d’art. Un élément à peine léchée par un échappement double sortie du meilleur effet stylistique.
Il n’y a pas à dire et il n'y a rien à faire, le Diavel fait moins d'effet que le FXDR. Il ne dégage pas la même impression de "poids lourd" de la catégorie. Ne serait-ce que par sa fourche bien moins inclinée vers l’avant ou par ses choix nettement moins tranchés. Le FXDR remporte le match esthétique, malgré sa forte asymétrie des plus contraignante : le côté droit fait déborder une prise d’air tout simplement gênante pour la cuisse. Un élément impliquant une position de conduite tout bonnement caricaturale sur ce cheval américain. Concrètement ? On se plie façon chevron. Un véritable appareil de musculation, cela dit. Au moins est-on installé de manière plus naturelle sur la concurrente, avec des repose-pieds rappelant une posture de roadster et un guidon plus sympa. Ce serait presque le monde à l’envers : la Harley FXDR est une moto orthopédique, là où Ducati, normalement coutumier de l’exercice, propose une moto à la posture aussi agréable qu’efficace. Quoi que. Le guidon, là encore, pourra surprendre en écartant les bras et en les tendant. Niveau ergonomie, avantage Ducati !
Niveau équipement, par contre, la Rouge met KO la Harley et s’impose. Elle rassurera davantage lorsqu’il sera question d’évoluer sur des routes à adhérence réduite, ou lorsque l’on voudra prendre le réseau secondaire : les suspensions y montrent l’étendue de leur potentiel et de leur capacité à ménager confort et tenue de route. Côté américain, une fois encore, on impose une façon de voir et une façon de faire : c’est spartiate, c’est inflexible et ça vous fait claquer des dents sur les bosses. Même si la selle ménage le popotin, les suspensions, bien sûr non réglables dans le détail, tabassent copieusement lorsque les pneumatiques ont atteint la limite de ce qu’elles pouvaient adoucir. Beau revêtement conseillé !
Niveau performances pure, on se doutait bien que l’on ne jouait pas dans la même coure. Mais nous étions encore loin du compte : l’américaine tire linéairement et très court. Il faut pousser le troisième rapport à fond pour atteindre la même vitesse qu’en première sur la Ducati : 140 km/h. Sans parler de la démonstrativité exubérante du twin transalpin, dont les envolées n’ont d’égal que votre capacité à ne pas couper avant la zone rouge, pourtant située à presque 10 000 révolutions minute. Ce moteur est à la fois pétillant, électrisant et sensationnel, un véritable concentré d’énergie pure qu’une boîte de vitesse rapide et bien étagée permet d’exploiter pleinement. La poussée se renforce entre 5 000 et 8 000 tr/min pour finir en apothéose, bref, le Diavel dépose littéralement le FXDR.
Pour autant, l’engin américain n’a rien d’un mou de veau. Il joue sur le couple et les grosses sensations moteur. Un 114 conçu pour ça. Il est lent à lancer ses pistons, lent à passer les vitesses même si la boîte est là aussi agréable, mais il donne une impression de force impressionnante. Sans parler des sensations mécaniques liées à la mise en mouvement des énormes pistons de son bicylindre. Un moteur obligé d’arrêter son piston arrière au feu ou au stop afin de ne pas cuire sur place le conducteur. Un moteur affichant alors un régime de ralenti de 900 tr/min environ (instable, bien entendu). Un moteur vibrant, mais pas trop, vivant et très présent dans la colonne vertébrale, dans les mains, sous le fessier. Un moteur capable de bonnes reprises, un moteur peu souple, mais particulièrement volontaire et disposant d’un gras délectable. On évolue souvent aux alentours de 4 000 tr/min, n’allant pas forcément chercher une rupture pourtant douce située 2 500 tr/min plus haut. On s’accroche pourtant à l’immense guidon et aux poignées tellement balaises que reprendre le guidon du Diavel dans la foulée donne l’impression de s’asseoir sur une 125 et de ne plus rien avoir entre les mains. Dingue. Démesuré. Tellement américain dans la surenchère métrique.
D’autant plus dingue que cette impression persiste à la première mise sur l’angle, aussi intuitive que naturelle. Un Diavel, ça tourne, alors qu’un FXDR, ça s’inscrit, ça s’anticipe, ça se pose, ça se cale, ça s'apprend. Ça trace sa propre trajectoire, son propre chemin. Pour résumer le comportement de l’américaine, c’est un peu comme si l’avant et l’arrière avaient leur propre volonté et disaient me…de à l’autre à la moindre sollicitation. Outre le fait qu’il faille forcer davantage sur le guidon quelle que soit l’allure, l’avant, ultra stable et d’un diamètre/poids imposant, élargit la trajectoire à l'amorce du virage sous l’effet d’un pneu arrière quasiment plat et refusant de passer sur l’angle. C’est un résumé, car une fois le mode d’emploi saisi, on en vient à prendre un plaisir fou à caler cette moto sur l’angle, scratchant à la moindre occasion les repose-pieds ou pire l’ergot de béquille latérale protégeant l’imposant carter moteur. On se méfie, mais cela passe et c’est même plutôt efficace à défaut d'être aussi rapide qu'avec le Diavel. Évidemment, la Ducati rigole doucement tant elle semble un poids plume prompt à plonger à la corde comme la misère sur le monde. Facile, incisive, précise, intuitive, sensationnelle, l'italienne est une adversaire redoutable. Et forte en gueule.
Lorsque l’on se retrouve pour discuter à la pompe pour remplir les réservoirs aussi vite que la mauvaise foi se déverse, les avis se partagent. « t’attaquais toi ? ». « Non, je te laisse partir devant, vu que tu as besoin de toutes ces assistances pour carburer, ça me permet de surveiller ta traj’, et comme on n’a pas la même, je fais tout pour éviter que tu me gênes »… « On règle ça en ville ? » « OK ». En attendant, la consommation se vaut. Elle s'établit aux alentours de 5,7 litres/100 km sur les deux, et plus de 6,3 litres lorsque l'on attaque vraiment. Pour autant, 250 à 300 km sont largement envisageables avec un plein.
L’agglomération pour juge de paix. En ville, le FXDR prend tout son sens. On découvre une certaine bienveillance dans la latence de ses réactions, tandis que l’on maudit un garde-boue avant et une forme de réservoir incapables d’éviter les projections de gravier, d'eau ou autre directement dans le casque. Par contre, curieusement, la direction que l'on aurait imaginée camionesque fait bon ménage avec les évolutions à allure lente. On a l’impression de soulever de la fonte, de se faire du muscle et parfois de se faire embarquer, mais ça passe, reste à bien gérer les gaz, pas toujours assez précis et la latence dans le relances. Parfois, on cale… Juste comme ça. Ou bien on se fait embarquer. Le rayon de braquage n’est pas plus extraordinaire que sur le Diavel, mais on fait demi-tour sur une portion de route assez large, on braque plutôt bien et le flot de circulation se fend rien qu’à se retrouver avec les feux de jour ans les rétroviseurs. Une fois la sonorité de l’échappement permet de se faire remarquer. Un peu trop pour être honnête, d’ailleurs.
Quant au Diavel, il surprend par la relative discrétion de son échappement aux régimes usuels. Il faut avouer qu’en agglomération, on monte assez peu dans les tours tout en profitant d’une douceur bienvenue, et toujours d’une belle réactivité. Le Testastretta étonne par sa souplesse et par les possibilités offertes via les modes de conduite. Certes, le bouilleur dégage une bonne dose de chaleur, mais les évolutions citadines sont agréables. Et surtout plus qu'envisageables, malgré son tempérament fou. Une fois encore, son équilibre l’emporte, tandis que le choix des pneumatiques plus sportives et surtout de taille plus raisonnable fait ses preuves, même si la largeur de 240 est équivalente à l’arrière. Enfin, on apprécie sur les deux motos le clignotant s’arrêtant automatiquement. Il faut dire que les commandes différenciées de la Harley sont les dernières du genre dans la production actuelle. Un cligno à chaque pouce, on s’y fait bien. Au point de trouver la commande standard moins pratique. Un comble.
Et le freinage alors ? Une fois encore, les éléments du Diavel s'imposent comme la référence lors de ce match. Précis, léger, puissant, assisté par un ABS aux petits oignons, ils mettent une fois encore à l'honneur la qualité des éléments Brembo. Le FXDR ne peut que s'incliner, avec son levier que l'on ne parvient jamais à saisir parfaitement. On prend pourtant ses marques au fil des kilomètres et force est de reconnaître les bienfaits du freinage proposé. Déjà, l'étrier arrière fonctionne réellement, tandis que l'on parvient à se montrer efficace tout en composant avec la masse à stopper. N'oublions pas que 303 kg et une certaine inertie moteur ne sont pas si évidents à arrêter en théorie.
Dans la pratique, l'ABS américain fait preuve d'une meilleure résolution à l'avant qu'à l'arrière et on ne le déclenche qu'à de très rares occasions. Mais on est tellement loin de ce que propose Bosch sur le Diavel. Félicitons au passage le travail effectué par Michelin sur les pneumatiques, qui assurent elles aussi ! Restera à se méfier sur route mouillée, comme nous avons pu le constater lors de cet essai. Un pneu de 240 à l'arrière, ce n'est pas une mince affaire à gérer lorsque l'adhérence devient précaire. Dans ces conditions, le Diavel rassure davantage, mais l'inertie HD n'est pas mal non plus. Reste une fois encore un dosage des gaz moins précis que sur l'italienne. Brut de décoffrage, le FXDR !
Photos (67)
Sommaire
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération