Dans l'automobile, la mixité, c'est pas gagné
Selon une étude récente, le taux de féminisation dans l'industrie automobile ne dépasse pas 32 %. Et dans les services (ventes et réparation), c'est bien pire : il stagne à 22 % en moyenne.
Rien n’y fait. 49 % des femmes conduisent. 46 % d’entre elles achètent leur auto seule et elles sont ultra prescriptrices dans le choix de la voiture familiale. Hélas, elles ne sont toujours que 32 % à travailler dans l’industrie automobile, selon une étude réalisée par le cabinet Roland Berger pour l’association Wave dévoilée lundi soir.
On peut tenter de se rassurer et se dire que les choses changent, que le nombre de femmes travaillant chez les constructeurs et les équipementiers évolue. Las. En 2018, elles étaient 30 %. En 6 ans, la hausse n’est que de deux tout petits points, alors que dans tous les autres secteurs, les politiques de mixité menés par les gouvernements successifs, les quotas de parité institués au plus haut niveau, jusque dans les conseils d’administration, ont porté leurs fruits. Dans le tertiaire, elles représentent même 57 % des effectifs. Pas dans l’automobile, alors qu’elles sont 51,6 % dans la population française.
22 % de femmes seulement dans les services
Et encore, ces chiffres accablants sont différents selon les activités. Car dès que l’on quitte l’industrie pour s’en aller ausculter les services dédiés à la voiture, c’est pire : elles ne sont ainsi que 22% en moyenne dans la location, la réparation ou la vente.
Les virilistes rétorqueront que ce sont des métiers de costauds, qu’il faut parfois trimbaler de lourdes charges ? La preuve de leur erreur : la location courte durée n’emploie que 14% de femmes, un record. Alors que de gros biscotos ne sont pas indispensables pour diriger une agence, ou faire remplir des papiers aux locataires, leur donner les clés de la voiture et éventuellement déplacer et entretenir cette dernière.
Même dans le commerce automobile, alors que les femmes sont des clientes presque à la même hauteur que les hommes, elles ne sont que 21 %. Curieusement, c’est dans la vente et la réparation de vélos et de motos qu’elles sont le plus nombreuses, avec un taux de féminisation de 49 %.
Mais alors, le secteur est-il vraiment aussi macho que cette étude le laisse supposer ? Si les traditions fausses et surannées ont la vie dure, si certains petits ou plus grands patrons sont encore persuadés que la bagnole est un truc de mecs, d’autres tentent de féminiser leurs troupes, parfois pour des raisons purement marketing, puisque parmi leurs clients figurent pas mal de clientes. Pour autant, elles ne sont que 28 % à consacrer un budget à la mixité. Mais ces dernières se heurtent à un mur que l’enquête Roland Berger, qui a interrogé 50 boîtes du secteur met en exergue.
Ce mur est lié à une énorme pénurie de compétences. Les filières scientifiques en général sont souvent délaissées par les femmes, et dans l’automobile c’est bien pire. Claire Mesnier, ancienne DRH d’Alpine (l’écurie de F1 comme la partie voitures de série) nous confiait cette difficulté en livrant des chiffres : « à L’ESTACA (l’école d’ingénieurs phare du secteur, ndlr) on ne trouve que 8 % de filles ». Et lorsque l’on prend en compte l’ensemble des formations auto, de l’enseignement supérieur au CAP et BEP, on arrive au taux faramineux de 98% de garçons inscrits à ces cursus. D’où une réelle difficulté de recruter des filles. D’où aussi, un meilleur taux de féminisation dans des fonctions plutôt administratives avec des femmes issues d'autres filières de formation.
Alors les entreprises interrogées, du moins celles qui souhaitent féminiser leurs effectifs, ont décidé d’évangéliser les Françaises. Mais comment convaincre les filles que l’automobile leur tend les bras ? « En améliorant l’image de la filière et en valorisant les salariés du secteur ». Vaste programme. Trop vaste et trop vague pour avoir des retombées quantifiables ?
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