Diesel : guerre ouverte sur tous les fronts
La semaine dernière, Robert Peugeot, qui gère le patrimoine de la famille via le holding FFP (lequel détient 14 % de PSA), déclarait qu’il était irresponsable de dénoncer le diesel. Simple acte de foi ? Analyse pragmatique des enjeux sociaux et économiques d’une thématique qui n’est pas seulement écologique ? Au vu des récentes joutes relevées sur le terrain médiatique, il faut croire qu’il n’a sensibilisé personne à sa cause. Les édiles de certaines grandes villes montent au créneau pour éradiquer le gasoil des rues, les médecins se déchirent à propos de la santé publique et dans les couloirs des institutions européennes régulatrices, tout ne serait que tractations sous le manteau et complots. Et si les émanations du diesel n’étaient qu’un rideau de fumée ?
Haro sur le gazole ! Cela pourrait être un slogan d’une rue à l’air irrespirable comme son atmosphère. Car la pollution est aussi dans le débat politique. Il y a d’abord eu cet article dans le Canard Enchainé de mercredi précisant que le lobby du diesel aurait été reçu en secret à Bruxelles pour négocier favorablement les normes antipollution. Ainsi, à en croire l'association Corporate Europe Observatory, un responsable de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA) aurait rencontré le 11 janvier 2015 pour obtenir des normes favorables aux constructeurs.
Une perspective qui a exaspéré Karima Delli, vice-présidente de la Commission d'enquête du Parlement européen sur le scandale Volkswagen qui a déclaré : « ces nouvelles informations confirment la porosité de la Commission européenne face aux lobbies, à tous les niveaux de responsabilité. Il faut en finir avec l'impunité totale dont bénéficie le lobby diesel ». Certes, mais du côté de l'ACEA, on jure que cette rencontre n'a jamais eu lieu.
Alors ? Alors la guerre est ouverte sur tous les fronts. Info, intox, y compris sur l’intoxication de nos poumons. Les médecins eux-mêmes sont dans la mêlée. Des toubibs ont ainsi dénoncé des propos tenus dans les médias par un pneumologue réputé de l'hôpital Bichat, de nature, selon eux, à désinformer la population sur l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé. Le fustigé s’appelle Michel Aubier, il est pneumologue à l'AP/HP (assistance publique/hôpitaux de Paris) et il a fait savoir dans l'émission Allô Docteur du 1er mars diffusée sur France 5 que la pollution atmosphérique n'était pas cancérigène sauf à de très forts taux d'exposition et essentiellement chez les fumeurs.
Une expertise qui a provoqué l’ire d'une Association santé environnement France (Asef) rappelant que des études de l'OMS ont classé le diesel cancérigène en 2012 et la pollution atmosphérique cancérigène en 2013. "Nous souhaitons simplement rétablir la vérité et qu'une information impartiale soit donnée à la population", a soutenu à l'AFP Pierre Souvet, président de cette association. Une phraséologie qui en dit long sur un sujet qu’a fui la sérénité des débats. Car on a aussi appris que le même Michel Aubier était médecin-conseil auprès du groupe pétrolier Total depuis une vingtaine d’années.
Mais ce n’est pas tout. La politique n’est pas en reste. Vingt maires d'Europe ont interpellé leurs gouvernements respectifs au sujet de la "décision injuste et erronée" de l'Union Européenne de permettre de nouvelles limites d'émissions de gaz polluants. À leur tête, Anne Hidalgo, édile de Paris, qu’ont décidé de suivre les premiers magistrats d’Athènes, Barcelone, Bruxelles, Bucarest, Budapest, Copenhague, La Valette, Lisbonne, Amsterdam, Madrid, Milan, Nicosie, Oslo, Riga, Rotterdam, Sofia, Stockholm, Varsovie, Vienne. 25 millions d'habitants sont dans la balance.
Leur appel est poignant : "comment protéger la santé de nos concitoyens si l'Union européenne valide un permis de polluer au détriment de la santé publique ? Que dire aux parents dont les enfants souffrent de problèmes respiratoires aigus, aux personnes âgées et aux plus fragiles ? Devons-nous leur dire que leur gouvernement a préféré la santé de l'industrie automobile à la leur ?". On ne peut qu’adhérer.
Et nous, simple citoyen lambda qui avons besoin de rouler pour aller travailler ou chercher un emploi, qui regardons les comptes au quotidien en se disant qu’un mois en pousse un autre si bien que notre voiture poussive et surannée a certainement des défauts mais surtout la qualité de nous socialiser ? On regarde, on subit, on paye avec l’incompréhension de passer pour un vilain petit canard irresponsable, inculte, déconnecté d’une réalité qui, cependant, s’impose bien à nous. Nous sommes des gueux que l’on pousse hors des cités. Rappelons qu’à partir du 1er juillet de cette année, les voitures de plus de 20 ans n’auront pas le droit de rouler dans Paris.
Fichés, faciles à localiser puisque domicilier et invités plus souvent qu’à notre tour à régler des procès-verbaux pour des écarts que l’on se dit, tout de même, moins graves que les grandes fautes commises par des plus haut placés jouissant de l’impunité, nous poussons le wagonnet dans la mine. On exagère ? Pas plus que les autres après tout. Mais l’écologie punitive est un alibi pour nos politiques qui se persuade avec elle qu’ils ont prise encore sur quelque chose, qu’ils comprennent une époque qui leur a déjà échappé parce qu’ils l’ont laissé filer par ailleurs. Les émanations du diesel peuvent être aussi un écran de fumée.
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