Dossiers des épaves roulantes : un nouveau procès s'ouvre à Évry
Un expert automobile et 26 garagistes comparaissent devant le tribunal Correctionnel d'Essonne durant deux semaines pour avoir remis en circulation 1 024 "véhicules gravement endommagés" (VGE), sans les avoir correctement réparés ni vérifiés. En l'occurrence, à cette audience, ils n'auront à répondre que pour le quart de ces autos. C'est la deuxième affaire de ce type à Évry, après celle dite des "5 000" qui n'est toujours pas soldée. Au final, dans ces procédures, ça fait un paquet de victimes sur le carreau.
Depuis lundi, jusqu'au 13 septembre, se déroule au tribunal Correctionnel d'Évry (Essonne), dans la salle réservée habituellement à la Cour d'Assises, le procès de plusieurs professionnels de l'automobile - un expert et près d'une trentaine de garagistes - soupçonnés d'avoir remis en circulation d'anciennes épaves de manière frauduleuse. Ces véhicules auraient tout simplement été mal réparés, puis mal vérifiés par cet expert, au point d'être jugés dangereux.
Les protagonistes sont entre autres poursuivis pour faux et usage de faux, mise en danger de la vie d'autrui, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs. En tout, ce sont plus de 1 000 véhicules que les enquêteurs ont réussi à tracer dans ce nouveau coup de filet, après celui des 5 000 en 2015. Mais le tribunal considère que seule une partie dépend de lui. Pour finir, ce sont seulement "247 véhicules qui ont été retenus, dont 107 considérés comme 'impropres à la circulation' après avoir été expertisés", nous explique le procureur en charge de cette affaire.
Qu'en est-il alors des autres victimes, qui dépendraient d'autres juridictions ? Ont-elles pu déposer plainte ? Difficile à dire… "Je constate simplement, qu'à part Senlis [où une affaire du même type a été jugée, et dans laquelle l'expert a écopé de 15 mois de prison avec sursis et 5 000 € d'amende, NDLR], aucune juridiction ne s'est à ma connaissance emparée du sujet", déplore le procureur d'Évry.
Même pour la première affaire, celle des 5 000 "épaves roulantes" d'il y a quatre ans, également ouverte à Évry, on ne sait guère où ça en est. Aucun procès en vue, rien ne filtre de l'information judiciaire ouverte en 2016, et les victimes qui ont déposé plainte à l'époque restent sans nouvelles.
Ces véhicules retapés en dehors du cadre légal représentent-ils un réel danger ? Encore faudrait-il une véritable analyse de la situation pour le savoir. Mais, à part des rappels ponctuels pour vérifier les véhicules concernés par ces enquêtes judiciaires, et qui montrent à chaque fois que 40 % d'entre eux sont en mauvais état, "le ministère de l'Intérieur ne paraît pas des plus préoccupés par le phénomène", nous souffle une source judiciaire. Pourtant, c'est bien un accident mortel, survenu en 2014, qui est à l'origine de toutes ces découvertes… Mais un cas apparemment jugé isolé par nos autorités.
Rappel du contexte
Cela fait plus d'un an et demi maintenant que les victimes attendent la tenue de cette audience au tribunal Correctionnel d'Évry. Il ne s'agit pas des mêmes protagonistes que pour la première affaire, celle dite des 5 000 en 2015, mais le principe reste le même : des véhicules gravement endommagés (VGE) ou économiquement irréparables (VEI), à la suite d'accidents, et donc déclarés épaves, n'ont pas fini à la casse. Ils ont été réparés, en l'occurrence surtout mal réparés, avec parfois des pièces volées, par des garagistes véreux. Puis, avec la complicité d'experts en automobile - en l'occurrence, il n'y en a qu'un seul dans cette affaire - qui leur ont signé des certificats de conformité de complaisance, les cartes grises ont pu être débloquées, ils ont donc pu remettre en circulation ces véhicules et les revendre.
Les victimes sont les derniers propriétaires de ces autos, dont plus de 40 % ont été déclarées "impropres à la circulation" après expertise. Autrement dit elles n'ont plus le droit de rouler, tant que les réparations nécessaires à leur remise en état n'ont pas été effectuées. Et encore… ça, c'est quand elles sont réparables !
Il s'agit souvent de petites voitures, des citadines françaises, Renault et Peugeot surtout, achetées entre 2 000 et 4 000 euros. Les victimes sont très souvent issues d'un milieu modeste, et ne bénéficient pas toujours de l'assistance d'un avocat, dont l'aide pourrait pourtant se révéler précieuse dans ce genre d'affaires très complexes.
Selon un fin connaisseur du dossier, sur les trois dernières années, entre 50 000 et 100 000 véhicules auraient suivi le même cursus que ceux-ci : déclarés dans un premier temps épaves, ils ont été remis en circulation de manière frauduleuse… Ce qui voudrait dire aussi que sur le tas, ce sont 40 % qui circulent aujourd'hui alors qu'ils ne le devraient pas !
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