Emmanuel Macron et les gilets jaunes: et maintenant?
Lundi soir, près de 23 millions de Français ont suivi l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron destinée à enrayer la crise des gilets jaunes. Les automobilistes y ont-ils trouvé leur compte ?
On a parfois tendance à l’oublier tant les revendications diverses se succèdent et s’amoncèlent, mais la crise des gilets jaunes est née d’un ras-le-bol face à la hausse des taxes sur les carburants, et a prospéré sur une rancœur née en janvier dernier de la mise en place des 80 km/h. Le nombre de radars vandalisés en France ces dernières semaines illustre parfaitement cette colère des automobilistes face à ces symboles du « racket fiscal » qu’ils dénoncent. Selon Europe 1, plus de la moitié des 4 500 radars automatiques que compte l’hexagone serait aujourd’hui hors-service, générant un énorme manque à gagner pour l’Etat. Dans le projet de loi de finances pour 2019, il était prévu que les recettes forfaitaires issues du contrôle automatisé augmentent de 12 % par rapport à celles prévues pour 2018, pour s’établir 1,04 milliard d'euros. On en sera loin.
Depuis le début de la crise, les pouvoirs publics ont pourtant lâché du lest sur de nombreux points, avec pour commencer l’abandon de la hausse des taxes sur le carburant en 2019, le report de la mise en place d’un contrôle technique plus sévère et l’augmentation des primes à la conversion. Mais cela n’a pas suffi à apaiser les esprits, comme en attestent les quatre premiers « actes » de mobilisation des gilets jaunes, tristement émaillés des échauffourées que l’on sait.
Hier soir, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas parlé « directement » aux automobilistes. Outre une hausse allant jusqu’à 100 € du traitement des salariés percevant le SMIC (actuellement à 1 184, 93 € nets), il a notamment été question d’heures sup défiscalisées, d’une prime de fin d’année (défiscalisée elle aussi) allant jusqu’à 1 000 € versée par les entreprises qui le peuvent à leurs salariés, et d'une baisse de la CSG pour les retraités qui gagnent moins de 2 000 €.
Ce virage social présidentiel permettra-t-il de dégager les ronds-points? On saura dans les heures qui viennent si ces mesures sont à même d’apaiser les esprits (il est hélas permis d’en douter), alors même qu’une partie de l’opposition, France insoumise en tête, appelle déjà à un "acte 5" samedi prochain.
Phénomène intéressant, les mesures annoncées par Emmanuel Macron viennent contredire les positions prises par certains des principaux ministres les jours et heures précédents : Bruno Le Maire (Economie et finances) se prononçait lundi matin contre la baisse de la CSG pour les retraités, tandis que Muriel Pénicaud (Travail) s’opposait à un coup de pouce au SMIC, lequel se traduirait selon elle par une destruction d’emplois. Dans le même temps, le premier ministre Edouard Philippe va répétant qu’il se refuse à augmenter les déficits publics, afin de ne pas « léguer une dette incontrôlable à nos enfants. »
Ce même Edouard Philippe qui a porté et défendu depuis le début la réduction de la vitesse à 80 km/h (qu’il a d’ailleurs lui-même bien du mal à respecter quand il roule en convoi), laquelle a été qualifié de « connerie » par Emmanuel Macron alors qu’il recevait des élus des Yvelines à l’Elysée la semaine dernière.
La sécurité routière et la lutte contre le réchauffement climatique sont des causes justes mais, mal menées, se révèlent explosives. On le constate tous les jours depuis un mois. Pourtant, d’un point de vue purement symbolique - et l’on sait quelle importance accorde Emmanuel Macron aux symboles - il aurait été intéressant de revenir sur cette mesure qui a marqué les débuts de la « rupture » entre l’hôte de l’Elysée et des Français nombreux à le juger déconnecté des réalités du terrain.
Selon un sondage Odoxa pour France Info et le Figaro ce mardi matin, 54% des Français estiment toutefois que l"Elysée a pris la mesure de la gravité de la situation, et 46% d'entre eux souhaitent maintenant que la contestation prenne fin. C'est 12% de plus que lors d'un sondage mené le 22 novembre dernier.
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