Grèves dans l’auto américaine : les politiques s’emballent et les marques étrangères se régalent
La grève entamée par les ouvriers de Detroit se poursuit depuis la mi-septembre. Les futurs candidats à la présidentielle s'en sont emparés et les marques dont les usines ne sont pas impactées profitent des déconvenues de GM Ford et Stellantis.
De mémoire d’Américain, on n'avait jamais vu ça. Un président des États-Unis debout sur un piquet de grève, casquette vissée sur la tête et mégaphone en main pour motiver les troupes. Même Franklin Delano Roosevelt, démocrate parmi les démocrates, n’avait pas osé. Mais Joe Biden y est allé de son speech, mardi, dans la banlieue de Detroit, en compagnie des grévistes de l’UAW qui ont étendu leur grève commencée le 14 septembre. « Wall Street n’a pas construit le pays, c’est vous » a entonné le président, sur un air de « mon ennemi c’est la finance » cher à François Hollande.
Évidemment, le déplacement présidentiel, à un an des élections, est une manière d’aller chercher ces électeurs des classes moyennes, dont une partie a délaissé le camp démocrate pour se réfugier dans les bras républicains de Donald Trump. Lequel s’est d’ailleurs dépêché, dès le lendemain, de suivre les pas de son peut-être futur rival. Sauf qu’il n’était pas le bienvenu. Shawn Fain, le patron de l’UAW (Union of automotive workers) l’a déclaré persona non grata dans les usines à l’arrêt.
Alors, l’ex qui veut briguer un nouveau mandat, s’en est allé visiter un équipementier non syndiqué en expliquant que l’UAW se trompe de revendications. Pour Trump, il ne sert à rien de réclamer des hausses de salaires. Et d' expliquer que « ce que vous allez obtenir ne fait pas la moindre différence parce que, dans deux ans, vous serez tous au chômage ». La faute à la voiture électrique, bien sûr, et à Joe Biden qui, à coups de subventions, accélère la transition.
Une aubaine pour les politiques et pour les marques étrangères
Cette grève est donc une aubaine que les deux camps ont saisie au bond, d’autant qu’elle est plutôt populaire dans l’opinion publique américaine. Mais c’est aussi une aubaine pour les autres marques ne dépendant pas des Big Three (Ford, General Motors et Stellantis). Car la situation de ces derniers est particulière. Pour intégrer, en qualité d’ouvrier, l’une des usines de ces groupes, il faut d’abord en passer par l’UAW. Sans adhésion, pas de job. Ce qui n’est pas du tout le cas des autres constructeurs implantés sur place.
Tesla a réussi, à coups de pression, à écarter le syndicat de ses usines, et elles tournent à plein. Il en va de même des unités allemandes de Mercedes et BMW, mais aussi de Kia et Volkswagen implantées dans le sud du pays, ou la main-d’œuvre est non seulement moins chère mais qui, pour le moment, ne revendique aucune hausse de salaire, et surtout pas les 40% sur quatre ans réclamés dans le Michigan pour reprendre le travail. Car un ouvrier UAW de Detroit, coûte 65 dollars de l’heure, alors que le même, dans une usine sans le monopole syndical, coûte entre 45 et 55 dollars, selon sa qualification.
Mais il n’y a pas qu’Elon Musk et ses homologues allemands ou coréens qui se frottent les mains. Toyota dispose de 11 usines aux US et au Canada et emploie 40 000 personnes. Aucune d’entre elles n’est aux mains de l’UAW et aucune d’entre elles n’est en grève. Le Japonais est aujourd’hui le deuxième vendeur de voitures aux États-Unis, se payant même le luxe de doubler Ford et son best-seller le pick-up F150 sur son propre sol. Autant dire que les retards de livraisons de certains modèles, et les augmentations de salaires que les trois grands de Detroit vont finir par lâcher, font bien l’affaire du Japonais qui pourrait voir ses parts de marché grimper encore.
Car tôt ou tard, les constructeurs de Detroit vont céder aux injonctions de l’UAW, ce que Joe Biden leur demande d’ailleurs. Et le président a un argument massue : les énormes subventions et avantages fiscaux qu’il leur verse à l’issue d’un accord que les trois groupes américains ont signé récemment. Accords que le syndicat connaît sur le bout des doigts et qu'il compte bien apporter à la table des négociations avec le regard bienveillant de Washington.
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