Hydrogène, hythane, bioéthanol : trois « e-carburants » pour réussir la transition écologique
Depuis la Cop21 fin 2018, constructeurs et États misent sur l’électromobilité à batteries lorsqu’il est question de courtes mobilités urbaines. Pourtant une réalité émerge : aucune transition énergétique ne pourra être complète sans l’aide des « e-carburants », nom donné aux carburants capables de stocker d’importantes quantités d’énergie dans leurs liaisons chimiques.
Ces dernières années, l’attrait pour les batteries électriques à haute densité ne cesse de croître au point d’amorcer déjà des déséquilibres économiques et environnementaux autour de leurs composants précieux. Dès lors, est-il réaliste ou même sage de penser qu’une seule et unique technologie de stockage d’énergie sera accessible demain à l’humanité tout entière ? Probablement pas.
L’Hydrogène, l’hythane et le bioéthanol sont les trois autres vecteurs d’énergie qui permettront de réussir notre transition écologique grâce à leur faculté de transporter de grandes quantités d’énergie électrique dans leurs liaisons moléculaires : on les nomme « e-carburants ».
L’hydrogène, l’e-carburant propre puisé dans l’eau
Utiliser l’hydrogène (H2) comme carburant pour le transport présente beaucoup d’avantages, à tel point qu’il paraît difficile d’imaginer un scénario de transition énergétique sans ce combustible.
D’autant que l’H2 « vert » ou « bas carbone » est productible partout et de différentes manières :
- Électrolyse de l’eau (rendement 90 %) à haute température (ou électrolyse du CO2 puis catalyse de l’acide formique) couplée à une centrale électrique solaire ou nucléaire
- Catalyse du bioéthanol
- Vaporeformage du biométhane
- Gazéification de biomasse
- Synthèse biologique par micro-organismes
- Décomposition thermochimique ou photoélectrolytique de l’eau.
Avantages
- Une densité massique d’énergie exceptionnelle, 1 kg d’H2 représente la même quantité d’énergie que 4 litres d’essence, 180 kg de batteries li-ion ou encore 300 kg de batteries NiMH.
- Sa production par électrolyse et sa combustion émettent de l’oxygène et de l’eau pure sans aucune émission polluante.
- C’est un vecteur d’énergie idéal qui permet un stockage électrique totalement réversible par électrolyse ou pile à combustible.
- Le comportement, l’autonomie et la durée d’un passage à la « pompe » d’un véhicule électrique H2 sont similaires à ceux d’un véhicule diesel.
- Une grande partie du réseau de distribution de gaz naturel (CH4) peut être réutilisée pour l’H2.
Inconvénients
- L’H2 est très présent sur Terre mais il faut l’extraire et le purifier, or sa production provient encore principalement du méthane (CH4) fossile.
- Sa faible densité volumique impose de le liquéfier avant son stockage, ce qui est énergivore et incompatible avec les stations essence classiques.
- Sa production « verte » par électrolyse solaire ou nucléaire reste plus coûteuse (3,50 €/kg) que celle « grise » par vaporeformage (1,50 €/kg).
- Ses risques d’inflammabilité sont maîtrisés mais nécessitent des dispositifs de sécurité.
L’avis Caradisiac
La conversion électrique des poids-lourds du monde entier démocratise les piles à combustible H2. Et si l’on suit les analystes qui envisagent une surcapacité de la production électrique mondiale à partir de 2040, il devient alors raisonnable d’estimer le coût en électricité pour 100 km d’une Toyota Mirai à seulement 0,75 € (hors taxes). L’utilisation de l’H2 va donc croître fortement tant ce combustible puisé dans l’eau possède tous les atouts pour devenir le plus « territorial » et le plus écologique des vecteurs d’énergie. La France sera-t-elle prête à temps ?
La note verte Caradisiac : 8/10
L’H2 vert peut être produit partout à partir d’un simple point d’eau, puis consommé localement en n’ayant émis que de l’oxygène et de la vapeur d’eau. Cet e-carburant transporte ainsi « proprement » dans ses liaisons chimiques des quantités records d’énergie électrique d’origine renouvelable.
L’hythane, le plus écologique des e-carburants pour moteur thermique
La dénomination Gaz Naturel pour Véhicule (GNV, CNG, LNG) regroupe actuellement aussi bien du méthane (CH4) fossile que provenant de sources renouvelables. Or, cette source d’énergie primaire est très disponible et abordable (0,50 €/kg hors taxe carbone). Concrètement, les véhicules GNV sont vendus au même prix que ceux au diesel mais se révèlent à l’usage 30 % moins coûteux, tout en émettant très peu de carbone et presque aucune particule.
Mais c’est en mélange « hythane » (20 % d’H2, 80 % CH4) que ce carburant devient une alternative astucieuse qui diminue instantanément toutes les émissions polluantes du transport thermique de 80 % tout en déployant simultanément des infrastructures compatibles avec la pile à combustible H2.
Avantages
- Aucun moteur à combustion n’est plus écologique que ceux à hythane.
- La conversion de tous les véhicules thermiques (poids-lourds, utilitaires et flottes professionnelles captives en priorité) est techniquement possible.
- La production renouvelable par méthanisation (biomasse agricole, déchets, eaux usées, etc.) recycle les émanations actuelles de CH4 à l’atmosphère pour en faire du combustible, ce qui réduit l’effet de serre.
- L’hythane est très peu carboné, les émissions polluantes globales de sa filière sont bien moindres que celles des hydrocarbures pétroliers.
- On peut produire du CH4 avec du CO2 séquestré (procédé de méthanation).
- Les moteurs thermiques convertis à l’hythane deviennent 50 % plus silencieux.
Inconvénients
- En comparaison de l’équivalent diesel, l’encombrement d’un stockage de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) à -160 °C est 2 fois supérieur, tandis que celui du Gaz Naturel Comprimé (GNC) à 200b l’est 5 fois.
- L’enrichissement du CH4 impose ensuite de consommer, compenser ou séquestrer les impuretés de CO2 qu’il contenait.
- Ses infrastructures de distribution sont complexes.
L’avis Caradisiac
L’utilisation transitoire d’ici 2030 du mélange hythane par le parc actuel de véhicules thermiques accélère la « Stratégie Nationale bas carbone ». Tandis que sur plus long terme, son déploiement est favorable aux ventes de véhicules électriques à pile à combustible H2.
La note verte Caradisiac : 6/10
Écologiquement, la couleur du CH4 est encore le « vert-de-gris », mais l’hythane permet toutefois de « verdir » immédiatement le transport thermique (terrestre et maritime) en faisant disparaître dès 2022 la quasi-totalité de ses émissions polluantes.
Du bioéthanol à partir de déchets ou d’algues
Contrairement aux carburants historiques issus du raffinage de coupes pétrolières, les biocarburants de 1re génération étaient conçus à partir de matières organiques renouvelables : betteraves, maïs, colza, tournesol, céréales, canne à sucre, blé, pommes de terre, graisses, etc. Leur rôle premier était de rompre avec notre dépendance au pétrole (et leurs conséquences géopolitiques) mais ils présentaient l’inconvénient social et écologique de fragiliser la filière agroalimentaire.
Le bioéthanol de 2e génération met un terme à cette concurrence pernicieuse entre mobilité et alimentation en utilisant des déchets agricoles et forestiers, ainsi que des cultures « lignocellulosiques » dédiées. Il est produit sous l’action de levures par fermentation de sucres végétaux non comestibles, tandis que les émissions en CO2 de la filière sont compensées par la captation des végétaux cultivés.
La 3e génération sera encore plus vertueuse en cultivant sur de modestes surfaces étagées jusqu’à 1 million de micro-organismes « hors-sol » différents (bactéries, algues, champignons, etc.). Ces biocarburants « avancés » peuvent être produits de 3 manières différentes : par sécrétion directe, par conversion de la biomasse algale entière ou seulement d’extraits.
Au volant, aucun changement perceptible pour le conducteur en dehors d’une consommation plus importante (jusqu’à +20 %) dans le cas du bioéthanol. Mais à 60 centimes le litre (E85) actuellement, l’automobiliste fait néanmoins de substantielles économies (-30 %) sur son budget carburant, tout en développant une filière européenne renouvelable nettement moins polluante que le raffinage du pétrole brut.
Avantages
- Le bioéthanol est compatible avec les véhicules thermiques ET les véhicules électriques à pile à combustible.
- Ces biocarburants peuvent utiliser l’actuel réseau de stations-service.
- L’impact environnemental est en diminution, voire minime dans le cas de la 3e génération qui ne sollicitera plus les surfaces agricoles.
- Une filière industrielle française émerge avec notamment les procédés « futurol », « bioTfuel » et « vegan ».
Inconvénients
- La 1re génération (en voie de disparition) n’est pas une solution reproductible à l’échelle mondiale.
- La 2e génération sollicite encore des surfaces agricoles.
- La 3e génération (préindustrielle) manque toujours de compétitivité, ce qui va renforcer le développement d’OGM aux performances boostées, sans connaître leur empreinte écologique.
L’avis Caradisiac
Les biocarburants avancés suscitent beaucoup d’espoir, particulièrement pour le secteur aérien. Ils renforcent notre indépendance énergétique dans le cadre de la « Programmation Pluriannuelle de l’Énergie à l’horizon 2028 » en fournissant l’énergie nécessaire aux mobilités (aviation civile et Défense ?) qui ne pourraient utiliser demain des piles à H2 ou des batteries. Côté conducteurs, le bioéthanol est une solution confortable qui garantit une transition économique facile entre leur véhicule thermique actuel et leur prochain véhicule électrique à pile à combustible.
La note verte Caradisiac : 5/10
Le bioéthanol est en mesure de fournir une énergie renouvelable « bas carbone » au transport routier thermique et électrique. Mais « en sortie d’échappement », tous ces hydrocarbures biosourcés restent néanmoins carbonés à des niveaux comparables à ceux qu’ils remplacent : leur bénéfice écologique est donc réel mais induit par leur filière globale.
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