Inégalité hommes/femmes : quand les constructeurs affichent un féminisme de façade
Aujourd’hui, à 16h34, les femmes entendent protester contre leurs écarts de salaires avec les hommes. Une protestation toute symbolique dans un monde ou les inégalités perdurent, notamment dans l'automobile. Même si certains constructeurs sponsorisent des colloques féministes quand d’autres nomment des femmes à leur tête. Un engagement qui ressemble parfois à un écran de fumée destiné à attirer les clientes. Un féminisme de forme plutôt que de fond.
Pas plus tard que tout de suite, toutes les femmes sont appelées à cesser le travail. Car c’est ce lundi, à 16h34 pétantes, que se déroule l’opération lancée par les activistes de la newsletter Les Glorieuses. L’idée ? C’est un calcul. Les femmes gagnant, en moyenne, 15,1 % de moins que les hommes, selon la Commission européenne (alors que selon l’Insee, le taux grimpe à 19 % en France), les organisatrices estiment qu’à partir du 7 novembre, à 16 h 34 et 7 secondes, elles travaillent bénévolement. D’où l’appel des organisatrices demandant à toutes les filles de quitter leur boulot à cette heure-là.
78 % des salariés de l’auto sont des hommes
Évidemment, les 13,3 millions de femmes actives du pays ne vont pas se mettre en grève totale, ni même partielle. L’opération est avant tout destinée à sensibiliser l’opinion et les patrons sur cette inégalité particulière et sur toutes celles dont les femmes sont victimes au boulot, de l’impossibilité qu’elles rencontrent pour accéder à des postes à responsabilité, à l’impossibilité tout court qu’elles rencontrent pour accéder à certains métiers ou branches. Une spécialité du secteur automobile, avec son taux de testostérone de 78 %, selon le récent rapport Jouanno.
Un pro de l’auto sur cinq seulement est une pro. C’est peu. D’autant que les postes occupés par les dames le sont majoritairement dans le domaine administratif, dans la com' ou les ressources humaines. Certes, les constructeurs n’hésitent pas à mettre en avant les quelques dames dirigeantes, comme Linda Jackson, directrice générale de Citroën, ou Mary Barra, PDG de General Motors. Cette dernière dirige l’un des plus importants constructeurs mondiaux et elle-même a été confrontée à la discrimination, puisque lors de son arrivée à ce poste, en 2013, son salaire prévisionnel était non pas de 15 % inférieur à celui de son prédécesseur mais carrément de 50 %. Scandale Outre-Atlantique, volte-face des actionnaires et voilà la pédégère augmentée d’un seul coup d’un seul, avec un salaire supérieur de 60 % à celui que touchait le boss d’avant.
Le quota de 40 % de femmes au conseil d’administration ?
Renault traîne la jambe
Apparemment, l’égalité hommes/femmes est une notion un poil abstraite aux USA. En France aussi, où l’on semble avoir un peu de mal à céder sa place aux dames au sommet de l’automobile. Ainsi, au 1er janvier prochain, les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse doivent appliquer un quota de 40 % de femmes dans leur conseil d’administration. Logiquement, l’État actionnaire et promulgateur de cette loi devrait donner l’exemple mais pas vraiment. Il est particulièrement bien représenté au Conseil d’administration de Renault, avec 17,9 % des parts et pourtant, le quota de représentantes n’était toujours pas atteint au mois d’octobre. « On y travaille », expliquait son PDG Carlos Ghosn lors du Mondial de l’automobile.
Sûr qu’il sera prêt au 1er janvier prochain, histoire d’éviter les gros tracas que les textes prévoient, comme la suspension des rémunérations des membres du conseil en cas de non-respect de la loi. Mais cette précipitation de dernière minute témoigne d’une certaine nonchalance en la matière. Une attitude d’autant plus curieuse que Renault se veut très féministe, sponsorisant le women’s forum de Deauville, cet énorme happening de femmes décideuses et décidées à faire avancer leur cause. Carlos Ghosn se targue également de disposer du comité directeur (l’étage en dessous du conseil d’administration) le plus féminisé de l’automobile.
Le féminisme washing ? La version égalitaire du green washing
Et si les marques automobiles (et le Losange n’est pas le pire en la matière) n’affichaient qu’un féminisme de façade ? Un féminisme washing à l’image du green washing en vogue qui transforme, souvent à peu de frais, toute entreprise en écolo de service, histoire d’afficher une verdure bonne à attirer vers elle des consommateurs qui réclament du respect de l’environnement.
C’est que même les plus machos des dirigeants du secteur ne sauraient négliger leurs clientes. Selon Elizabeth Young, qui se bat depuis plus de huit ans pour promouvoir les femmes dans l’automobile à la tête de l’association Wave (Women And Vehicles in Europe), « 60 % d’entre elles décident seules de l’achat de la deuxième voiture du foyer, et participeraient pour 82 % des cas au choix de la première ». Alors, tous ont intérêt à les soigner, qu’elles soient consommatrices, ou collaboratrices. Il y a même fort à parier qu’en ce lundi, à 16h34, tous ces décideurs leur permettront de faire une petite pause, pour boire un café, et papoter avec leurs collègues. Un petit geste de rien, mais on ne néglige pas une action qui peut avoir un double effet : se donner une image féministe pour ses clientes comme pour ses collaboratrices.
Finalement, l’opération 16h34 est une très bonne chose. Reste à savoir pour qui.
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