Jusqu'à 2 000 € de prime à la casse en 2018 pour acheter une occasion : aubaine ou poudre aux yeux ?
Le dispositif actuel de "prime à la conversion" (prime à la casse), peine à se faire connaître et à être efficace pour renouveler la frange la plus vieille et polluante de notre parc automobile. En améliorant le dispositif et en l'ouvrant à l'achat des véhicules d'occasion, le gouvernement espère, pour 2018, qu'il fonctionne enfin. Mais est-ce de la poudre aux yeux, ou une aubaine qu'il faudra saisir ?
On a tendance à l'oublier, mais la "prime à la casse", une aide financière pour l'achat d'un véhicule neuf lorsque l'on met au rebut son ancien, est toujours vivante. Mais elle est peu connue. Baptisée d'abord "super bonus" lors de la mise en place du système de bonus/malus, elle porte le nom de "prime à la conversion" depuis le 1er avril 2015. Mais, loin du succès des "jupettes" et "balladurettes" de l'époque (1996 et 1994), largement médiatisées, elle peine à encourager le renouvellement du parc...
En deux ans, elle n'a été sollicitée qu'environ 19 000 fois, selon les chiffres de l'administration. Et pour l'essentiel, elle s'accompagnait de l'achat d'un véhicule électrique. Tout simplement parce que dans ce cas-là, elle s'élevait à 4 000 € tout de même.
Faisons d'ailleurs un point sous forme de rappel historique de la prime à la conversion.
À son lancement, en 2015, l'aide se monte à 3 700 € pour l'achat d'un véhicule électrique neuf, 2 500 € pour celui d'un véhicule hybride rechargeable, en échange de la mise au rebut d'une voiture diesel immatriculé avant le 1er janvier 2001, possédée depuis au moins un an. Par ailleurs, les ménages non imposables pouvaient bénéficier d'une prime de 500 € en cas de mise à la casse de leur vieux diesel, accompagné de l'achat d'une voiture neuve ou d'occasion répondant aux normes de pollution Euro6 et émettant moins de 110 g de CO2 par km.
Le 3 janvier 2016, quelques modifications ont lieu : deviennent éligibles à la prime les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2006, et la prime pour les ménages non imposables double, passant à 1 000 €.
Le 1er janvier 2017, l'aide passe à 4 000 € pour l'achat d'un véhicule électrique, reste à 2 500 € pour un hybride rechargeable. Et pour les ménages non imposables, la prime reste à 1 000 € pour l'achat d'un véhicule Euro6 émettant moins de 110 g de CO2 par km, mais apparaît une prime de 500 € si le véhicule acheté est aux normes Euro5 et émet moins de 110 g de CO2.
2018, le grand chambardement
Au premier janvier 2018 aura lieu un grand ménage dans la prime à la conversion. Elle est étendue et améliorée, sauf pour le cas des véhicules électriques et hybrides rechargeables.
En effet, quasiment tous les critères évoluent. Les véhicules éligibles sont les diesels d'avant 2001 (avant 2006 pour les ménages non imposables) ET (c'est une grosse nouveauté) les essence d'avant 1997. Cela dit ces derniers véhicules ne représentent qu'une faible part du parc roulant.
La prime pour l'achat d'un véhicule électrique passe de 4 000 € à 2 500 €.
La prime pour l'achat d'un hybride rechargeable passe de 2 500 € à 1 000 €.
Pour l'achat d'un véhicule électrique d'occasion, la prime passe de 1 000 € pour les ménages non imposables à 1 000 € sans conditions de ressources et 2 000 € pour les ménages non imposables.
Pour l'achat d'un véhicule thermique, neuf ou d'occasion, la prime n'est plus adossée au respect des normes Euro5 ou Euro6, mais se base sur les nouvelles vignettes Crit'air. Ainsi elle passe à 1 000 €, sans conditions de revenus, si le véhicule acheté peut bénéficier de la vignette Crit'air 1 ou 2, et émet moins de 130 g de CO2 par km. Ainsi cela concerne des achats de diesel à partir du 1er janvier 2011, ou d'essence à partir du premier janvier 2006. Et les ménages non imposables bénéficient d'une surprime de 1 000 €, soit 2 000 € au total.
Bon à savoir, des occasions plus anciennes que 2006 en essence, ou 2011 en diesel, peuvent se trouver en vignette Crit'air 2, car elles devançaient les normes. Il est donc conseillé de se renseigner.
Comment toucher la prime à la conversion ?
Que ce soit actuellement ou à partir de janvier 2018 et le nouveau dispositif, les démarches sont les mêmes. Soit, dans le cas d'un achat à professionnel, il fait les démarches pour vous et déduit le montant de l'aide du prix du véhicule. Soit c'est à vous de faire les démarches (achat à un particulier ou à un professionnel qui n'avance pas l'aide).
Il faut adresser un dossier à l'ASP (Agence des services et paiements). Il doit comporter un exemplaire du formulaire de demande de prime à la conversion (cerfa 13621*15), un justificatif d'identité, un justificatif de domicile, un RIB, une copie de la facture du véhicule acheté (ou du contrat de location), une copie de la carte grise de celui-ci. Mais aussi, une copie de la carte grise du véhicule cédé pour destruction, qui mentionne "vendu (ou cédé) pour destruction le... (date), une copie du certificat de destruction fourni par démolisseur agréé, une attestation d'assurance prouvant que le véhicule détruit était assuré jusqu'au jour de sa destruction, un certificat de non-gage de moins d'un mois, et une copie de l'avis d'impôt sur le revenu de l'année précédent l'acquisition.
Du coup, si vous avez bien suivi, il est possible de bénéficier d'une prime jusqu'à 2 000 €, pour l'achat d'une occasion qui a déjà presque 10 ans, si on benne une auto encore plus âgée.
Et des autos de 10 ans à petit budget, il en existe ! Même l'administration le sait, au point de donner des exemples qu'elle veut parlant.
Pour commencer, elle cite le cas de la destruction d'une Renault Clio 1 de 1991, pour l'achat d'une Renault Clio 3 essence de 2006 (125g de CO2), Euro4 donc vignette Crit'air 2, que l'on pourrait selon elle acquérir pour 3 500 €. La prime maxi pour un ménage non imposable de 2 000 € couvrirait donc 57 % de l'achat, et il resterait 1 500 € à débourser seulement. Pour une Clio 3 de 2006 ? Une aubaine !
Deuxième exemple avec la mise à la casse d'une Citroën C3 diesel de 2005, et l'achat d'une Peugeot 207 diesel de 2013 (110 g de CO2). On pourrait en dénicher à 4 500 € selon les services de l'État. Du coup la prime de 2 000 € couvrirait 44 % de l'achat et il resterait un reste à payer de 2 500 €. Pour une 207 diesel de 2013 ? Une aubaine encore une fois !
Le projet de loi de finances jette de la poudre aux yeux
Malheureusement pour l'administration, leurs exemples ci-dessus sont pour le moins optimistes, pour ne pas dire foireux.
Déjà elle oublie de dire que pour les ménages imposables, qui représentent tout de même la moitié des ménages français, la prime n'est que de 1 000 €. Et que le reste à payer est plus élevé d'autant. Les pourcentages cités sont donc bien moins élevés pour eux.
Mais surtout, deux gros soucis :
1/ Les évaluations proposées pour les exemples sont à côté de la plaque. Par exemple, concernant la Peugeot 207 diesel de 2013 à 4 500 €, l'estimation est plus qu'optimiste ! Dans les annonces, pour un kilométrage standard, les prix affichés pour une telle 207 tournent autour de 6 500 €/7 000 €... Dans ce cas-là, la prime représente au mieux 31 % du prix, pour les ménages non imposables, et 15,5 % pour les autres. On est loin des 44 % promis en exemple.
2/ Pire, les exemples sont fantômes. Car une Clio 3 essence à moins de 130 g de CO2 en 2006, on vous met au défi d'en trouver une. Sachant que le modèle 1.2 16v 75 ch, celui qui émet le moins de CO2 du lot, est à 137 g, et que le 1.2 TCE 100 ch, premier moteur essence à passer sous les 130 g sur la Clio, n'est pas vendu en 2006, et au début de commercialisation en 2007 plus de 130 g. Il ne passe sous les 130 g qu'à partir de 2010. En gros, leur exemple parle d'une voiture qui n'existe pas ! Vous avez dit pas sérieux ?
Cependant, au-delà des illustrations introuvables de l'administration, il existe des cas bien réels de voitures d'occasion, pour lesquelles la prime à la conversion sera en effet appréciable.
Par exemple, lors de nos recherches de véhicules essence de 2006 ou plus récent, émettant moins de 130 g de CO2 par kilomètres et autour de 3 500 € de budget, nous sommes tombés sur quelques autos bonnes pour le service.
Quelques aubaines à saisir toutefois
Elles sont rares, évidemment, mais bien réelles.
Une des représentantes de la triplette PSA/Toyota, donc une Citroën C1, une Peugeot 107 ou une Toyota Aygo, de 2006, en 3 cylindres 1.0 de 68 ch, rejetant de 106 à 114 g de CO2 par km, sera éligible. Pour le budget, comptez toutefois des modèles de plus de 100 000 km, rarement moins et parfois même 140 000 km.
Autre exemple, une Toyota Yaris 2 dotée du 1.0 65 VVT-i, qui rejette 127 g par km, se trouve aussi, avec un kilométrage moyen de 120 000 km. Ou bien encore une Kia Picanto de première génération, en 1.0 61 ch ou 1.1 de 65 ch, qui rejette 123 ou 124 g par km. Là encore, éligible. Une Suzuki Alto 1.0 est également sélectionnable.
Plus intéressant, car plus répandu, une Renault Twingo 2 1.2 60 ch (130 g) ou 1.2 16v 75 ch LEV (low emission vehicule), de 2006 à 2010, avec ses 114 à 119 g émis par kilomètres, se trouve aussi pour environ 3 500 €. Elle aura en moyenne tout de même 130 000 km.
D'autres véhicules encore plus exotiques comme une première génération de Hyundai i10, en 1.2 77 ch, une Nissan Pixo 1.0 68 ch ou une Chevrolet Matiz 0.8 l 51 ch, se trouvent aussi, et sont éligibles. Mais pas forcément à conseiller...
Pour ce budget, évidemment, impossible de trouver des diesels de 2011. À quelques exceptions près, ce sont toutes des voitures de société 2 places qui sont vendues, et avec des kilométrages élevés. Mais une Dacia Logan 1.5 dci 90 peut miraculeusement se trouver. Elle aura plus de 160 000 km cependant.
Si l'on hausse le budget, comme dans l'exemple du gouvernement, à 4 500 €, on a un choix plus large, mais qui reste tout de même de l'ordre de la rareté. Encore énormément de modèles "société". Mais une Twingo 2 1.5 dCi 75, une Clio 2 Campus 1.5 dCi 70, Une Peugeot 207 ou 206+ 1.4 HDI 70 une Dacia Logan ou Sandero 1.5 dCi 75 ou 90 peuvent se trouver. Il n'y en a que quelques-unes, qui se comptent sur les doigts de la main. Mais elles sont toutes bien sûr à moins de 130 g de CO2 émis par km, et les kilométrages, certes importants (en moyenne 130 000 km) sont encore soutenables.
Plus rarement, on tombera sur une Volkswagen Polo 1.2 TDI ou une Seat Ibiza 1.6 TDI 90.
Des voitures plus grandes, des compactes, apparaîtront aussi épisodiquement dans les listings. Peugeot 308, Ford Focus, Citroën C4 Picasso, mais ils auront alors systématiquement plus de 200 000 km au compteur. Avec des frais à venir forcément plus élevés.
Pour ces exemples, la prime à la conversion est une aubaine. En effet, avoir un reste à verser de 2 500 € pour un diesel d'après 2011, c'est exceptionnel, et cela devrait d'ailleurs booster le marché de tous ces modèles, éligibles à la prime.
Il y en a bien d'autres, évidemment. Tous les diesels d'après 2011, toutes les essence d'après 2006, nous l'avons vu, mais lorsque les budgets d'achat augmentent, la prime ne fait que représenter de moins en moins en pourcentage du prix d'achat. Cela dit, voir le prix de son occasion à 10 000 € passer à 8 000 € pour les ménages non imposables, ou 9 000 € pour les autres, c'est déjà une aide non négligeable. Qui cracherait en effet sur 20 % de rabais, ou même 10 % ? Encore faut-il, nous le rappelons, avoir une voiture essence d'avant 1997 à mettre au pilori, ou un diesel d'avant 2001 (ou 2006 pour les ménages non imposables). Cela représente en réalité une faible part des acheteurs.
Mettre à la casse, ou revendre par soi-même ?
Cette prime à la conversion pose aussi un autre problème. Celui de la valeur résiduelle des modèles qu'il faut céder pour destruction, en échange de la prime.
En effet, si un modèle essence d'avant 1997 aura dans beaucoup de cas une valeur moindre que les 1 000 € offerts par l'État, et a fortiori moindre que les 2 000 €offerts aux ménages non imposables, ce ne sera pas le cas des diesels d'avant 2001, ou 2006. Ces derniers, plus récents, moins kilométrés, se revendent en effet encore bien, surtout ceux entre 2001 et 2006. Une Renault Clio dCi de 2003 par exemple, se vend encore au bas mot 2 500 € à 4 500 €, selon le kilométrage (raisonnable, les modèles de plus de 200 000 km sont moins chers). Et pour une compacte type Peugeot 308 ou Volkswagen Golf, c'est encore plus cher, sans surprise.
Dans ce cas, céder pour destruction sa vieille essence reste une bonne solution, pour s'éviter les tracasseries d'une vente, et toucher la prime. Mais dans le cas d'un diesel, c'est financièrement plus rentable de vendre par soi-même, et de racheter ensuite un nouveau véhicule, sans toucher la prime.
Avec ce nouveau dispositif, qui rentrera donc en vigueur le 1er janvier 2018, l'État compte encourager 100 000 personnes par an à mettre à la casse leur vieille voiture, pour la remplacer par une moins polluante. Un chiffre qui nous semble difficilement atteignable, même théoriquement. En effet, pour l'exemple, et bien que ce ne soit pas scientifique pour un sou, les modèles essence d'avant 1997 représentent 0,7 % des annonces sur le site de la Centrale. Et les diesels d'avant 2001 0,4 %. Si l'on intègre les diesels d'avant 2006 (qui ne concernent que les ménages non imposables pour l'obtention de la prime), on arrive à un total essence plus diesel de 3,3 % du total des annonces, soit environ 10 000 véhicules. Un constat à nuancer (en mieux) en intégrant les résultats du bon coin, traditionnellement plus fourni en véhicules âgés. Si l'on y additionne les essence d'avant 97, et les diesels d'avant 2006, on arrive à 197 000 annonces soit environ 23 % du total.
Cela ferait donc, sachant que ces deux sites regroupent la quasi totalité des petites annonces du marché 207 000 voitures éligibles. Il faudrait donc qu'une personne sur 2 fasse la démarche d'obtention pour que les chiffres de l'administration soient atteints. Pas gagné, si l'on tient compte des véhicules qui seront revendus et non envoyés à la casse, qui sont possédés depuis moins d'un an donc non éligibles, et des personnes qui ne feront de toute façon pas la démarche...
Mais de toute façon, seul un bilan fin 2018 pourra nous dire si oui ou non, de nombreux Français ont bénéficié de cette prime.
BILAN : TOUJOURS BON A PRENDRE
Les exemples fournis par l'administration pour dire combien cette prime est une aubaine sont pour le moins tirés par les cheveux, limite "foutage de tronche". C'est un fait. Personne ne pourra voir plus de 50 % du coût de son occasion être couvert par la prime, sauf exception.
Cela dit, pour les ménages non imposables, les conditions d'obtention, les véhicules éligibles, font que dans certains cas c'est tout de même un énorme coup de pouce qui peut venir de l'Etat providence. En effet, 2 000 € de rabais, même si les démarches pour l'obtenir sont conséquentes, ce n'est pas rien sur une occasion à 4 000 € ou 5 000 €.
Donc non, cette nouvelle prime à la conversion, crû 2018, n'est pas "que" de la poudre aux yeux, c'est aussi une aubaine, dans certains cas.
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