La beauté des laides - Pontiac Aztec : l'auto révolutionnaire qui fait mal aux yeux
Les automobilistes européens n'ont pas l'exclusivité des voitures moches. En témoigne ce SUV jamais vendu sur le Vieux Continent et qui, en 1999, avait prévu avant tout le monde que l'automobile se transformerait en couteau suisse, en mêlant le break, le 4x4 et dans son cas, le camping-car avec une capacité de chargement d'utilitaire. Mais son physique compliqué a eu raison de lui.
L'industrie automobile a toujours été friande de classements, de trophées et de récompenses en tout genre. Dans ce domaine, le Pontiac Aztec a raflé tous les prix, mais pas exactement les plus convoités. L'hebdomadaire américain Time, en 2007, le range dans ses 50 pires inventions au monde. Un an plus tard, le quotidien anglais Daily Telegraph le place en tête des 100 autos les plus laides de la planète. L'Allemand Der Spiegel entend bien ne pas être en reste sur ses confrères et range l'engin dans les 10 autos les plus moches de tous les temps. Carrément. Fair-play, ces médias ont attendu la fin de la commercialisation de l'auto pour lui décerner ses trophées, puisque l'Aztec s'est éteint en 2005, après une carrière pour le moins difficile.
Pourtant, il était bien parti cet Aztec. Surtout, il est né d'une excellente idée. En cette fin des années 90, General Motors, le groupe qui détient la marque Pontac, en cherche, justement, des idées. Ses monospaces, tels que le Trans Sport, commencent à s'essouffler, victimes d'une curieuse mode venue d'Asie : les SUV. Il faut réagir. Tom Peters, le patron du design, se colle à la tâche avec les moyens du bord : une plateforme de monospace déjà existante, donc plus économique. Ce n'est pas celle du Trans Sport qui est choisie, mais celle d'un autre modèle, le Montana, plus apte à recevoir un système à quatre roues motrices. Il décide de créer une auto au look décalé et plutôt destinée aux loisirs. Un véritable crossover mêlant tous les genres, du break au pick-up en passant par le 4x4 et l'utilitaire. Ravie de l'initiative, la direction valide le projet.
Le SUV mexicain de Detroit
En 1999, l'engin est prêt, avec sa ligne heurtée, ses plastiques noirs envahissants et sa calandre très Pontiac mais totalement inadaptée au dessin général. Malgré son physique difficile, l'auto est plutôt bien accueillie lorsqu'elle parait, sous forme de concept-car, au salon de New-York. Pourquoi ce curieux nom d'Aztec ? On peut y voir un hommage aux pyramides très anguleuses de cette civilisation disparue ou, plus pragmatiquement, à l'usine mexicaine de Ramos Arizpe ou il est assemblé. Car la curieuse voiture passe du prototype à la série dès l'an 2000.
Mais l'Aztec n'est pas une simple voiture et en devient plus difficile à vendre qu'une banale berline. C'est à la fois une familiale confortable dont la malle est vaste comme celle d'un pick-up, et un baroudeur qui dispose, en plus de ses quatre roues motrices, d'une tente en option pour transformer l'arrière en une espèce de camping-car minimaliste. Ce SUV aux multiples possibilités est animé par un V6 de 185 ch. Vu l'engouement des visiteurs admirant le concept lors de sa présentation au salon de New-York, Pontiac est confiant. Une confiance qui n'empêche pas la prudence. Le seuil de rentabilité est plutôt bas, et il suffit d'en vendre 30 000 chaque année pour gagner de l'argent.
La voiture de Koh Lanta
Pour bien ancrer l'engin dans la tête du public, et lui forger une bonne image de baroudeur, GM n'hésite pas à sponsoriser la première saison du Koh Lanta américain, tournée en 2000 lors du lancement et diffusée l'année suivante. Les deux finalistes gagneront chacun un Aztec et la voiture sera exposée devant les millions de téléspectateurs qui plébiscitent l'émission. Mais les vainqueurs ne plébiscitent pas vraiment la voiture. L'un d’eux revendra d'ailleurs la sienne sur Ebay une semaine après en avoir reçu les clés. Et les médias se dépêcheront de diffuser la petite annonce : la curée et les moqueries commencent. Elles ne cesseront jamais au point que l'Aztec devient en quelques années la Renault 14 américaine : l'auto dont il est de bon ton de se moquer.
Il faut dire que le SUV de General Motors prête le flanc aux quolibets. Son moteur s'avère glouton et même si ce n'est pas la première préoccupation aux États-Unis, un bloc de 3,8 l pour 185 ch assorti d'une bonne vieille boîte auto à 4 malheureux rapports n'est pas vraiment une performance d'efficience en ce début de XXIe siècle. Et puis, il y a son prix : près de 33 000 dollars, soit un tarif haut de gamme pour une voiture qui ne l'est pas du tout et qui connaît une fiabilité très relative. L'addition de toutes ces anomalies s'ajoute à un design loin d'être consensuel et au final le vilain petit canard est un échec.
Un restylage pour enrayer le flop
Même les objectifs, pourtant modestes, de la firme de Detroit ne sont pas atteints. Au lieu des 30 000 ventes espérées, seuls 11 000 modèles trouvent preneur la première année. Pontiac réagit dès 2002 en tentant de redonner à son gros bestiau une figure potable. Les gros plastiques noirs sont peints de la couleur de la carrosserie et la tente auparavant facturée est offerte, histoire de faire passer la pilule du prix élevé. En vain : l'Aztek n'atteindra jamais son seuil de rentabilité.
En 2005, quatre ans et demi après son lancement, General Motors arrête les frais. L'usine mexicaine est priée d'assembler d'autres modèles et l'Aztec entre dans la légende des moqueries mondiales. Mais tout passe, même les pires souvenirs. On avait presque fini par oublier cet étrange engin lorsqu’en 2008, une série le ressuscite. Breaking Bad apparaît et très vite, par l'entremise de Netflix, elle envahit la planète. Sauf que le héros, un prof de chimie reconverti dans le deal, roule en Aztec. Pourquoi un tel acharnement ? Car, selon le créateur de la série, il fallait que le personnage principal "roule dans une voiture un peu ringarde et décalée qu'un prof fauché et indifférent à l'automobile pouvait s'offrir d'occasion".
L'Aztec au musée
La Pontiac mal-aimée devient une star malgré elle au cours des 5 saisons de la série. Pas de quoi relancer l'intérêt des collectionneurs pour autant. Mais peut-être qu'un jour, plutôt que de finir au musée des horreurs, elle sera exposée en bonne place au musée de la télé et du cinéma, aux côtés de la DeLorean de Retour vers le futur, ou du cabriolet Alfa Romeo 2600 Spider du Mépris de Jean-Luc Godard. Une juste reconnaissance pour le vilain petit canard qui serait entouré de grands cygnes blancs.
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