La difficile transition de la Formule 1 vers l'électrique
Elle connaît un retour en grâce. Grâce à Netflix, grâce aux États-Unis et grâce aux pays asiatiques, la Formule 1 voit ses audiences télé, et la fréquentation de ses circuits, augmenter depuis plusieurs années. Cette embellie va-t-elle durer ? Pas certain, car l’électrification en marche pourrait bien avoir la peau de la discipline reine. À moins que.
Bien sûr le paddock bruisse de rumeurs, évidemment, les ingénieurs et les teams managers s’inquiètent de l’avenir. Mais à les entendre, tout va bien, préoccupés qu’ils sont par leur chrono du jour et pas du tout par leur sort d’après-demain. Pourtant, la Formule 1 est à un tournant, certainement le plus important depuis la naissance de la discipline. Et à la sortie de ce virage, elle accélérera à nouveau, ou se retrouvera figée dans le bac à sable.
Car la discipline reine du sport auto se retrouve, comme les autres d’ailleurs, confrontée à l’électrification de l’industrie dont elle fait, après tout, partie intégrante. Devant elle se dressent deux scénarios : celle d’une électrification totale dans les décennies à venir, peut-être en Europe en 2035 ou un peu plus tard, comme aux États-Unis ou en Chine. L’autre avenir possible, que peu de spécialistes envisagent, consisterait à figer le temps, le dérèglement climatique, le pétrole raréfié dans le futur et à faire comme si nous vivions toujours dans les années 70.
Dix-sept ans de retard pour l'hybridation
On peut rétorquer que la F1 s’adapte très bien. La preuve ? Elle est hybride depuis 2014, et le sera encore plus en 2026. Une hybridation qui balaie au passage un vieux mythe, celui qui voudrait transformer la F1 en laboratoire de la voiture de série. Car l’hybridation est apparue sur une Toyota Prius basique en 1997, soit 17 ans avant la F1.
Mais l’hybridation est une formule de transition, avant l’électrification, qu’elle soit repoussée de quelques années ou non. Et à ce moment-là, que feront les constructeurs engagés directement ou indirectement dans le championnat du monde ? Aston Martin, Ferrari, Mercedes, Alpine et bientôt Audi continueront-ils à dépenser chaque saison plusieurs centaines de millions d’euros dans des courses thermiques alors que leur business de tous les jours, à moyen terme, sera lié aux voitures électriques ?
Il est à parier que non, pour la simple raison que leur but ultime consiste à utiliser la course automobile pour faire la promo de leurs autos de série. Il est très loin le temps ou Enzo Ferrari vendait (à contrecœur) des autos de route pour financer sa Scuderia. Aujourd’hui la situation est totalement inversée. Les marques automobiles ne sont pas des ONG, et l’époque est au ROI (return on invest). Un retour sur investissement pour des autos à pétrole qui roulent tous les quinze jours à 320 km/h est impossible à obtenir lorsque l’on veut promotionner des voitures électriques que l’on doit vendre tous les jours.
Lorsqu’ils seront confrontés à ce dilemme : to be or not to be in F1, que feront ces constructeurs ? Ils risquent soit d’abandonner totalement le sport auto, soit de se tourner vers cette discipline dont la plupart se moquent aujourd’hui : la Formule E. Une formule qui évolue vite, très vite.
Voilà exactement dix ans qu’elle existe et après des débuts cafouilleux, ses ingénieurs se sont mis au boulot. Au début de la saison prochaine, ces autos adopteront la technologie Gen3 Evo. Au menu : un 0/100 km/h en 1,8 seconde. Soit une accélération 30% supérieure à celle des F1 du moment. Leur vitesse de pointe atteindra 320 km/h, soit sept tout petits kilomètres de moins que la pointe de Verstappen au grand prix de Bahreïn l’an passé.
Bien sûr, il y a le souci de recharge et de la régénération qui pénalise la Formule électrique. Mais là encore les choses avancent, et des charges de 600 kW réalisées en 30 secondes et permettant de tenir le temps de la moitié d’une course sont actuellement en test.
La FE rebaptisée F1 ?
À l’horizon 2035, et en tenant compte des progrès encore réalisables en FE, quelles seront les différences entre les deux formules ? Le fait que l’électrique est une course monotype ? Elle a été créée ainsi dans le but de minimiser le budget des teams engagés. Mais en se développant, la Formule électrique pourrait bien abandonner ce principe, histoire de permettre aux constructeurs qui s’y engageront, et qui abandonneront au passage la formule thermique, de démontrer leur savoir-faire.
Reste évidemment le bruit des autos, celui qui rend les tiffosis nostalgique des V10 ou V12 de la F1. Ils sont déjà déçus de la sonorité des voitures d’aujourd’hui, et le seront plus encore en 2026 lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation qui tend à équilibrer le rapport de force entre l’électrique et le thermique dans l’hybridation des moteurs. Un premier pas vers la FE, avant que celle-ci ne change de nom pour devenir F1, et que la formule électrique remplace le bon vieux championnat que l’on connaît actuellement.
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