Et si le recul de l'UE sur l'électrique était la pire des idées ?
Nombre d'industriels et d'observateurs de l'automobile se réjouissent de la marche arrière que l'Union européenne est en train d'opérer sur l'échéance de 2035, sans totalement le remettre en cause. Pour autant, l'adage "reculer pour mieux sauter" n'est peut-être pas toujours le mieux approprié.

On pressent la volte-face, on suppute la reculade de la commission européenne. Car depuis quelque temps, les signes d’assouplissement concernant le couperet de la fin du thermique en 2035 se multiplient.
L’affaire, pourtant votée le 19 avril 2023, pourrait être amendée, voir reportée. On peut se dire qu’il s’agit là d’une bonne chose, d’une sacrée victoire obtenue par les constructeurs européens qui au travers d’un lobbying acharné, ont convaincu les politiques européens.
170 milliards investis pour rien ?
Et si, bien au contraire, cette manœuvre de marche arrière était une mauvaise nouvelle pour la filière ? Plusieurs raisons plaident dans ce sens, et pas seulement celles liées au réchauffement de la planète. Les industriels ont investi des milliards depuis dix ans dans la R&D électrique. On évoque, rien que pour le groupe Volkswagen, des chiffres approchants les 170 milliards d’euros.
Tout cet argent aurait donc été investi pour rien, et partirait en fumée avec les retour des moteurs fumants ? On nous répliquera, fort justement, que ce n’est que partie remise, qu’on ressortira des cartons toutes ces innovations, et il y en a eu depuis dix ans sur la technologie électrique, sur ses batteries, sur le rendement des moteurs et in fine, sur l’autonomie.
Sauf que cette partie remise aux calendes grecques risque de laisser l’industrie européenne au point mort dans ce domaine, un peu comme la voiture autonome qui, faute d’investissement est en stand-by depuis des années. Mais après tout, appuyer sur "pause", ne peut pas faire de mal. Mais à condition que tout le monde s’arrête en même temps.

Or les constructeurs chinois ne s’arrètent pas. On les soupçonnait d’avoir 10 ans d’avance dans la technologie électrique. Une avance que les constructeurs du vieux continent commencent à grignoter. Mais que se passera-t-il lorsque ces derniers mettront un frein à ce travail pour s'en aller développer de nouveaux moteurs thermiques, tout hybrides qu’ils soient ?
Le rattrapage en marche entre l’Europe et la Chine va fondre comme neige au soleil. Et pour sûr, à Pékin, on ne voit pas d’un si mauvais œil les agissements du Commissaire français Stéphane Séjourné, également vice-président de la Commission européenne qui plaide presque ouvertement pour un ralentissement de l’électrification.
Car les Chinois savent que tôt ou tard, l’électrique s’imposera dans le monde comme eux l’imposent déjà chez eux. Parce que c'est leur souhait, et leur spécialité. Et ils savent que, malgré sa réticence affichée, même Donald Trump en est conscient, cherchant à acquérir des terres rares partout sur la planète, comme jadis l’Amérique s’engageait dans des guerres pour le goût du pétrole.
La triple peine pour les constructeurs
Non, le retour en arrière de l’industrie automobile en mode panique n’est pas une bonne nouvelle, car les constructeurs déjà en retard vont l’être encore plus. Notamment les marques allemandes subissent certes une triple peine en ce moment. Une première lame leur inflige des pertes de l’ordre de 30% en moyenne sur le marché chinois, le premier au monde, ou ils sont concurrencés par les marques locales. Ils subissent en plus, des taxes sur leurs importations aux États-Unis, le deuxième marché mondial.
Du coup, ils jouent le court termisme en implorant Bruxelles de mettre la pédale douce l’électrique. Ils ont les yeux rivés sur leur bilan et leurs actionnaires qui les guettent. Leur réaction est logique. Mais pour autant, si l’échéance de 2035 est reportée ou assouplie, ou si son non-respect est assorti d’amendes que l’on ne les obligera pas à payer (la dernière rumeur en cours), la tentation est grande de se croiser les bras.
Pas par pure fainéantise, mais pour éviter de dépenser toujours plus dans une technologie qui n’est plus obligatoire demain matin, sans penser à après-demain. Au-delà de l’avance chinoise et des taxes américaines, ce qui peut faire du mal à l’industrie automobile européenne, c’est son court termisme.
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