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La malédiction des microcitadines

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

Les petites autos urbaines ont du plomb dans l’aile. Elles devraient pourtant être les stars des ventes, puisqu’elles sont les moins chères. Mais les microcitadines se vendent mal et les constructeurs n’y croient plus. Certains se regroupent pour continuer d’en produire malgré tout, tandis que d’autres lâchent purement et simplement l’affaire. Tour d’horizon d’un genre en régression.

La malédiction des microcitadines

Avec son prix canon (10 300 euros) elle devrait être en pole position. Pourtant la Peugeot 108 ne s’est vendue qu’à 9 120 exemplaires durant les 6 premiers mois de cette année. Certes, le chiffre n’est pas ridicule, mais si on le compare avec celui de sa grande sœur, 2 000 euros plus chère, équipée d’un moteur strictement identique, il est risible. C’est que 51 794 Peugeot 208 ont trouvé preneurs durant la même période. Un écart que l’on retrouve sous tous les blasons, et notamment chez Renault dont la Twingo a trouvé 19 786 clients en six mois, alors que la Clio s’est écoulée à 61 537 exemplaires.

La malédiction des microcitadines

Mais qu’est ce qui peut bien justifier ce désamour des clients pour les toutes petites ? Leur usage strictement citadin ? Certes. Même si elles accueillent bel et bien quatre personnes et disposent d’un (petit) coffre, les escapades à la campagne à leur bord sont besogneuses. Du coup, elles sont bien souvent considérées comme des secondes autos. Mais les foyers qui disposent déjà d’une première (et grande) voiture neuve et s’offrent un second modèle tout aussi neuf, sont rares. Souvent la deuxième monture s’achète d’occasion, ce qui limite forcément le marché de nos microcitadines à ces exceptions et aux urbains qui limitent leurs déplacements à la seule ville. Mais le frein au succès n’est pas seulement du seul fait de la rareté des clients.

Des constructeurs et des distributeurs pas vraiment motivés

Fabriquer une voiture de 3,40 m ou de plus de 4 m ne coûte pas proportionnellement plus cher. Quelques dizaines de cm de tôle et quelques chevaux en plus ne font pas doubler l’addition. Pourtant, au final, une compacte coûte deux fois plus cher à l’achat qu’une microcitadine. La faute à quoi ? Au surplus d’équipements, dans une moindre mesure. Mais aussi à la marge que le constructeur, et son distributeur, réalise. Plus la monture est grosse, plus le bénéfice l’est également. Du coup, toute la chaîne, du vendeur au concessionnaire, en passant par le constructeur ou l’importateur, a intérêt à pousser ses clients vers des autos plus grandes, histoire de disposer d’une marge bénéficiaire plus grande aussi.

Il est un autre point qui freine le succès de ces petits modèles. Elles sont assez peu équipées. Les GPS comme les autres nouveautés technos ne sont pas pour elles. Question de prix. En rajouter ferait exploser l’addition. Et les situerait au même prix que leurs grandes sœurs. Funeste erreur que personne ne commet.

Certaines marques jettent l’éponge

Le manque de motivation financière pousse aujourd’hui certaines marques à renoncer purement et simplement à ce segment. C’est le cas de Ford avec un tour de passe-passe plutôt malin. Sa petite Ka n’est plus l’urbaine qui a sévi pendant deux générations, de 1996 jusqu’à l’an passé. La microcitadine est morte, vive la citadine tout court. Une urbaine qui a grandi en s’appelant Ka+, mais en conservant les tarifs mini d’une très petite, avec un prix d’appel aux alentours des 10 000 euros. Une manière d’élargir son audience en s’adressant à des clients susceptibles de rester dans un budget restreint, mais à la recherche d’une auto qui ne se limite pas à la seule ville. Le renoncement américain pourrait d’ailleurs donner des idées à l’allemand Volkswagen. Nul ne sait aujourd’hui si la triplette du groupe (Volkswagen Up!!, Seat Mii et Skoda Citigo) sera reconduite.

La malédiction des microcitadines

Les ventes ne sont pas au mieux pour les trois petites, et c’est un euphémisme. Voilà cinq ans qu’elles sont sur les routes, avec un restylage récent pour la Skoda, et à un an ou deux de leur renouvellement logique, aucun signe ne vient conforter une éventuelle succession. Certes, des rumeurs venues d’outre-Rhin évoquent une possible version électrique de la future "MiiUpCitigo", mais étant donné les difficultés à rentabiliser les bonnes vieilles citadines thermiques, gagner de l’argent avec une petite auto bourrée de très chères batteries à 10 000 euros l’unité (le fameux seuil de tarif) paraît totalement illusoire. Alors, d’ici deux ans, les trois petites tchèquo-ibérico-allemandes tireront peut-être leur révérence. À moins que d’ici là, le groupe se donne les moyens de leur mondialisation.

Une rentabilité à l’échelle planétaire

Car plusieurs constructeurs persistent dans ce marché faiblement rémunérateur et s’ils résistent, ce n’est que parce que leurs modèles sont distribués sur les cinq continents, ce qui n’est pas le cas de nos Twingo, 108 ou Citigo. C’est en revanche celui de Kia qui a présenté sa nouvelle Picanto il y a quelques mois. Cousine de l’autre modèle du groupe, la Hyundai I10, c’est une auto réellement mondialiste, à l’image de la Suzuki Celerio fabriquée en Inde, ou de l’Opel Karl coproduite avec Chevrolet en Corée. Les autres, pour tenter de résister sans vouloir envahir la planète, rassemblent leurs forces et s’allient pour fabriquer leurs autos dans un pot commun. Toyota et PSA pour l’Aygo-C1-108, Smart et Renault pour la Twingo-Forfour. Les frais de conception et d’industrialisation sont ainsi divisés par deux, sans que pour autant la marge bénéficiaire soit doublée.

La prochaine Twingo sera-t-elle encore une Smart ? la future Citroën C1 ressemblera-t-elle toujours à une Toyota Aygo ? nul ne le sait et en visionnant leurs tableaux de bord financiers mois après mois, pas sûr que les dirigeants de ces marques soient pour le moment enthousiastes quand au renouvellement de ces modèles.

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