Le SUV, une pandémie mondiale
D'après le portrait-robot annuel de nos confrères de l'Argus, la consommation moyenne de la voiture neuve vendue en France l'an passé a augmenté après huit années de baisse. Et ce sera pire encore en 2018. Que se passe-t-il ?
Descendue de 5,3 à 4,5 l/100 km entre 2008 et 2016, la consommation moyenne est remontée officiellement de 0,1 l l'an passé. L'émission moyenne de C02 passe logiquement de 109 à 111 g de C02/km.
Cette augmentation a deux causes : la disgrâce du diesel, tombé à 40 % des ventes ce printemps, et aussi le boom du SUV qui représente désormais plus du tiers du marché.
La France, qui a pris la tête de la croisade contre le réchauffement climatique et donne des leçons à la terre entière, n'est pas épargnée par l'épidémie mondiale du faux 4x4. Celle-ci touche plus fortement encore la Chine - bientôt 50 % des ventes - et les Etats-Unis. Une véritable maladie mentale qui, sur une planète dont le climat se dérègle sous l'action des gaz à effets de serre, fait choisir à ses habitants des véhicules en émettant structurellement davantage.
Ils étaient mignons et innovants, les SUV, quand ils pesaient 5 % des ventes. Ils étaient originaux à 10 % puis à la mode à 20 %. Et insupportables à 38 %, leur score du joli mois de mai.
Insupportablement conformistes et arrogants, insupportablement omniprésents. Le SUV, c'est l'irruption, dans la décennie de la prise de conscience environnementale, entre COP 21 et COP 22, d'un type de voiture qui consomme plus malgré des moteurs qui consomment moins.
Le 3008, un demi à un litre de plus que la 308
Prenons le succès français du moment, le Peugeot 3008. Dans sa version de base essence, il émet 118 g contre 113 pour le break (ou la berline) 308. Il mesure 14 cm de moins que lui en longueur (mais 20 cm de plus que la berline), 4 cm de plus en largeur et 16 cm en hauteur. Sa garde au sol fait le double, avec 22 cm contre 11 cm pour la 308. Il en ressort que sa surface frontale, en tenant compte de la garde au sol, est de 2,57 m2 contre 2,43 m2.
Enfin et surtout, il pèse 160 kg de plus que la berline et 46 de plus que le break. Ceci, ajouté à sa piètre aérodynamique, l'oblige à s'équiper, en version de base essence, de la déclinaison 130 ch du petit 1,2 l alors que nos deux 308 se contentent du 110 ch tout en offrant de meilleures performances !
Ces différences ne sont pas énormes, mais suffisantes pour que sur la route - et non sur banc à rouleau - l'engin consomme, suivant l'environnement et la vitesse, entre un demi-litre et un litre de plus aux 100 km que la 308, ce que confirmera fatalement en septembre la nouvelle norme WLTP.
L'équivalent d'une décennie de progrès des ingénieurs motoristes annulée par une mode carrossière.
Pour quel avantage ? Objectivement, je n'en vois pas d'autre que 100 litres de coffre en plus que la berline (mais 90 de moins que le break) et une meilleure capacité à rouler sur 20 cm de neige.
Cernée de hautes carrosseries
D'accord, ce n'est pas le SUV qui bouleverse le climat. Il y a aussi l'augmentation irrésistible de la consommation d'électricité, de celle de viande, la déforestation, le renouveau du charbon, la motorisation des pays émergents.
Mais de toutes ces causes, le SUV est la plus stupide, car elle ne repose sur aucune motivation objective, ne relève d'aucun impératif économique ou démographique même imbécile, n'apporte aucun progrès en sécurité ni même en confort contrairement à l'ancêtre monospace.
Il s'agit simplement de péter dix ou vingt centimètres plus haut que le c.l de son voisin. Ce qui donne forcément à ce dernier l'envie de se hisser à la même hauteur.
Et c'est ainsi que l'épidémie s'étend, finissant même par se trouver des justifications raisonnables, telle cette connaissance qui ne supportait plus dans sa Mini d'être cernée de hautes carrosseries, de ne plus voir au-delà de la voiture de devant.
Le SUV, c'est comme quelqu'un qui parle fort au restaurant, tout le monde finit par hausser le ton et on ne s'entend plus.
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