Les petites contradictions de Carlos Tavares, l'homme fort de Stellantis
Carlos Tavares n’aime pas les voitures électriques mais il demande à l’Europe de continuer à les promouvoir. Il veut lutter contre les marques chinoises tout en s’associant à l’une d’elles. Et il critique le coût indécent de la Formule 1 tout en recevant ses 36 millions d’euros de salaire. Pas facile de le suivre !
« Arrêtez de changer les règles ou de laisser croire qu’elles pourraient changer ». Voilà ce que vient de déclarer Carlos Tavares devant des journalistes à propos d’un éventuel rétropédalage de l’Union européenne et de l’industrie automobile du Vieux continent au sujet des voitures électriques. Ancien numéro deux du groupe Renault, ce brillant gestionnaire a pourtant longtemps milité contre la voiture électrique depuis sa prise de fonction à la tête de PSA devenu Stellantis en 2021. On le dit encore assez peu friand de ces autos à zéro émissions, convaincu qu’elles répondent à une demande créée artificiellement par les instances européennes alors que la clientèle leur préfère encore les voitures thermiques.
Toute la stratégie déployée par PSA puis Stellantis depuis quelques années ne fait donc que répondre aux décisions de l’Union européenne (et de l’administration américaine), Carlos Tavares jouant le pragmatisme tout en gardant un avis bien tranché sur le sujet. Et même s’il fait très attention à ce qui se passe dans le cadre des élections en Europe et aux Etats-Unis, il mise désormais à fond sur ces voitures électriques sans les apprécier plus que ça. Certes, la plupart des projets actuels de Stellantis reposent sur une plateforme technique capable d’utiliser aussi bien des motorisations thermiques qu’électriques. Cette stratégie, qui oblige hélas à composer avec une masse très élevée sur des modèles comme le nouveau Peugeot 3008, permettra de s’adapter en cas de brusque revirement de réglementation des deux côtés de l’Atlantique à la suite des élections.
Pas de Chinois en Europe, mais…
D’après Carlos Tavares, les mesures d’incitation au développement des voitures électriques permettent aussi de donner aux constructeurs chinois un avantage stratégique. Alors que ces marques semblaient incapables de rivaliser avec les constructeurs européens sur le terrain des motorisations thermiques, elles se retrouvent effectivement en position de pénétrer le marché du Vieux continent avec des modèles électriques crédibles. En marge de discussions houleuses avec le gouvernement italien qui l'ont obligé à renommer l'Alfa Romeo Milano "Junior", Carlos Tavares alerte ce dernier sur le danger d’accepter l’implantation d'usines de constructeurs chinois sur le sol transalpin. Selon lui, de telles mesures risqueraient de compliquer encore la tâche des marques européennes.
Or, Carlos Tavares prépare justement l’arrivée sur notre marché des modèles de la gamme du constructeur chinois Leapmotor. Devenu actionnaire, Stellantis doit même assurer leur commercialisation dans toute l’Europe et même les fabriquer en Italie ! Là encore, la stratégie du directeur général de Stellantis paraît difficile à suivre.
Le salaire, un point sensible
Alors qu’on parle beaucoup du joli salaire de Carlos Tavares depuis quelques jours, ce sujet illustre aussi ses petites contradictions. Dans une déclaration intéressante, il justifie la décision de ne plus courir en Formule 1 pour des questions « éthiques » et ce même si la « Formule 1 constitue le meilleur outil marketing quand on regarde le retour sur investissement ».
« Nous devons raisonner de manière éthique et penser aux gens de l’usine, qui comptent des centimes pour pouvoir rivaliser sur le marché de la mobilité électrique avec les concurrents asiatiques. Comment puis-je regarder les travailleurs dans les yeux et leur dire que nous dépensons 20 millions pour la Formule 1 alors qu’ils demandent quelques centimes ? », déclare-t-il dans des propos rapportés par Nextgen-F1.
20 millions d’euros, c’est quasiment deux fois moins que la rémunération personnelle de Carlos Tavares pour l’année 2023 (en comptant les actions et d’autres revenus à plus long terme). L’homme d’affaire assume parfaitement le niveau de ce salaire, qui convient d’après lui à la réussite économique du groupe (qui revendique une très belle marge opérationnelle sur l’année 2023). Mais énoncer de tels arguments paraît tout de même délicat dans ce contexte.
Tout le monde a les yeux braqués sur les chiffres de vente des voitures électriques et les prochaines élections aux niveaux européens et américains. Carlos Tavares sera-t-il obligé d’adapter sa stratégie en fonction de ce qu’il se passera dans les mois à venir ? Pas facile, en tout cas, de décider dans un contexte si changeant…
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