Les tops/flops de la rédaction (4/14)
La fin d’année est l’occasion de jeter un coup d’œil dans le rétro. Chaque jour pendant cette période des fêtes, les journalistes de la rédaction de Caradisiac vous font part de leurs enthousiasmes et de leurs coups de griffes. Aujourd’hui, Jean Savary, chroniqueur, vous livre son top/flop 2022.
Top : 30 km/h dans Paris, la bouffonnerie municipale à son sommet
Bien content qu’on ne me demande pas le « succès » ou la « réussite » de l’année : je ne fais pas ce métier pour raconter les trains qui arrivent à l’heure. Alors jouons sur les mots : le 30 km/h à Paris a été le « top » de l’échec prévisible. Personnellement, j’ai essayé de le respecter sur ma petite moto ; d’autant que j’y étais favorable. Partant du principe qu’on ne peut pas interdire la trottinette électrique, le vélo et encore moins l’usage du smartphone par le piéton qui traverse en regardant son écran mais pas le petit bonhomme rouge, il fallait bien trouver une façon de faire cohabiter tout ce petit monde sans trop de casse. Or le seul moyen réaliste c’est de réduire radicalement la vitesse des plus rapides. Et après tout, 30 km/h dans une rue, c’est déjà la vitesse d’un cycliste pas trop mou du genou.
Mais avec trois radars pour tout Paris intra-muros, la mesure n’avait aucune chance d’être respectée. La décréter tenait du vœu pieux, du « wishfull thinking », la pensée pleine de vœux de nos amis anglais. Après quelques dépassements hasardeux par des conducteurs que ma lenteur exaspérait, dont un avec rayure sur la sacoche gauche, j’y ai moi-même rapidement renoncé.
Résultat, après quelques jours de ralentissement, la limitation est tombée dans l’oubli. D’autant que les occasions de regarder son compteur ne sont pas fréquentes dans le grand encombrement parisien. Mais aux quelques moments et rares endroits où le trafic est fluide, ça circule toujours à 50 km/h et plus si possibilité, voitures de police et bus compris.
En étant optimiste, on peut considérer que l’ancienne limitation à 50 km/h est un peu moins mal respectée qu’avant.
Flop : la gestion des pénuries de carburant
Cette interminable pénurie n’a tout simplement pas été gérée. Certes, des stocks stratégiques ont été débloqués et certains corps de métier (très peu en fait) désignés prioritaires à la pompe. Un service minimum. Pour le reste, en amont, le gouvernement n’a pas voulu s’immiscer dans le conflit entre syndicats et pétroliers et pire, en aval, n’a pas usé de son pouvoir régalien pour répartir les litres disponibles.
Ah, si : on a tardivement interdit de remplir des jerrycans, mais c’était aux employés des stations de faire appliquer le règlement… Certains – et de simples clients aussi - y ont perdu des dents.
Il y a 11 000 stations-service en France, et 224 000 policiers et gendarmes. N’était-il pas possible de civiliser cette foire d’empoigne, de faciliter leurs pleins aux professionnels « de première ligne », de contingenter ou de repousser les autres ?
On l’a peu dit, mais l’impact de ces semaines à sec sur la vie du pays a été énorme. Des hôpitaux déjà dégarnis en temps normal se sont retrouvés sans infirmières, des chantiers se sont arrêtés, des malades n’ont pas été visités, des entreprises ont cessé de commercer, des cargaisons de nourriture ont été jetées faute de pouvoir être livrées…
Pendant ce temps, mes voisins, comme moi à 10 minutes à pied du métro ont continué à se rendre à leur bureau dans leurs grosses autos, quitte pour l’un à faire un détour de 200 km un certain soir pour aller faire son plein loin sur autoroute.
À peine achevée après la reprise du travail dans les raffineries, la pénurie revenait, moins longue mais tout aussi dure, par anticipation de la fin de la ristourne gouvernementale. Même pagaille et conséquences.
Aucune leçon ne semble avoir été retenue de ces deux épisodes, aucune velléité d’organisation, de priorisation ou de simple maintien de l’ordre. Si c’est ça le libéralisme, je reprendrais bien deux doigts de dirigisme.
Mon souhait pour 2023
L’échéance approchant, l’acronyme ZFE (Zone à faibles émissions) commence à faire peur. 2024 verra le bannissement des Crit’air 2 (tous les diesels anciens comme neufs, toutes les motos et voitures essence d’avant 2007) de Paris intra-muros.
Et en 2025 plusieurs dizaines de grande ville s’y mettront, chacune avec des critères (et des Crit’air) différents, des aires pas toujours bien définies et une temporalité encore à préciser…
Or, ce qui n’était pas prévu lors de la planification des ZFE, c’est que le prix des voitures neuves allait augmenter de 20 à 30 %, que la pénurie de l’offre et le gonflement des prix allaient également « ruisseler » sur le marché de l’occasion où les tarifs des modèles pas trop anciens sont pris de folie. Et que loin de diminuer, le prix des voitures électriques allait lui aussi augmenter.
Bref, pour les automobilistes concernés, ce qui était une grosse marche à franchir devient, dans le contexte actuel d’inflation, un obstacle insurmontable et en l’occurrence, une mise à pied. Avant d’interdire de cité ces dizaines de millions conducteurs qui n’ont plus les moyens de remplacer leur véhicule, j’aimerais qu’on se pose ces quelques questions.
1/ Les moyens coïncident-ils avec l’objectif affiché ? Il s’agit de diminuer la pollution aux particules fines et aux oxydes d’azote, les autres ayant pratiquement disparu des villes. Pourtant, ces deux polluants sont, si l’on s’en tient au trafic automobile, émis quasi exclusivement par les diesels, et pour les particules également et en grande quantité par les moteurs deux temps des scooters 50 cm3 qui se multiplient avec la livraison à domicile.
Dans ce cas, pourquoi bannir les moteurs essence aux normes Euro 2 à Euro 4, tous catalysés, qui en émettent très peu ? Pourquoi ne pas agir en priorité sur les scooters à moteur 2 temps ? Le subventionnement peu coûteux de leur remplacement par des équivalents électriques aurait plus d’effet sur la qualité de l’air en ville que les bonus et primes à l’achat de voitures électriques.
2/ Puisqu’il s’agit d’interdire l’usage régulier de ces vieux diesels, ne faudrait-il pas le permettre de façon occasionnelle ? Un joker mensuel ou hebdomadaire pour celui qui doit aller se faire soigner en ville, pour l’étudiant qui rejoint son campus et n’en bougera plus de la semaine ou l’artisan qui doit approvisionner un chantier ? Avec les systèmes de verbalisation par lecture d’immatriculation, il ne serait pas sorcier d’accorder ces permissions contingentées.
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