Loi Orientation des Mobilités (LOM) : les loueurs soulagés mais loin d’être convaincus…
Le segment de la location de véhicules n’est plus une cible prioritaire dans le cadre des quotas et des délais définis par le projet de loi LOM (Loi Orientation des Mobilités). Les loueurs restent cependant en alerte sur le sujet. L’occasion d’évoquer les missions et les contraintes de la filière à l’aube de cette nouvelle réglementation.
10 % de véhicules à faibles émissions* à partir de 2022, 20 % à partir de 2024 et 35 % à partir de 2027, entre autres exigences : le projet de loi LOM (Loi Orientation des Mobilités), tel qu’il a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée Nationale le 17 septembre, aligne désormais le calendrier des loueurs sur celui des flottes d’entreprises privées disposant de plus de 100 véhicules.
Les loueurs intégrés au calendrier général
« Ce nouveau calendrier est déjà plus réaliste, mais il reste toujours très difficile à tenir », souligne Dorothée Dayraut, Directrice des Affaires Publiques au CNPA (Conseil National des Professions de l’Automobile). En mai dernier, le CNPA avait dû en effet monter au créneau pour saisir les parlementaires. L’article 26 B du projet de loi LOM, tel qu’il était présenté au printemps après validation par les sénateurs, prévoyait que les loueurs devaient acquérir, lors du renouvellement de leurs parcs, des véhicules à faibles émissions dans une proportion minimale de 10 % avant 2020, et de 20 % d’ici à 2022.
Une exigence qui apparaissait injustifiée et contraignante pour le segment de la location, en particulier pour la filière de la location courte durée, dont les enseignes Avis Budget, Europcar, Hertz ou encore Sixt comptent parmi les chefs de file. « Les acteurs de la location de courte durée partagent les objectifs ambitieux du législateur, à condition qu’ils soient réalistes et conformes au marché », avait ainsi averti fin mai le CNPA, organisme qui représente entre autres cette profession. « Il faut savoir que les véhicules à faibles émissions représentent actuellement 2 à 3 % du parc des loueurs », rappelle Dorothée Dayraut.
Loueur : deux métiers, et une gestion des risques distincte
« Les loueurs courte durée sont dans cette situation de devoir anticiper quelle sera la demande pour pouvoir acheter les véhicules et répondre à l’offre », décrit François Piot, Président de l’Arval Mobility Observatory (ex Observatoire du véhicule d’entreprise). Compte tenu de ces contraintes, « si les loueurs courte durée ont l’obligation d’avoir un quota de véhicules électriques, il n’est pas du tout certain que ce quota correspondra à la demande », prévient-il. « Les loueurs courte durée portent le risque de cette demande, tandis que les loueurs longue durée achètent des véhicules pour le compte de leurs clients en fonction de la demande », distingue François Piot. « Ces derniers ont donc plus de facilité à équilibrer la demande par rapport à l’offre. En revanche, ils ont une autre problématique, qui est celle de la revente des véhicules à la fin ». Aujourd’hui par exemple, dans le cadre de la transition énergétique, « les loueurs longue durée doivent intégrer dans la gestion de leurs risques un rééquilibrage des flottes qu’ils auront à revendre plus tard. »
Courte durée ou longue durée, un rôle central
Si l’externalisation des risques ne poursuit pas les mêmes finalités selon la formule locative, les loueurs de véhicules courte et longue durée sont en tout cas des acteurs centraux du paysage automobile. Les loueurs ne sont plus simplement des preneurs de commandes qui mettent à disposition des véhicules en échange de loyers. Ils se sont aussi mués en conseillers du management de la flotte. La plupart des enseignes se disent en outre investies dans la mise en place de solutions alternatives sur le champ de la mobilité (véhicules en autopartage, offres de covoiturage, etc.).
Les loueurs de longue durée, pour ne citer qu’eux, sont devenus des traits d’union privilégiés entre les constructeurs et les gestionnaires de parcs. Ils participent grandement à approvisionner les flottes. « Depuis 2003, le parc de la LLD progresse en moyenne de 6 % par an. Au 2e trimestre 2019, les immatriculations en location longue durée représentaient 58,6 % des véhicules d’entreprise », analyse le Sesamlld, le Syndicat des Entreprises des Services Automobiles en LLD et des Mobilités. Dans le détail, on note sur la même période « une croissance de 4,1 % pour le segment des voitures particulières, et de 10 % pour celui des utilitaires légers », marché qui, au passage, bénéficie d’un délai d’un an supplémentaire (à partir du 1er janvier 2023) pour se mettre en conformité avec les quotas imposés par le projet de loi.
L’État appelé à davantage de réalisme
Si le CNPA reconnaît, par rapport au mois de mai, un recul des parlementaires en faveur des loueurs, il réaffirme dans le même temps sa volonté de rester vigilant vis-à-vis de la réglementation définitive. Il considère par ailleurs que la détention d’une flotte de « véhicules propres par les loueurs dépend de leur capacité à être approvisionnés en électricité et de la disponibilité des infrastructures de recharge électrique. »
Un avis que partage, à une échelle certes plus globale, le Comité des Constructeurs Français d’Automobile. Dans un communiqué daté du 1er octobre, le CCFA estime que pour développer les ventes de véhicules électriques, « il faut donner confiance aux consommateurs quant au fait qu’ils pourront les recharger facilement. C’est aussi le rôle des pouvoirs publics que de faire basculer les consommateurs vers les véhicules électriques », affirme l’instance représentative des motoristes tricolores. « Il faut que l’administration tienne compte des délais d’industrialisation des véhicules », résume François Piot. « Les constructeurs ont souvent été mis dans des situations délicates. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne voient plus dans le diesel que des défauts, après l’avoir largement encouragé pendant des années… L’industrie ne peut pas s’adapter aussi vite qu’un député ou un gouvernement change d’avis ! », souligne-t-il.
Une loi qui vient s’ajouter à d’autres obligations
Pour la majorité des loueurs, des flottes et des constructeurs, la loi LOM apparaît en fait comme une norme supplémentaire dans un mille-feuille de devoirs déjà bien garni. Parallèlement à cette loi en effet, d’autres réglementations françaises et européennes visent d’ores et déjà le marché automobile. C’est le cas de la norme WLTP (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures), dont l’entrée en vigueur est théoriquement programmée en 2020 (le CNPA a demandé à la mi-octobre un report de la mesure en 2021). Ce nouveau procédé d’homologation des véhicules, qui remplace le cycle NEDC (New European Driving Cycle) est censé évaluer les émissions de CO2 de façon plus réaliste mais aussi plus drastique. Beaucoup de gestionnaires de parcs redoutent à l’avance les barèmes de malus écologiques imposés récemment dans le projet de loi de finances 2020. Ces malus se déclencheraient dès le seuil de 110 g de CO²/km franchi, et s’avéreraient bien plus lourds fiscalement que par le passé. Par ailleurs, depuis 2018, une autre mesure législative cible les entreprises, celles qui regroupent plus de 100 travailleurs sur un même site. Ces dernières sont dans l’obligation de prendre en compte dans leur gestion de parc l’élaboration de Plans de Mobilité (PDM), autrement dit, des solutions favorisant l’utilisation de modes de transport alternatifs (covoiturage, transports en commun, etc.).
Dans ce contexte soutenu de réformes, les quotas et les délais imposés à ce jour par le projet de loi LOM pourraient bien s’avérer, pour les loueurs et pour la majorité des flottes privées concernées, comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase… Affaire à suivre.
*Véhicules émettant moins de 60 grammes de CO²/km
LA LOI "LOM" PREVOIT-ELLE DES SANCTIONS ?
Qui dit loi, dit généralement respect de la loi et sanctions assorties. Sauf que, dans le cas du projet de Loi LOM, « le texte ne prévoit en l’état actuel aucune sanction », assure Jacques-Henri Robert, juriste et professeur émérite, auteur de la rubrique mensuelle de circulation dans la Revue de Droit pénal (aux éditions LexisNexis). Cette absence de sanctions spécifiques démontrerait-elle une certaine frilosité de la part de l’État ? Impossible à affirmer à ce stade.
Toujours est-il que dans l’hypothèse où des sanctions seraient prévues pour les loueurs et plus généralement pour les entreprises privées ne respectant pas les quotas et les délais imposés, « il s’agirait d’amendes administratives », suppose Jacques-Henri Robert. « Je pense, dans ce cas, que c’est l’article L 171-8 du Code de l’Environnement (dont dépendra aussi la loi LOM) qui pourrait s’appliquer. » Cet article stipule qu’« indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine ».
Des mises en demeure qui seraient légalement contestables par les flottes privées, y compris donc par les flottes de loueurs, par le biais de recours devant le Tribunal administratif. Impossible en revanche, à ce stade, de dire si ces recours auraient ensuite une éventuelle incidence sur la mise en application des quotas.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération