Mondial de Paris 2016 - Le bilan de la rédaction
Que restera-t-il du Mondial 2016 ? Moins de constructeurs, moins de nouveaux modèles... et moins de visiteurs (1 072 697 visiteurs, en baisse de 14% par rapport au dernier Mondial), certes. Mais aussi et surtout le début d'une nouvelle ère. En effet, ce salon fut clairement celui de la transition énergétique, avec une réelle présence des véhicules électriques. Après toutes ces journées passées à couvrir en direct l'événement en direct, voici venue l'heure d'un ultime bilan. Nouveautés, déceptions, approche de l'automobile différente... les journalistes de Caradisiac livrent leur analyse.
Alexandre Bataille : un salon branché
Ce salon post « dieselgate » a été l’occasion pour certains constructeurs de se racheter une conduite. Les généralistes comme les premiums ont mis le paquet sur le 100% électrique et proposent désormais des modèles à l’autonomie accrue. On parle désormais de 400 km, un chiffre qui rassure la clientèle sur la peur panique de la panne. Les équipementiers, les fournisseurs d’accès et le gouvernement assurent en parallèle continuer le développement des bornes de recharges dans l’Hexagone. Au Mondial de l'auto, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal a lancé un objectif "en trois ans" pour augmenter drastiquement le nombre de stations en accès public. Il n'existe aujourd’hui que 14 242 points en fonction. Ces éléments additionnés au superbonus de 10 000 € pour l’instant toujours valable devraient faire enfin décoller les ventes de voitures électriques qui ne représentent pour le moment que 1% du marché. A titre d’exemple, sur les 2 000 voitures vendues (toute gamme confondue) par Renault (une toute les 6 minutes) durant les journées publiques, la nouvelle Zoe est arrivée en tête.
Manuel Cailliot : les marques françaises en grande forme
À l’heure du bilan, cette année, je parlerais bien de nos marques tricolores. En effet, à l’exception de DS qui peine encore à présenter une vraie nouveauté (mais enfin, qu’est-ce qu’ils attendent pour sortir un SUV en France !), Citroën, Peugeot et Renault ont présenté à Paris des nouveautés majeures et qui feront à n’en pas douter des cartons niveau vente. Citroën a présenté sa nouvelle C3. Avec une bouille très sympa et des prix agressifs, du volume à l'intérieur et des possibilités de personnalisation, elle devrait sans peine relancer les ventes de citadines de la marque aux chevrons. Peugeot maintenant, et le lancement des nouveaux 3008 et 5008, qui s’inscrivent pile-poil dans la tendance du marché, à savoir la mode du SUV. Le 3008 est superbe, de l'avis général (mais il y a des exceptions), technologique et en plus, franchement agréable à conduire. Le 5008 n’est plus un monospace compact, mais un crossover. De quoi redonner de la visibilité au modèle, et des couleurs à sa courbe des ventes !
Enfin chez Renault, c’est le festival. Nouveaux Scénic et Grand Scénic, Koléos 2, Alaskan, Mégane Estate, version vitaminée de la Twingo. Le losange démontre sa vitalité et ses ambitions. Le Scénic 4 adopte quelques codes du monde des crossover (grosses jantes, garde au sol surélevée) pour se faire désirable, et ça marche. Le Koleos 2 n’a plus rien à voir avec la fadeur du premier. Bref, ça ne marchera jamais diront certains, ou bien tout le contraire !
Et somme toute, ça fait plaisir.
Audric Doche : société de consommation, mais pas de réflexion
Aujourd'hui, plus que jamais, il faut acheter à tout prix des automobiles neuves pour faire tourner les usines et remplir les caisses des constructeurs qui se doivent de rendre les investissements aux actionnaires.
Le problème, dans cette société de consommation, c'est que l'on a un peu l'impression que l'on agit pour demain, sans réfléchir au surlendemain. Je pense notamment à la voiture électrique, omniprésente à Paris. Non pas que je sois personnellement contre ce type d'auto puisque le seul argument du rendement d'un moteur électrique deux fois et demi supérieur à celui d'un bloc thermique suffit à justifier l'existence de ces voitures. Mais le gros problème est ailleurs : absolument aucun constructeur n'est capable de répondre correctement à la question de la gestion des autos électriques dans quelques années (même pas Tesla, le spécialiste, que nous avions questionné sur le sujet).
Nous savons recycler une bonne partie d'une auto à moteur thermique, avec des casses qui ont des directives et des procédures, mais qu'en sera-t-il lorsque l'on se retrouvera avec un parc automobile français comprenant des milliers de batteries au lithium trop usées ? Qui se chargera de les traiter ? Sûrement pas les constructeurs, apparemment. D'ailleurs, on se demande comment vont-ils bien pouvoir (si tant est qu'ils soient capables de le faire) reprendre aux particuliers des véhicules dont les batteries sont usées.
Alors oui, l'auto électrique, c'est écolo, ça fait bon genre et c'est plutôt intéressant sur plusieurs aspects, mais dans un monde où tout est jetable, où il faut consommer et renouveler sans cesse, ce serait bien de voir l'écologie autrement, avec une approche sur le long terme, mûrement réfléchie, et pas de se lancer dans des développements à l'emporte-pièce afin de répondre "facilement" aux prochaines normes environnementales...
Florent Ferrière : vers une édition 2018 dans la continuité
Je sais que le public qui aime rêver devant des voitures très prestigieuses et rares a pu être déçu. Mais quand, comme moi, on aime d'abord découvrir les nouveautés « normales », cette édition 2016 valait le détour, avec une avalanche d'avant-premières. Carton rouge cependant aux marques qui ont braqué les projecteurs sur des nouveautés pendant les journées presse avant de les faire disparaître discrètement avant l'ouverture au public, à l'image de Renault avec le Koleos.
Près d'1,1 million de visiteurs, cela reste un très beau score, surtout en prenant en compte les effets des attentats sur la fréquentation de ce genre de rendez-vous et l'absence d'une dizaine de constructeurs. Ce bon résultat ne fera peut-être pas revenir Bentley ou Lamborghini, mais assurera la présence en 2018 de l'ensemble des constructeurs généralistes, motivés par les bons chiffres de ventes sur les stands. Il est important que la France garde un grand salon automobile dans lequel les constructeurs créent l'événement. Le secteur évolue mais personnellement, je mise sur une édition 2018 qui restera très conventionnelle dans sa forme.
Pierre-Olivier Marie : vers un Mondial de la mobilité
Le Mondial de l’automobile a vu sa fréquentation baisser, certes, mais il a tout de même attiré près de 1,1 million de spectateurs. J’aurais plutôt tendance à considérer ce résultat comme inespéré compte tenu de l’absence de nombreux constructeurs de renom (à ce propos, je ne m’explique toujours pas comment Alpine a pu sécher le salon national, « son » salon, à la veille de sa relance) et de l’autophobie croissante dans nos grandes agglomérations, le tout dans le contexte sécuritaire que l’on connaît.
L’automobile n’est pas morte, donc. Elle est en train de se réinventer à coups de motorisations électriques offrant un réel agrément de conduite, à coups d’innovations technologiques qui vont transformer radicalement le rapport passionnel que l’on peut avoir à l’objet (et notamment les voitures autonomes, qui vont reléguer leur conducteur du rang de « héros » à celui de simple possesseur/usager), à coups de nouveaux usages qui vont de l’autopartage à la location entre particuliers. Dans le même temps, on assiste à l’émergence de nouvelles mobilités urbaines que l’on aurait tort de considérer comme de seuls jouets pour bobos. Peugeot, l’a bien compris, qui s’apprête à commercialiser une trottinette électrique Micro e-Kick à loger dans le coffre de sa voiture pour parcourir le fameux « dernier kilomètre » qui pose parfois tant de difficultés.
Pour toutes ces raisons, j’imagine que le Mondial de l’automobile doit se muer en Mondial de la mobilité au sens le plus large. C’est le sens de l’histoire, laquelle accélère très fort depuis quelque temps.
Olivier Pagès : changement d'époque
Voilà, c'est fini. Enfin, diront mes jambes qui ont parcouru en long et en large les allées de ce Mondial 2016. Si je dois retenir une chose, je dirai qu'on est à la croisée des chemins. Une chose est sûre. Le Mondial de Paris comme on l'a connu les années passées, c'est terminé. Les temps changent, c'est indéniable. Même si ce rendez-vous va toujours exister, des premières rumeurs prétendent que les prochaines éditions dureront moins longtemps. Soit, mais au-delà de la durée, l'autre élément clé est la réaction des constructeurs. Étant que 1er salon automobile au monde, il est impossible que la plupart des marques ne viennent pas. Une tendance qui se retrouve également dans d'autres salons mais de façon mais moins significative.
Aujourd'hui, tous les professionnels s'accordent pour dire que Genève est LE modèle à suivre. Le salon suisse a l'avantage d'être idéalement placé en Europe et surtout implanté dans un pays à fort pouvoir d'achat, ce qui attire depuis toujours les marques de luxe. Francfort est critiqué mais il apparaît indéboulonnable en raison de la puissance des marques allemandes.
Alors, oui, l'affluence du Mondial a baissé. Rien d'illogique quand on sait que la Foire de Paris a vu son nombre de visiteurs chuter de 15 %. Entre la peur des attentats, la hausse du billet d'entrée mais la politique autophobe mis en place par le gouvernement et la mairie de Paris, il apparaît bien difficile aujourd’hui de parler d'auto en France aujourd'hui. Pas étonnant donc que cela ait des répercussions sur le Mondial.
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