Nouvelles mobilités : abandonner la voiture pour l’aimer plus fort ?
En quelques décennies, l’automobile est devenue la terreur des villes. Mais il est tout à fait possible de faire de cette tête de turc la princesse du bal. Pour cela, il faut se séparer d’elle, mais pas complètement.
Confinement, jour 22. Les habitants de métropoles continuent de découvrir sur Twitter que ça gazouille fort un oiseau, ce qui est cocasse vu le réseau utilisé pour le mentionner. Pourtant les piafs ne braillent pas plus fort. C’est le bruit de la vie urbaine qui a disparu.
Cette pollution sonore est une conséquence. La conséquence de l’attroupement des personnes devant se rendre sur leur lieu de travail. La conséquence d’un flux dense et incessant de véhicules dont les moteurs ne cessent de résonner du petit matin au soir et même après.
Pourtant, le futur qui se dessine peut prendre une forme différente. Un futur où la voiture aurait une autre place sur les routes et dans les cœurs.
Une monture à bout de souffle
La voiture utilisée pour aller travailler doit être compacte, facile à garer, fiable pour démarrer qu’importe la saison, consommer peu. On utilise sa bonne, vaillante (et parfois âgée) monture par souci d’économie. Elle fait le « job » et on s’en contente. Pourtant, pour la majorité des parcours travail-maison, ces nobles titines souffrent.
Car selon une étude de Statista (un important fournisseur de données de marché) de janvier 2019, ce trajet représente moins de 30 kilomètres aller ET retour pour 72 % des personnes et 83 % si on pousse à 50 km.
- Distance moyenne du trajet du domicile au travail (aller et retour)
Quant à la part de la voiture, dès que les salariés doivent quitter leur commune de résidence pour aller travailler, elle atteint 47 % pour les Franciliens et 89 % sur le reste du territoire. Bref, on aime prendre son carrosse pour aller charbonner.
Sauf que ce confort, relatif compte tenu de la quantité de bouchons à affronter, épuise les conducteurs et les véhicules thermiques. En effet, cette moyenne de 50 km parcourus est à croiser avec des vitesses moyennes très faibles, frôlant les 35 km/h.
C’est à force de micro-trajets, de bouchons, de démarrages à froid, d’usages intensifs de la boîte qu’arrive ce moment fatidique où le fidèle destrier nécessite un tour chez le docteur. Un moment qui nous met face à un dilemme : investir dans un entretien dont le coût est nettement supérieur à la valeur du véhicule et laisse supposer d’autres frais à venir tout aussi onéreux, ou l’abandonner pour l’achat d’un nouveau véhicule, en neuf ou en occasion récente.
La double vie d’une voiture
Quitte à se faire plaisir, autant le faire vraiment, le surcoût de la petite satisfaction coupable par rapport à l’utile allant de 8 à 20 % du prix final. Puis on n’achète pas une auto tous les jours. Mais ce plaisir a une limite, autre que le compte en banque : la polyvalence. La voiture servira à aller travailler ET partir en vacances.
C’est ça le problème ! D’un côté il faut un véhicule compact, à faible appétit, pratique en ville et de l’autre, un paquebot confortable, spacieux, prêt à avaler les kilomètres dans un bien-être total. Cela revient à chercher une paire de souliers pour aller courir et pour son mariage.
On se retrouve donc avec un compromis qui ne fait rien de bien mais tout moyennement.
Maintenant, enlevons des critères d’achat ce trajet domicile-travail. Là, les choix sont plus vastes, plus rentables, et le plaisir, plus grand.
L’option d’une seconde voiture est possible, mais cela engendre deux fois plus de frais, deux fois plus de contraintes de stationnement et n’a donc que peu de sens.
Et si on confiait ce trajet maison-travail à autre chose qu’à la voiture ?
Pourtant, côté compacité et praticité, il existe des solutions aujourd’hui, plus intéressantes que la voiture, voire que le scooter et bien moins dangereuses qui plus est : les vélos, VAE (vélo à assistance électrique) et EDPM (engin de déplacement personnel motorisé), composés principalement de trottinettes électriques et de gyroroues.
Il existe des raisons qui œuvrent en faveur de ces moyens de transport.
Raison 1 : la fatigue et la santé
Conduire dans les bouchons fatigue. C’est un fait. D’ailleurs si le pilotage automatique des Tesla était autorisé, tout le monde dormirait. Lorsqu’on rentre, on est éreinté et c’est que l’on peut appeler de la mauvaise fatigue. Il existe toutefois des solutions qui transforment cette mauvaise fatigue en « bonne fatigue » et en plaisir.
Parmi ces trois engins, le vélo à assistance électrique (VAE) est la meilleure solution pour ce critère. Il aide à arriver propre et en forme le matin grâce à l’assistance, puis permet de se déchaîner au retour le soir sans cette dernière, avec pour résultat un meilleur cardio et de la bonne fatigue. À l’arrivée, une bonne douche et un bien-être appréciable.
La gyroroue, elle, fait travailler les abdos et les cuisses, non sans rappeler les descentes en snowboard ou en ski. Elle nécessite d’être à l’écoute de l’engin et des variations de la route en échange d’une sensation difficile à décrire avec des mots tant elle est grisante. C’est plaisant, unique et addictif. C’est un petit moment de bonheur dont on profite avant et après une grosse journée de labeur.
La trottinette enfin, permet tout simplement de respirer, d’apprécier l’air certes pollué mais vivifiant. Puis on roule ! Ces engins ne sont que très peu à l’arrêt, et cette sensation de déplacement est agréable. Ajoutez des chemins balisés et vous obtenez un trajet permettant d’être zen.
Peu importe le moyen utilisé, peu importe l’heure, le temps de trajet est toujours le même. Cela permet d’éviter une grosse part de stress liée à cette incertitude d’être à l’heure.
Raison 2 : des économies que l’on peut réinjecter ailleurs
C’est le nerf de la guerre. Combien coûte la voiture qui permet le trajet domicile-travail ? Si on compte l’assurance, l’essence, le coût du véhicule, l’entretien et l’usure prématurée liés à ces petits trajets (le filtre à particules en est un parfait exemple), cela se chiffre entre 4 000 € et 6 000 € par an facilement. Une somme qu’on retrouve même en LOA si on compte l’apport nécessaire (reprise ou versement).
Il existe des trottinettes de bonne qualité, capables de manger des bornes et abordables. La Ninebot G30 Max par exemple, coûte 799 €. Sa batterie offre 30 km d’autonomie, même avec des pentes et un monsieur de 100 kg dessus. À part les pneus qu’il faudra changer après 5 000 km minimum, le reste ne bronchera pas, et la batterie de 0,551 kWh, à raison d’un cycle de recharge tous les jours, tiendra 3 ans avant de devoir être remplacée, moyennant 350-400 €. Un petit bilan rapide sur 3 ans donne :
- 800 € (coût de la trottinette)
- 0.551 x 0,15 € (coût du kWh en heure pleine) x 365 (une recharge par jour tous les jours) x 3 (nombre d’années)
- 100 € (coût de l’assurance à l’année) x 3
- 400 € (coût de la batterie après 3 années de bons et loyaux services)
- 60 € (prix de 2 pneus) x 2 (nombre de remplacements par an) x 3
- 200 € (prix de l’équipement comprenant veste hiver, été, pluie, plusieurs paires de gants, plusieurs casques)
On arrive à un total de 2 150 € pour 3 ans d’utilisation, soit 717 € par an ou 60 € par mois.
Une gyroroue oscille entre 1 000 € et 2 000 € mais pourra enchaîner les bornes sans sourciller. Son autonomie est également souvent très importante (60 kilomètres), au point de ne demander qu’un cycle tous les 2 jours. À raison d’une durée de vie minimum de 1 000 cycles par batterie, cela offre une durée de vie de plus de 5 ans pour une utilisation quotidienne 365 jours/an. Comptez également un équipement de motard pour vous protéger en cas de chute. Mais le plaisir et l’économie sur le long terme rendent l’investissement intéressant.
Le vélo à assistance électrique est sur le plan économique le moins bien loti. Comptez 1 500 € minimum pour un VAE capable d’affronter le quotidien. Pour ce prix, la batterie aura une durée de vie proche de celle de la gyroroue et sera facile à remplacer. Le moteur ne posera pas de problème. En revanche, beaucoup de pièces seront à changer, gonflant quand même pas mal la facture annuelle (200 € environ hors main-d’œuvre). Mais là encore, nous sommes loin du coût d’une voiture.
Raison 3 : prendre son pied à reprendre sa voiture
L’automobile n’est pas mauvaise. Ce qui fait les bouchons, c’est avant tout la centralisation des entreprises et donc des emplois aux cœurs des métropoles (comme l’exposait le Figaro il y a tout juste un an), les horaires identiques, l’accroissement de la population, le manque d’alternatives aux énergies fossiles (même si ça change), les transports en commun saturés aux heures de pointe, bref, l’automobile n’est pas le problème. Elle est simplement devenue un outil qui n’est plus adapté à la situation.
S’il est une raison qui peut justifier de ne pas prendre sa voiture pour aller travailler, c’est bien ce plaisir que l’on a de s’en servir pour le reste. Elle devient ce super véhicule qui prend le relais lorsque le VAE ou l’EDPM ne peut plus assurer. Dès lors, l’odeur, la sensation du volant dans les mains, du mouvement, de la vitesse procurée, la beauté de la ligne, le plaisir de rouler prennent une tout autre mesure…
Nous apprécions chaque instant à son volant, nous portons attention à tous ces détails qui la rendent à notre goût, les virages sont plus sympas que d’habitude, et même si la vitesse est limitée, le plaisir reste car le moment prend un côté exclusif. L’automobile n’apparaît plus comme une contrainte, une cocotte-minute faisant bouillir notre patience au milieu des bouchons et attisant notre stress, mais comme un morceau de bonheur fonctionnant en totale complémentarité avec d’autres moyens de se déplacer, plus adaptés aux courtes distances.
C’est en l’abandonnant pour la tâche la plus ingrate que nous aimerons la voiture encore plus fort pour le reste…
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