On a essayé le Tesla Cybertruck et son effrayant système de conduite autonome
ESSAI - Équipé du fameux « Full Self Driving » interdit en Europe, le Tesla Cybertruck peut-il réellement se conduire de façon entièrement autonome ? La réponse est non, même si le système commence à devenir impressionnant.
En Europe, il fascine toujours beaucoup de monde depuis la présentation du tout premier concept-car à la fin de l’année 2019. Aux Etats-Unis, où le Cybertruck est bien commercialisé depuis les derniers jours de l’année 2023, on commence à s’habituer à en voir tous les jours mêmes s’il ne se vend pas autant que prévu.
Vu par un Européen comme moi pour qui le seul contact avec cet engin au design extraterrestre se limitait à une brève rencontre sur le stand de la marque au Mondial de l’automobile de Paris 2024, croiser plusieurs exemplaires du pick-up électrique à la silhouette géométrique et simplifiée au maximum constitue vraiment un choc. A l’occasion de notre couverture du salon CES de Las Vegas 2025, j’ai pris le temps de faire un petit tour au volant de ce monstre de 5,68 mètres de long (pour 2,41 mètres de large rétroviseurs compris et 1,79 mètre de haut en mode suspension « basse ») sur le bitume du Nevada.
Même un an après sa commercialisation, certains passants semblent d’ailleurs toujours curieux à l’approche d’un de ces Cybertruck. Alors que les routes de Las Vegas fourmillent de gros pick-up « full size » au V8 ronronnant, de Cadillac Escalade conduits par des chauffeurs professionnels, de berlines Toyota toutes plus tristes les unes que les autres et de nombreuses Tesla au style infiniment plus banal que ce pick-up taillé à la masse, le Cybertruck fait toujours son petit effet d’autant plus qu’on commence à croiser beaucoup de modèles arborant les « coverings » d’usine, permettant de choisir d’autres couleurs que celle de l’acier (moyennant 4 500 dollars).
Alors, ça fait quoi de conduire un Cybertruck ? Tout d’abord, il faut éviter de se blesser en manipulant la lourde portière en acier inoxydable aux bords vraiment coupants, qu’on ouvre en appuyant sur un bouton situé au bas du montant B. L’installation à bord ne nécessite pas de vraies aptitudes en escalade, sauf si vous avez activé le mode « tout-terrain » de la suspension qui fait augmenter la garde au sol à 40 centimètres. A bord, l’ambiance ne change pas vraiment de celle des autres grosses Tesla familiales (les Model S et X), avec juste une cabine plus spacieuse et ces montants si rectilignes. Je note un pavillon de toit fini dans un matériau ressemblant à de l’Alcantara et une qualité d’assemblage pas irréprochable sur le plafonnier.
Pour le démarrer, on « swipe » la commande virtuelle située à la gauche de l’énorme écran tactile central de 17 pouces, exactement comme dans les autres modèles de la gamme (sauf le Model Y actuel). Puis il faut s’accommoder de ce drôle de petit volant « squircle », dépourvu de toute connexion mécanique avec les roues avant. Commandant une direction à démultiplication variable et des roues arrière directrices, ce petit volant répond avec une amplitude délirante à la moindre impulsion. Mise au point pour ne jamais demander de faire plus d’un demi-tour de volant, cette direction semble plus rapide et réactive que celle de certaines supercars ce qui paraît franchement burlesque quand on commande un pick-up à la vocation utilitaire pesant 2 995 kg dans cette version All Wheel Drive (celle de « base » en attendant l’arrivée de la future variante monomoteur attendue cette année à un prix d’environ 60 000 dollars).
Ma très brève prise en main n’ayant duré qu’une petite vingtaine de minutes dans un cadre d’essai très spécifique (celui des grandes multivoies de la banlieue de Las Vegas formant de gros carrés avec des feux tricolores à chaque coin et des croisements à 90 degrés tous identiques), je n’ai même pas eu le temps de totalement m’accoutumer à cette direction qui vous fait sur-braquer puis corriger à chaque virage au début. Le mode « one-pedal » paraît en revanche tout ce qu’il y a de plus classique et les performances (0 à 100 km/h estimé en 4,3 secondes d’après Tesla France sans mesure précise) impressionnent moins qu’en Model S quand on accélère à fond malgré les plus de 600 chevaux (la faute évidemment à la tonne supplémentaire par rapport à la berline familiale de la même marque). Malgré cette direction « steer-by wire » particulièrement surprenante, conduire un Cybertruck donne l’impression de se situer dans une (grosse) voiture plutôt qu’un vrai pick-up utilitaire. Je n’ai pas non plus eu vraiment le temps de juger le confort, digne lui aussi d’une vraie voiture de ce que j’ai pu expérimenter.
Un « Full Self Driving » pas encore complètement self
J’ai aussi pu tester ce fameux « Full Self Driving », disponible uniquement aux Etats-Unis pour le moment (même si l’option « Capacité de conduite entièrement autonome » à 7 500€ sur les modèles Tesla en France permet théoriquement d’activer ce système dans le futur chez nous à condition qu’il soit homologué). Autorisant d’après Tesla une conduite « quasiment » autonome bien que toujours considéré d’après la loi américaine comme un simple système d’aides à la conduite autonome de niveau 2 (de la même façon que nos régulateurs adaptatifs couplés au centrage dans la voie), il oblige toujours à « garder les mains sur le volant » d’après le site officiel de Tesla. Au regard de la loi, ce Full Self Driving reste donc moins sophistiqué que les premiers systèmes de conduite autonome de niveau 3 comme celui de Mercedes que nous avons récemment testé sur l’autoroute, déchargeant totalement la responsabilité du conducteur dans certaines conditions de circulation bien précises.
Dans la pratique, le Full Self Driving conduit bien la voiture toute seule mais demande au conducteur de mettre de la force dans le volant lorsqu’il ne détecte pas de pression dessus depuis trop longtemps (ou qu’il remarque une attention déficiente du conducteur via d’autres capteurs). Si vous ne sélectionnez pas une destination dans le système de navigation, il conduit tout droit et tourne aux intersections quand vous activez le clignotant en suivant les routes balisées (et même théoriquement celles qui ne le sont pas) en surveillant tous les obstacles et autres véhicules. Voir le véhicule s’arrêter tout seul au feu rouge puis redémarrer, négocier un changement de direction à 90 degrés et suivre les voies sans aucune erreur, tout cela impressionne vraiment. Mais pendant ce trajet d’essai très court, j’ai quand même entendu un petit « ding dong » suivi d’une désactivation du Full Self Driving en plein milieu d’un virage en angle droit vers la droite, laissant le véhicule s’arrêter en plein milieu de la voie. Impressionnant, oui, mais pas encore au point d’envisager une utilisation comme un vrai système de conduite autonome, donc.
Pour rappel, Tesla ambitionne de commercialiser son Cybercab sans volant avant 2027 aux Etats-Unis. En théorie donc, le « FSD » doit réellement devenir un système de conduite autonome d’ici là. Rappelons tout de même qu’entre les dates promises par Elon Musk et la mise sur le marché réelle, il s’écoule souvent plusieurs années. Certes, son arrivée au gouvernement de Donald Trump pourrait bien accélérer les choses après des années où les autorités américaines reprochaient au Full Self Driving de grosses failles de sécurité.
Quant au Cybertruck, je peux difficilement donner un avis dessus après un essai aussi bref mais j’ai l’impression que ses premiers clients l’utilisent comme une vraie voiture et non pas un pick-up utilitaire. Face à de vrais modèles « heavy-duty » thermiques sur des tâches utilitaires concrètes, il semble moyennement dominant malgré les promesses initiales d’Elon Musk comme l’ont montré les essais plus complets de la presse américaine (dont celui de Motor Trend). Son design si clivant, qu’on peut vraiment détester, semble cependant justifier son achat à lui tout seul pour ceux qui ont déboursé jusqu’à plus de 100 000 dollars en prenant livraison. Et je me demande même si on ne droit pas les approches radicales de Jaguar ou Honda sur leurs futures nouveautés aux réactions très positives du grand public lors de la première présentation du Cybertruck en 2019. Attention cependant pour ces constructeurs audacieux car comme on l’a vu récemment, le Cybertruck ne se vend justement pas aussi bien que prévu.
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