Paris: pourquoi le cauchemar automobile ne fait que commencer
L'objectif de la mairie de Paris est clair et parfaitement assumé: diminuer drastiquement la place de la voiture au nom de la lutte antipollution. Pour ce faire, les pouvoirs publics emploient la manière forte. Bien trop forte en fait, et pour des résultats peu tangibles.
Mardi 7 novembre, la mairie de Paris a dévoilé les détails de son nouveau plan climat, lequel comprend 500 mesures concernant des domaines aussi variés que le bâtiment, la gestion des déchets, l’alimentation, et bien sûr celui des transports (liste non exhaustive). Les pouvoirs publics s’enorgueillissent d'avoir réduit de 30% la circulation automobile en dix ans, et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Il convient même de parler d’accélération au sujet de ce plan qui sera présenté une première fois au Conseil de Paris les 20, 21 et 22 novembre, et une seconde fois en mars 2018 pour son adoption finale. Entretemps, il aura fait l'objet d'une consultation publique auprès des citoyens,de la Métropole du Grand Paris, ainsi que de l'Etat.
Sans surprise, l’automobile tient une place de choix dans ces mesures que guide l’ambition de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre intra-muros d’ici 2030. L’objectif est aussi de respecter les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière de qualité de l’air. Vastes et louables intentions, donc, mais pour la réalisation desquelles les conducteurs doivent se préparer à des moments difficiles. Les véhicules à moteur diesel seront bannis des rues de la capitale à partir de 2024, et ceux à moteur à essence à l’horizon 2030. Il sera également procédé à une transformation du périphérique dont on ignore encore les contours précis, mais il est notamment question d’y réserver une voie au covoiturage. A plus long terme, on rêve à la mairie de Paris d’une disparition pure et simple de cet axe : « Un jour, dans très longtemps, le périphérique parisien ne sera plus une autoroute. Comme à Séoul, où un axe à grande circulation est devenu un parc avec au milieu une rivière », a récemment prophétisé Anne Hidalgo lors d’un échange avec des lecteurs du Parisien.
« Prends le métro, Manuel ! »
Dans l’intervalle, les élus de la majorité parisienne veulent - et c’est logique - étendre leur croisade au Grand Paris avec l’instauration d’une Zone de circulation restreinte (ZCR) à l’échelle du territoire métropolitain. En clair, les véhicules les plus âgés, donc ne répondant pas aux normes antipollution récentes, seraient interdits de circulation, comme c’est déjà le cas à Paris.
Pour inciter les automobilistes de la capitale à abandonner les motorisations thermiques, 6 millions d’euros ont été investis dans l’installation de 1000 bornes de recharge pour véhicules électrique. Anne Hidalgo s’attache elle-même à montrer l’exemple sur ce point en se déplaçant au quotidien en Renault Zoé. Une solution il est vrai plus confortable que les transports en commun, mais cela ne manque pas de sel pour quelqu'un qui en janvier 2017 invitait l'ex-Premier ministre Manuel Valls à utiliser le métro après que celui-ci se soit plaint des difficultés de circulation à Paris.
Au-delà de l’anecdote, les mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics parisiens comportent de nombreuses faiblesses, que mettent en évidence des organismes peu suspects de collusion avec d’hypothétiques lobbies automobiles. Le premier d’entre eux est Airparif, qui début octobre 2017 dressait un bilan bien mitigé de la qualité de l’air un an après la fermeture des voies sur berges. Si l’association observe « une amélioration de la qualité de l’air le long des quais fermés à la circulation », elle précise que les niveaux restent néanmoins « au-dessus des valeurs réglementaires comme pour bon nombre d’axes routiers dans l’agglomération parisienne ». Surtout, elle note « une dégradation plus ou moins marquée autour des carrefours dans cette zone et à l’est, dès la fin de la portion piétonnisée » (ce qui signifie qu’il existe un report de pollution), et conclut son étude de la sorte : « aucun impact significatif sur l’exposition des populations n’a été mis en évidence à la hausse ou à la baisse » ! Entre les lignes, on comprend que même pour une association écolo, il est impossible de défendre les mesures anti-voitures de la Mairie de Paris, faute de résultats tangibles. Tout ça pour ça, donc...
Chers bouchons…
Bien sûr, il n’est pas question pour Caradisiac de militer pour un retour du tout-voiture à Paris alors même que des études montrent que la pollution atmosphérique est à l’origine de plus de 400 000 anticipés chaque année en Europe. Mais on objectera que si l’automobile fait figure de coupable tout trouvé (les transports routiers rejetant il est vrai 56% des oxydes d’azote mesurés en Ile-de-France), il faut aussi rappeler que les émanations de particules des transports ne représentent « que » 28% du total des particules PM10, soit une valeur identique à celle des secteurs résidentiel et tertiaire. Et encore convient-il de préciser que lesdites particules proviennent non seulement de la combustion de carburant, mais aussi des pneus et des freins. En d’autres termes, et on l’oublie trop souvent, même les très vertueuses voitures électriques émettent leur lot de particules à l’usage ! (Et on n’entrera pas dans le détail de leur bilan écologique « du puits à la roue » dans cet article consacré à la seule circulation parisienne…)
Par ailleurs, la réduction de voies de circulation, à plus forte raison quand elle est réalisée sans concertation, a des incidences en termes d’embouteillages (un automobiliste parisien passe en moyenne 46 heures dans les bouchons chaque année), de stress et de temps perdu dans les transports. Economiquement, tout ceci a un coût. Elevé. Une étude du fournisseur d’info-trafic Inrix avait conclu qu’entre 2013 et 2030, le coût total cumulé des embouteillages atteindrait 350 milliards d’euros. Pour la France, la facture annuelle s’élèvera à 22 milliards en 2030 (+31 % par rapport à 2013).
Calcul électoral
La congestion parisienne préoccupe jusqu’au Préfet de police, qui le 31 juillet dernier a jugé utile de prendre la plume pour s’émouvoir auprès de la mairie de Paris de l’implantation d’une piste cyclable à double sens rue de Rivoli, axe majeur de la circulation parisienne. « L’activité de cette rue, avec de nombreux commerces, générera inévitablement l’arrêt et le stationnement de véhicules de livraison, de dépannage, etc., qui régulièrement neutraliseront l’usage de la voie bus, c’est-à-dire aussi de la voie dont l’accès doit être garanti pour les véhicules de police et de secours (...) Il est envisagé en l’état de réorienter plus de la moitié du trafic actuel (1 300 véhicules par heure) vers des axes déjà fortement empruntés (boulevard Bourdon) ou eux-mêmes concernés, à court terme par des aménagements urbains ne maintenant qu’une file de circulation (bd Voltaire) » Si même la police s’en mêle, l’heure est grave ! Il n’en reste pas moins qu’en vertu du nouveau statut de Paris (loi du 28 février 2017), c’est la mairie de Paris qui a le dernier mot en matière de circulation. Et là réside le nœud du problème. Sachant que le taux d’équipement automobile des ménages parisiens est de 36,8%, soit la valeur la plus faible de France, la politique anti-voitures n’aura jamais de conséquences électorales lourdes pour l’équipe d’Anne Hidalgo. Il n’y a donc aucune raison de relâcher la pression pour un exécutif qui, quand ça l’arrange, sait aussi faire preuve d’un remarquable pragmatisme.
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