Plus d 'un million d'euro d'amende pour Uber requis en France
Pour l’enseigne Uber qui veut révolutionner les pratiques et les tarifs du transport à la personne, la course judiciaire française risque de coûter cher. Déjà, le 7 décembre dernier, l’enseigne avait été condamnée en appel à 150 000 euros d’amende pour «pratique commerciale trompeuse», car elle présentait son offre payante de transport UberPOP comme du covoiturage. Pas mal. Mais c’est à présent carrément plus de dix fois plus qui lui pend au nez.
La justice continue de s’occuper du cas de l’application UberPOP. Celle-ci a eu beau être suspendue depuis juillet dernier, la procédure suit son cours sur fond de malaise sociale des taxis, particulièrement touchés dans leur activité depuis d’installation de la société californienne. Doit-on faire le lien entre ce mécontentement aux sauts d’humeur parfois violents et la dureté des réquisitions du parquet ? Peut-être et ce d’autant plus que des syndicats de taxis sont parties civiles dans cette affaire.
Reste que ministère public a requis un million d’euros d’amende contre Uber France et cinq ans d’interdiction de gestion contre deux dirigeants. 50 000 et 70 000 euros d’amende ont aussi été requis respectivement contre le directeur général d’Uber France, Thibaud Simphal, et le directeur d’Uber pour l’Europe de l’Ouest à l’époque des faits, Pierre-Dimitri Gore-Coty. Au total, Uber encourt une peine maximale d’1,5 million d’euros d’amende.
Il faut dire que la liste des faits reprochés est longue comme l’attente d’un taxi tard sur le bord d’un trottoir un soir de pluie. Jugez-en : organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux sans être une entreprise de transport, un taxi ou un véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC). Une infraction prévue par la loi Thévenoud du 1er octobre 2014. Il y a aussi la pratique commerciale trompeuse, car Uber arguait dans ses publicités qu’UberPOP était licite. La complicité d’exercice illégal de la profession de taxi n’est pas plus oubliée.
Les investigations n’ont pas plus omis le traitement et la conservation illégaux de données informatiques, ainsi que l’enregistrement de données à caractère personnel. La conséquence de fichiers des cartes d’identité et permis de conduire des chauffeurs, leurs extraits de casiers judiciaires, ou encore une base de données sur les interpellations des chauffeurs.
Ce que la justice veut démontrer c’est que mettre en relation des clients avec des particuliers, qui, moyennant finances, utilisent leur véhicule privé pour les transporter sans payer de charges, c’est illégal. Un schéma que les parties civiles ont dénoncé comme un modèle économique prédateur, un système qui fait tout pour échapper au droit ou encore une «anguille» qui se livre à une «concurrence sauvage». Le tout prospérant sur « la ruine des taxis ». A l’issue des plaidoiries métaphoriques des avocats de la défense, le tribunal a mis son jugement en délibéré.
On rappellera que cette application UberPOP avait suscité des remous même au sein des chauffeurs VTC oeuvrant pour une entreprise Uber qui organisait jusqu’en son sein une concurrence déloyale. Une situation qui a imposé le terme d’«uberisation» dans l’univers d’un droit du travail ébranlé sur ses bases. En faisant de la précarisation croissante du travail non plus une crainte ultime mais une opportunité économique pour chaque individu prêt à casser les codes pour se voir adouber comme audacieux, Uber est un laboratoire à ciel ouvert pour tous les acteurs économiques.
Ce modèle économique et sa valorisation dépendent ici de ses coûts que le licenciement ou encore la sécurité sociale alimentent partout ailleurs. Il revient à la justice de définir les contours du salarié de demain. La résonnance de ce qui sortira du tribunal parisien portera bien plus loin que la simple affaire ici traitée.
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