Pollution : la fin des 2 roues dans les grandes villes ?
Écœurant. Voici ce qui pourrait ressortir des articles relayant l'étude de l'ICCT (Conseil International du Transport Propre). Menée à Paris au cours de l'été 2018, une étude au protocole obscur commandée par la mairie de Paris fait ressortir des taux de pollution des 2 et 3 roues motorisés extrêmement élevés. Détails d'une opération de communication sur fond Vert.
À la mairie de Paris, on aime avoir raison et tout faire pour orienter l'opinion, quitte à jouer avec la vérité et à faire du cinéma. ICCT, sur commande de la Mairie de Paris, vient de sortir une étude "en conditions réelles" de la pollution parisienne liée à la circulation. Une étude apparemment réalisée durant 1 mois pendant l'été 2018 (entre juin et juillet), rue de Tolbiac, Boulevard Diderot et avenue de Choisy, à Paris. Ces rues sont parmi les pires axes que l'on puisse imaginer dans la capitale. Une capitale déjà abominable en matière de logique de circulation, de fluidité du trafic et du respect de la mobilité de chacun, rappelons-le. Les résultats de cette étude menée sur un échantillon d'un peu moins de 3 500 2RM, ont été simplifiés et publiés sous la forme d'une fiche d'informations, que nous avons analysée.
Un contexte défavorable. Même en été, où le flot de véhicules est pourtant censé être réduit, l'étude annonce la couleur. La fréquentation réduite est certes appréciable, mais elle n'est pas représentative du flot réel de véhicules ni de la répartition 2RM/automobiles. Un facteur déjà pointé par la fiche d'informations de l'CCT. Autre facteur notable, également signalé par l'ICCT : en été, il fait chaud (même à Paris) et cela renforce de manière importante la pollution émise par les moteurs, toujours selon une autre étude du même ICCT.
Un contexte discutable. Aucune mention n'a été faite concernant les facteurs contextuels, comme la présence de feux, de travaux, ou tout autre élément impliquant une conduite plus polluante (arrêt/démarrages, et tout le toutim). Passons. Pas même ne nous explique-t-on comment les mesures, effectuées à distance. À distance, vraiment ? Comment ? Par magie ? Au nez ? Pardon, au pif ? Voici qui semble dans un premier temps ne faire qu'enfoncer des portes ouvertes, tout en tentant de quantifier ce qui ne saurait l'être ponctuellement. On ne sait donc pas vraiment comment les pollutions des véhicules ont été discriminées et attribuées, tout juste sait-on que les 2RM visés étaient Euro4, rapport au fichier d'immatriculation. Rappelons qu'en théorie, les contrôles d'un ordre aussi poussés, s'effectuent avec un système embarqué sur les deux roues…
Premier point. Lorsque l'on voit poindre dans les médias et sur les réseaux un communiqué émanent du découvreur du Diesel Gate (ICCT), communiqué largement tronqué et mal relayé par facilité à défaut d'être commenté et documenté, on se pose quelques instants et on réfléchit. Sur notre métier, pour commencer. Celui de journaliste plutôt que de porte parole. Sur celui des politiques ensuite, qui partent d'une bonne étude, apparemment intelligente, pour en faire tout autre chose, comme souvent.
Deuxième point. Ce "rapport", voulu neutre, est en lui-même bien fait et bien tourné. Qu'on se le dise. Il pointe factuellement les deux et trois roues motorisés Euro4 comme étant des surpollueurs en matière de CO et de NOx par rapport aux véhicules automobiles Euro5 et Euro6 actuellement en circulation. Pour autant, l'analyse est plus précise.
Elle fait ressortir le niveau des polluants mesurés et mesurables émis par nos véhicules (rassurez-vous, les diesels et automobiles ne sont pas épargnés non plus), mais ils polluent moins, selon cette fiche.
Des 2RM jusqu'à 18 fois plus polluants. Selon les relevés, les émissions de CO des 2/3 Roues motorisés norme Euro 4 (nous en sommes à Euro 5 pour rappel), donc le niveau de pollution au monoxyde de carbone, pourrait représenter jusqu'à 18 fois celui d'un diesel Euro6, tandis que le niveau de pollution au NOx, le fameux et très nocif monoxyde d'azote, est largement inférieur, avec un taux inférieur de plus de 3 fois (32 %).
Les deux et trois roues sont en effet en retard, et ce n'est ni un scoop, ni un crime… juste un fait historique, la norme Euro étant arrivée plus tardivement et étant bien plus complexe à mettre en œuvre sur des véhicules légers et mécaniquement plus simples et plus compacts.
Une distinction interne. Parmi les deux et trois roues motorisés, les plus pollueurs sont… les tricycles à moteur (donc les Piaggio MP3 en grande majorité), ainsi que les deux roues de puissance inférieure à 11 kW, donc les 125 cm3 et les 50 cm3. Les motos de grosses cylindrées et les motos "A2" seraient les bons élèves en la matière.
Les tricycles à moteur rois de la pollution. Aux tricycles revient la palme de la pollution au NOx, tandis que les 125 remportent celle du CO. Les gros cubes émettent pour leur part un peu plus de particules que les copains, sans que cela ne soit trop marqué par rapport au reste du parc roulant. Un bon point pour les permis A, donc. Et un élément de réflexion à retenir.
Pour mémoire, une grande majorité des 125 et 50 cm3 roulant sur Paris sont des scooters et le MP3 est lui aussi un scooter. La transmission automatique et l'obligation d'accélérer fort ponctuellement auraient donc un impact néfaste sur les émissions. Rien de nouveau là-dedans, mais une quantification cruelle pour les moteurs à transmission automatique…
Mise en perspective. Avant de cibler les usagers de deux et trois roues motorisés, déjà fort abattus par la mairie parisienne, ICCT a surtout voulu mettre en avant le retard pris par la norme Euro des deux et trois roues motorisés par rapport aux automobiles, y compris à motorisation diesel. Un retard que nous savons dû en grande partie à la complexité de l'intégration de dispositifs de réduction des émissions, surtout au niveau de l'échappement.
Les moteurs Euro5 (oui, nous sommes à euro5 en moto…), ayant pour leur part considérablement évolué, tant en matière de rendement que de consommation, l'essentiel du parc roulant reste Euro4. Rappelons au passage que la consommation, dont dépend grandement la mesure de pollution, est un facteur non pris en considération dans une étude "froide". On sait par contre que les polluants émis dépendent grandement de ce facteur.
Pour rappel, les 50 et 125 cm3 consomment en ville entre 2 et 3 l/100 km en moyenne selon notre expérience. Cela étant dit, l'ICCT pointe aussi du doigt le fait que si les deux et trois roues motorisés Euro4 restent Crit'Air 1 et que l'on chasse les véhicules à 4 roues plus polluants et réduit le traffic, la proportion de pollution deviendra nettement défavorable pour cette catégorie d'usagers. Implicitement, une rétrogradation des Euro4 Crit'Air 1 semble préconisée.
Plus de 2RM en Crit'Air 1 ? Autre point noté dans cette fiche d'informations de l'ICCT, les solutions envisagées sont soit une réduction des émissions directement dans le pot, soit une réduction du trafic au regard du niveau de pollution. Nous avons déjà la réponse, au vu de la politique actuelle de l'intolérance prônée sans discernement aucun par la mairie de Paris : les critères de Crit'Air pourraient bien subir une évolution notable prochainement… La bombe nucléaire pour chasser le moustique, vous connaissez ? C'est la méthode française… et parisienne. Attention aux retombées !
De la nuisance et la pollution politique. En regardant en détail ce dont il retourne, on comprend qu'une lecture biaisée de l'information relayée à coups de gros titre sans aucun discernement fait un mal tel que nous aurons du mal à nous en défaire, voir à nous en remettre. Au mieux nous serons des obstinés, au pire des inconscients. Quoi qu'il en soit, mal vus. À tort.
Pourtant, les 2 et 3 roues motorisés restent un moyen de locomotion des plus intéressant dans les grandes villes. Certes, ils peuvent se montrer ponctuellement polluants sous certaines conditions et si l'on ne prend en considération ni le gain de temps, ni la consommation réduite, ni même le gain de place que le fait de rouler ainsi occasionne. Et cela, difficile de le relater, ou même de l'étayer ou de l'entendre.
L'un des premiers facteurs de pollution de notre mode de déplacement reste comportemental, surtout en ville où l'on accélère parfois inutilement entre deux feux faute de puissance pour les 125 et moins. Un environnement où l'on pousse les régimes moteur sans raison ou parce que l'infrastructure est devenue aberrante pour ce mode de locomotion. Peut-être devrait on simplement permettre aux permis B ayant suivi la formation de 7 heures ou plus, voir passé un permis spécifique, de conduire des moins de 400 ou 300 cm3, tout simplement.
La raison, justement, que l'on semble perdre en cette période de chasse à la sorcière. Et cette fois-ci, elles ne chevauchent plus de balais, mais des motos, des scooters et tout ce qui sort de l'ordinaire, lesdites sorcières. Comme au cinéma, dans ces films tournés eux aussi sur fond vert.
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