Pollution automobile : rien n'a changé depuis douze ans
C'est du moins la conclusion du rapport de la Cour des comptes européenne qui vient d'être publié. Le document s'en prend aux instances publiques, accusées d'avoir trop longtemps pratiqué des tests d'homologation hors sol, mais aussi aux constructeurs ravis de participer à ce jeu truqué. Sauf que les choses en la matière évoluent depuis quatre ans. Mais la Cour omet un tout petit détail qui freine le renouvellement, et le verdissement du parc : le prix des voitures dans l'Union et leur hausse ces dernières années.
Hier, à Bruxelles, les sulfateuses étaient de sortie. C’est en effet ce mercredi que les sages de la Cour des comptes européenne ont publié leur rapport. Et comme d’habitude, ceux qui sont cités dans un tel document, qu’il soit national ou continental, en prennent pour leur grade. En l’occurrence les constructeurs automobiles, mais aussi les institutions européennes.
Le rapport est clair, renvoyant les instances et les entreprises dos à dos. Il indique que « la plupart des voitures particulières circulant actuellement sur les routes européennes émettent autant de C02 qu’il y a douze ans ». Selon le texte, les émissions sont restées stables pour les autos gavées au diesel, et n’ont baissé que de 4,6% au cours des dix dernières années pour les modèles essence. C’est peu.
Des moteurs dépollués pour les labos, pas pour la route
Pourtant, Bruxelles a empilé depuis 2012 des normes d’émission de plus en plus strictes pour l’homologation des nouveaux modèles. Sauf que, toujours selon la Cour des comptes, les tests vérifiant le bon respect de ces normes par les marques, se déroulaient en laboratoire jusqu’en 2020. Du coup, les constructeurs se sont logiquement « concentrés sur la réduction des émissions en laboratoire, plutôt que sur la route jusqu’il y a peu. D’où le décalage, au moins jusqu'à la mise en place des normes WLPT notamment, entre les consommations indiquées sur les fiches techniques des modèles, et celles constatées par les clients dans la vraie vie.
Reste que la Cour des comptes européenne a négligé quelques aspects, et non des moindres, dans son attaque frontale des institutions de l’UE comme des constructeurs automobiles. Certes les émissions liées aux transports représentent 23% du total et les voitures particulières sont responsables de la moitié d’entre elles. Certes aussi, les efforts consentis par les constructeurs, sous la pression des institutions politiques, sont récents.
Pour autant, le rapport oublie un détail d’importance : l’âge moyen des autos à travers l’Europe. Il atteint aujourd’hui 12 ans, justement, une époque ou les récentes normes n'étaient même pas à l'état de projet. Et cet âge n’est pas le fait d’un goût affirmé de nos compatriotes pour les youngtimers, mais à cause d’un réel problème économique.
Comme l’expliquait Luca de Meo, patron de Renault dans une tribune récente qu'il a livré aux Échos, le prix des autos a augmenté de 50% au cours des dernières années, d’où une impossibilité grandissante pour nombre d’Européens d’accéder à des voitures neuves.
En outre, quand la Cour des comptes européenne reproche aux instances publiques d’être trop lentes quant à l’électrification du parc de l’Union, elle oublie là encore les obstacles purement financiers de l’opération. En raison du prix moyen des VE qui, s’il atteint 20% des immatriculations, est encore lié aux perfusions publiques des divers bonus.
De la même manière, l'autre reproche adressé aux pays de l’Union, et qui concerne leur déficit de déploiement des bornes de recharges « qui se concentrent aujourd’hui dans trois pays : l’Allemagne, la France et les Pays Bas » néglige le fait que les pays de l’Union traversent des zones de turbulences financières depuis plusieurs années. Turbulences liées au Covid, à la crise énergétique, à l’inflation et à nombre de facteurs qui, évidemment, sont écartées par la Cour des comptes.
Du coup, on est en droit de se demander quel est l’intérêt réel d’un tel rapport ? Sachant que ni la Commission, ni le Parlement, n’est obligée d’en appliquer les préconisations, et d’injecter encore plus d’argent dans l’électrification des voitures. Mais peut-être que sa publication est une manière d’expliquer aux 450 millions d’habitants de l’Union que la transformation du parc du continent allait être lente et compliquée.
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