Pourquoi la mort de Roger Moore nous touche autant
Il n’a pas bouleversé l’histoire du cinéma, ni celle de l’art dramatique. Pourtant, la disparition du comédien Roger Moore, décédé la semaine passée, a très largement dépassé les rubriques nécrologiques des gazettes spécialisées. Car le dandy anglais emporte avec lui une période bénie, et après sa mort, ce n’est pas de deuil qu’il s’agit, mais de nostalgie.
Ce n’était pas le plus grand acteur du monde. Ni même, selon les experts en Bonderies, le meilleur 007, tout obnubilés qu’ils sont par son prédécesseur Sean Connery. Roger Moore n’a jamais ramassé ni Oscar, ni prix d’interprétation à Cannes. Et pourtant, sa disparition la semaine dernière a soulevé un nombre d’hommages inversement proportionnel à la reconnaissance que lui a offert l’establishment cinématographique de son vivant. Au point d’éclipser parfois d’autres événements. Au point où un très éminent confrère s’est interrogé sur Facebook, s’étonnant, qu’ « objectivement, la disparition de Roger Moore suscite infiniment plus de posts que l’attentat de Manchester. »
On peut s’en offusquer, mais c’est loin d’être inexact, du moins dans la sphère automobile, puisqu’ici même, Florent Ferrière s’est fendu d’un hommage en forme de top 10. Il suffirait donc de conduire divers engins improbables au service de sa majesté, de se tirer la bourre en Aston Martin face à une Dino 246GT dans Amicalement Vôtre et d’être l’aventurier qui aimait sa Volvo 1800P dans Le Saint pour être panthéonisé, faisant de l’ombre à un drame affreux qui a tué 22 personnes ?
Le comédien des trente glorieuses
Pas question évidemment de minimiser un monstrueux attentat terroriste et de maximiser la disparition d’un comédien anglais. Mais le deuil de Roger Moore est avant tout celui d’une époque. Car la plus grande partie de la carrière du disparu s’est déroulée entre 1960 et 1980. Une parenthèse enchantée incarnée par un dandy anglais bien mis et bienveillant comme le rappelle une anecdote citée par la presse belge. Un dandy qui n’était pas né ainsi et qui a profité d’un ascenseur social moins grippé qu’aujourd’hui.
Son enterrement est donc celui de cette époque que l’automobile incarnait plus qu’aucun autre objet du XXe siècle. Il suffit de se souvenir des pseudo-courses auxquelles les deux larrons se livraient sur la corniche au-dessus de Nice et jusque dans les rues de Monaco dans la série Amicalement vôtre. L'Américain nouveau riche avec sa Dino et le Britannique de bonne famille en Aston se marquent de près sur des routes ouvertes sans que personne n’y voie de scandale à dénoncer illico à un CSA qui n’était même pas encore à l’état de projet.
La nostalgie, camarade
Ce culte soudain, voué à une star qui marquera moins l’histoire du cinéma que la vie de ceux qui ont connu cette période, n’est explicable que dans ce regret des trente glorieuses qui se sont achevées avec lui. Dany Wilde s’en est parti, Lord Sinclair l’a suivi. Aston cherche toujours un nouveau souffle, la Dino n’est plus la Ferrari maudite et s’envole sous les marteaux des commissaires-priseurs. Les dandys roulent en Tesla électriques et les nouveaux riches de Wall Street sabreront bientôt leur magnum à l’arrière des voitures autonomes. Le nouveau monde est en marche et l’ancien est mort mardi dernier. Il n’en reste que la nostalgie, camarade.
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