Quand Carlos Tavares contredit Carlos Tavares
Michel Holtz , mis à jour
Lors du récent Mondial de l'auto, le patron de Stellantis promettait, devant le chef de l'État, qu'il allait assembler 12 modèles électriques en France. Patatras : un mois plus tard, il fait volte-face en expliquant que la fabrication de voitures zéro émissions est trop coûteuse en Europe. Renoncement ou manœuvre ?
17 octobre, 10h du matin. Sur le stand Peugeot du Mondial de l'auto, la foule est compacte autour des deux hommes : Carlos Tavares présente la nouvelle Peugeot 408 à Emmanuel Macron venu inaugurer le salon. Le patron de Stellantis accueille le chef de l'État avec une promesse : celle "d'assembler, en France et à brève échéance, 12 modèles de voitures électriques". Voilà qui plaît à l'exécutif, qui y voit une promesse de réindustrialisation, du moins un espoir d'éviter une casse sociale.
Un mois et 7 jours plus tard exactement, le même Carlos Tavares donne une interview à nos confrères anglais d'Automotive News. Et ses propos ne sont pas vraiment du même tonneau. On est loin des lendemains qui chantent du Mondial. Les autos à zéro émissions ? « Pour l’instant, l’Europe n’est pas capable de fabriquer des voitures électriques abordables ». Que signifie cette volte-face ? Un renoncement ? Un changement d'avis ? Une promesse au président qui ne sera jamais tenue ? Au contraire : il se pourrait bien que les deux interventions tavaresques soient parfaitement cohérentes, et résonnent comme un avertissement des tarifs à venir, et aussi une indication sur les futurs modèles qui pourraient débouler en Europe. Tentatives d'explications.
Les 12 autos seront bien fabriquées en France
Peu après avoir promis au président de la République d'assembler douze modèles électriques dans l'hexagone, Carlos Tavares a livré quelques détails. Les autos fabriquées en France ? Il s'agirait de la version ZE des 308, 308 SW et 408 qui sortiraient des chaînes de Mulhouse. Les futurs SUV 3008 et 5008 électriques seraient quant à eux assemblés à Sochaux et un SUV électrique Citroën naitrait quant à lui à Rennes. En y ajoutant des modèles DS et des utilitaires, le boss de Stellantis entend bien arriver au bon compte des 12 autos fabriquées en France.
Mais alors, si l'Europe est trop chère pour fabriquer des voitures électriques, Carlos Tavares compte-t-il revenir sur sa décision et délocaliser la production des douze modèles ? Selon les syndicats maison, les nouvelles autos sont actées et validées. Quant aux propos du patron dans Automotive news il faudrait les entendre comme un présage.
Une manière de justifier des prix élevés
En somme, le message, en forme d'avertissement, consiste à dire : "ok, on va bien fabriquer cette flopée de voitures électriques dans l'hexagone, avec des salariés français, mais elles seront vendues cher. Je vous aurais prévenu". Une manière de couper court, plusieurs mois avant de publier les tarifs, aux critiques concernant notamment les prix exorbitants de la future 408 électrique, dont le prix d'appel, en thermique, atteint déjà les 37 350 euros.
Mais cette déclaration livrée à nos confrères anglais a un autre but. Carlos Tavares y évoque l'eldorado indien. Un pays aux coûts bas ou il se verrait bien fabriquer des autos pour le marché local, et pourquoi pas, pour l'Europe. Car il garde en tête la proposition macronienne en chantier, celle du leasing social. Pas question de laisser filer aux mains de son confrère et néanmoins rival Luca De Meo les fameuses électriques à 100 euros par mois, puisque la Dacia Spring est parfaitement placée pour répondre à ce cahier des charges.
Or la Spring est fabriquée en Chine et même, en cas de montée possible du protectionnisme européen, De Meo espère bien obtenir une dérogation pour la petite Dacia, qui est aujourd'hui à peu près seule en lice pour répondre aux critères de l'électrique pas chère. Car après tout, la marque roumaine appartient à un groupe français. De son côté, Tavares espère bien profiter lui aussi de l'aubaine avec sa future indienne, puisqu'il s'est retiré de Chine.
Une Citroën C3 électrique à 100 euros par mois ?
Quelle sera la voiture indienne Stellantis à 100 euros par mois ? Quelques indices permettent, sinon de l'affirmer, du moins de le présumer. l'an prochain, le groupe doit présenter, en Inde, une auto électrique conçue sur la base d'une Citroën C3. C'est aussi en 2023 que le leasing social doit démarrer. Étant donné les qualités de confort et de dynamisme d'une C3, même simplifiée, comparées à celle d'une Dacia Spring, la première, louée 100 euros, pourrait bien éclipser la roumano-chinoise. Si cette manœuvre s'avère payante, les apparentes contradictions de Carlos Tavares seraient justifiées, et elles aussi payantes.
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